La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/11/2020 | FRANCE | N°19NT02615

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 06 novembre 2020, 19NT02615


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société GAN Assurances a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Sainte-Sève (Finistère) à lui verser la somme de 12 000 euros en remboursement de la somme versée par elle aux ayants-droits de Malo G..., victime d'un accident de la circulation causé par son assuré, M. H..., ainsi que la somme de 37 351,16 euros correspondant au montant des débours remboursés à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère, et les sommes devant être versées à l'avenir.

Par un jugement n°1500764 du 14 mai 2019 le tribunal administratif de Rennes, après ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société GAN Assurances a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Sainte-Sève (Finistère) à lui verser la somme de 12 000 euros en remboursement de la somme versée par elle aux ayants-droits de Malo G..., victime d'un accident de la circulation causé par son assuré, M. H..., ainsi que la somme de 37 351,16 euros correspondant au montant des débours remboursés à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère, et les sommes devant être versées à l'avenir.

Par un jugement n°1500764 du 14 mai 2019 le tribunal administratif de Rennes, après avoir jugé que la responsabilité de la commune de Sainte-Sève était engagée à hauteur de 10% dans l'accident dont a été victime Malo G..., a condamné celle-ci à verser à la société GAN Assurances les sommes respectives de 1 200 euros et 3 735,12 euros et a rejeté le surplus des conclusions de cette dernière.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 4 juillet 2019, 31 janvier 2020 et 13 mars 2020, la société GAN Assurances, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 14 mai 2019 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il n'a pas fait droit à la totalité de ses conclusions ;

2°) de condamner la commune de Sainte-Sève à lui verser les sommes de 48 550,60 euros, 42 075,26 euros et 5 212,41 euros versées par elle respectivement aux ayants-droits de Malo G..., à la CPAM du Finistère et à la mutuelle complémentaire Stream-Techs, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 19 février 2015 et de la capitalisation des intérêts ;

3°) subsidiairement de condamner la commune de Sainte-Sève à lui verser 80% des sommes précédemment indiquées ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Sainte-Sève la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a limité à 10% la part de responsabilité de la commune dans l'accident du 29 mars 2011 ;

- la commune a commis une faute qui engage sa totale responsabilité en omettant d'installer au carrefour où a eu lieu l'accident une signalisation adéquate ; compte tenu de sa configuration, ce carrefour présentait une dangerosité particulière ; cette absence de signalisation révèle un entretien anormal de la voirie communale ;

- son assuré, bien qu'auteur de l'accident et devant à ce titre indemniser

Malo G... de ses conséquences, n'a commis aucune faute de conduite, ainsi qu'en atteste le rapport de gendarmerie établi à la suite de l'accident ;

- la victime de l'accident n'a elle-même commis aucune faute du fait de son jeune âge ;

- en tant que subrogée dans les droits de Malo G..., elle est en mesure de demander à la commune de Sainte-Sève de supporter l'ensemble des conséquences dommageables de l'accident de circulation survenu le 29 mars 2011, dont elle porte l'entière responsabilité ; cette prise en charge inclut les dépenses qu'elle sera amenée à supporter à l'avenir au titre de l'indemnisation des préjudices subis par Malo G... ainsi que l'ensemble des débours supportés par la CPAM du Finistère au titre des prestations servies à ce dernier ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a limité la prise en charge par la commune, pour sa part de responsabilité, aux seules sommes provisionnelles déjà versées alors que des sommes complémentaires devront être versées jusqu'à la consolidation de l'état de santé de Malo G... ;

- la responsabilité de la commune de Sainte-Sève pourrait, à titre subsidiaire, être partagée par moitié avec son client.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 janvier 2020 la commune de Sainte-Sève, représentée par Me F..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre et au rejet de la demande de la société GAN Assurances ;

3°) à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de cette dernière au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- elle n'a commis aucune faute et que sa responsabilité ne peut être engagée ;

- l'accident du 29 mars 2011 est exclusivement dû aux imprudences de la victime et du conducteur du véhicule ;

- les prétentions indemnitaires de la requérante ne sont pas fondées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme I...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- les observations de Me E..., substituant Me A..., représentant la société GAN Assurances, et de Me D..., substituant Me F..., représentant la commune de Sainte-Sève.

