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20/11/2020 | FRANCE | N°19NT04570

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 20 novembre 2020, 19NT04570


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 1er février 2019 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit d'office.

Par une ordonnance n° 1902401 du 28 octobre 2019, la présidente de la 7ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et u

n mémoire complémentaire, enregistrés les 28 novembre 2019 et 25 août 2020, M. C... D..., représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 1er février 2019 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit d'office.

Par une ordonnance n° 1902401 du 28 octobre 2019, la présidente de la 7ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 novembre 2019 et 25 août 2020, M. C... D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Nantes du 28 octobre 2019 ;

2°) de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Nantes pour qu'il soit statué sur sa demande ;

3°) subsidiairement, d'annuler l'arrêté du 1er février 2019 ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder sans les mêmes conditions à un nouvel examen de sa demande et, dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative et, subsidiairement, si M. D... ne bénéficie pas de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que sa requête a été jugée manifestement irrecevable : c'est au terme d'une erreur matérielle que son conseil n'a pas joint à sa requête l'intégralité de la décision préfectorale contestée alors que sa requête a reproduit la totalité du dispositif de l'arrêté ; l'invitation à régulariser qui lui a été faite n'a été lue que le 27 novembre 2019 et elle était en tout état de cause tardive pour être intervenue après la clôture d'instruction ; le délai de régularisation a nécessairement été interrompu par sa demande d'aide juridictionnelle alors que la décision accordant cette aide n'est intervenue que le 20 octobre 2019, soit moins de 8 jours avant l'ordonnance attaquée.

en ce qui concerne l'arrêté portant refus de titre de séjour :

- il n