Considérant ce qui suit :

1. Le jeune B... G..., alors âgé de onze ans, a été victime le 29 mars 2011 d'un accident de la circulation sur le territoire de la commune de Sainte-Sève (29). Il a été renversé par un véhicule alors qu'il traversait à bicyclette le carrefour donnant sur la route dite de Penprat afin de rejoindre le terrain de football situé en face. La société GAN Assurances, assureur du conducteur du véhicule à l'origine du dommage, a versé à titre provisionnel aux représentants légaux de Malo G... une indemnité totale s'élevant à 12 000 euros, en réparation de son préjudice corporel, ainsi que la somme de 37 351,16 euros à la CPAM du Finistère au titre des débours consécutifs à la prise en charge de la victime de l'accident. La société GAN Assurances a ensuite saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Sainte-Sève à lui rembourser ces deux sommes. Par jugement du 14 mars 2019 le tribunal administratif a condamné la commune de

Sainte-Sève à verser à l'assureur les sommes respectives de 1 200 et 3 735,12 euros. La société GAN Assurances relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à la totalité de ses conclusions. La commune de Sainte-Sève, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre et le rejet de la demande de la société GAN Assurances.

Sur la responsabilité de la commune de Sainte-Sève :

2. La responsabilité de l'administration peut être engagée à raison de la faute qu'elle a commise pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain. Lorsque cette faute et celle d'un tiers ont concouru à la réalisation d'un même dommage, le tiers co-auteur qui, comme en l'espèce a indemnisé la victime, peut se retourner contre l'administration en invoquant la faute de cette dernière. La demande par laquelle le tiers co-auteur saisit la juridiction administrative d'un recours en vue de faire supporter la charge de la réparation par la collectivité publique de la part du dommage lui incombant a le caractère d'une action subrogatoire fondée sur les droits de la victime à l'égard de l'administration, et il peut donc se voir opposer l'ensemble des moyens de défense qui auraient pu l'être à la victime. En outre, eu égard à l'objet d'une telle action, qui vise à assurer la répartition de la charge de la réparation du dommage entre ses co-auteurs, sa propre faute lui est également opposable.

3. Par ailleurs, l'usager d'une voie publique est fondé à demander réparation du dommage qu'il a subi du fait de l'existence ou du fonctionnement de cet ouvrage ou du fait des travaux publics qui y sont réalisés tant à la collectivité gestionnaire de la voie qu'à l'auteur des travaux dommageables. Il doit démontrer, d'une part, la réalité de son préjudice et, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre les travaux publics et le dommage. Les personnes ainsi mises en cause ne peuvent dégager leur responsabilité, sauf cas de force majeure ou faute de la victime, qu'en établissant que l'ouvrage était normalement entretenu.

4. Il résulte des circonstances rappelées dans le rapport de gendarmerie établi à la suite de l'accident de circulation survenu le 29 mars 2011 que le jeune B... G..., qui circulait à bicyclette sur une voie non aménagée desservant un lotissement communal en cours de construction, s'est engagé sans aucun contrôle préalable, pour la traverser, sur la route dite de Penprat, alors qu'un talus d'environ deux mètres de haut situé sur sa gauche l'empêchait de voir les véhicules susceptibles d'arriver. Au même moment arrivait sur cette route un véhicule à usage de bétaillère conduit par M. H... qui, malgré un freinage en urgence et une manoeuvre consistant à se déporter vers la gauche, n'a pu éviter l'enfant.

5. Il résulte de l'instruction que le croisement de la route dite de Penprat et de la voie d'accès au lotissement ne faisait l'objet, à la date de l'accident, d'aucun aménagement particulier. La voie d'accès n'étant pas encore aménagée, le carrefour était dépourvu de signalisation verticale et de tout marquage au sol. Il est également constant que l'entrée du lotissement n'était pas visible depuis la route pour les véhicules arrivant de la gauche en raison de la présence, le long de la chaussée, d'un talus d'environ deux mètres de haut. Dans ces conditions, le croisement présentait en l'état un caractère dangereux, qui a été souligné par l'expert en sécurité routière auditionné par la gendarmerie, car la route de Penprat faisait l'objet d'un trafic routier important. En s'abstenant de sécuriser, fut-ce de manière provisoire, ce carrefour et de le rendre plus visible par une signalisation appropriée, la commune de Sainte-Sève, alors même que le lotissement et ses voies d'accès n'étaient pas achevés, n'a pas aménagé la voie publique dont elle avait la responsabilité de manière à caractériser un entretien normal de cet ouvrage. Sa responsabilité est, par suite, engagée à l'égard de Malo

G..., dans les droits duquel est subrogée la société GAN Assurances.

6. Il résulte toutefois des éléments de fait rappelés au point 4 que l'accident dont a été victime le jeune B... G... est avant tout imputable à la très grave imprudence commise par ce dernier en s'engageant sans contrôle préalable, et pour la traverser, sur une voie routière dont il ne pouvait malgré son âge ignorer le danger qu'elle représentait. Cette imprudence manifeste est de nature à réduire la responsabilité de la commune.

7. Il résulte par ailleurs également de l'instruction que le conducteur du véhicule qui a heurté Malo G... était un habitué des lieux, qu'il parcourait régulièrement dans le cadre de son activité professionnelle, et qu'il avait connaissance, ainsi qu'il l'a d'ailleurs admis lors de son audition par la gendarmerie, de l'existence des travaux en cours au niveau du lotissement communal. Si M. H... roulait alors à la vitesse autorisée et si sa responsabilité pénale n'a pas été engagée, il aurait néanmoins également dû adapter la conduite de son véhicule à la configuration particulière des lieux, notamment du fait du manque de visibilité sur le côté droit de la chaussée dans le sens où il circulait le jour de l'accident.

8. Dans ces conditions, tant la victime que le conducteur ont commis des fautes de nature à réduire la part de responsabilité de la commune à laquelle l'accident dont

Malo G... a été victime est imputable, du fait du défaut d'entretien normal. Eu égard aux circonstances particulières de l'accident, il sera fait une plus juste appréciation de cette part de responsabilité en la fixant à 25 % des dommages. Le jugement attaqué sera réformé sur ce point.

Sur le montant du préjudice :

9. Si la société GAN Assurances est, comme cela a été rappelé ci-dessus, subrogée dans les droits de la victime, Malo G..., par le double effet de la subrogation dans les droits du conducteur responsable et de la subrogation dans les droits de la victime, elle ne l'est toutefois que dans la limite de la dette dont elle s'est effectivement acquittée, que ce soit à l'égard de la victime ou vis-à-vis des organismes sociaux.

10. La société GAN Assurances justifie devant la cour avoir exposé, au titre de l'accident dont a été victime Malo G..., les sommes totales de 48 550,60 euros, 42 075,26 euros et 5 212,41 euros versées respectivement aux consorts G..., à la CPAM du Finistère et à la mutuelle des parents de Malo G.... Si ces sommes sont supérieures aux sommes demandées devant le tribunal administratif de Rennes, les conclusions s'y rapportant sont néanmoins recevables dès lors qu'elles se rapportent au même fait générateur et constituent une aggravation du préjudice subi par la compagnie d'assurance subrogée. Cette dernière n'est en revanche pas recevable à demander en outre la condamnation de la commune de Sainte-Sève à l'indemniser de dépenses futures éventuelles qu'elle n'a pas encore supportées. Il suit de là que la somme totale due par la commune de Sainte-Sève à la société GAN Assurances doit en définitive être portée, après application de la part de responsabilité de 25 % retenue au point 8 du présent arrêt, à 23 959,57 euros.

11. Il résulte de ce qui précède que la société GAN Assurances est fondée à demander la réformation du jugement dans la mesure énoncée aux points 8 et 10. Les conclusions d'appel incident formulées par la commune de Sainte-Sève doivent quant à elles être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société GAN Assurances, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la commune de Sainte-Sève la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle non compris dans les dépens. Il y a en revanche lieu de mettre à la charge de la commune de Sainte-Sève, au même titre, la somme de 1 500 euros au profit de la société GAN Assurances.

D E C I D E :

Article 1er : La somme totale que la commune de Sainte-Sève a été condamnée par le tribunal administratif de Rennes à verser à la société GAN Assurances est portée à 23 959,57 euros.

Article 2 : Le jugement n°1500764 du TA de Rennes du 14 mai 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête ainsi que les conclusions présentées par la commune de Sainte-Sève devant la cour sont rejetés.

Article 4 : La commune de Sainte-Sève versera la somme de 1 500 euros à la société GAN Assurances au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société GAN Assurances, à la commune de Sainte-Sève, à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère-Morbihan, à M. C...

G... et à M. B... G....

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président,

- M. Berthon, premier conseiller,

- Mme I..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 novembre 2020.

Le rapporteur

M. I...

Le président

I. Perrot Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne et tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°19NT02615 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02615
Date de la décision : 06/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Muriel LE BARBIER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SCP GAUD MONTAGNE CREISSEN (AGMC)

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-06;19nt02615 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award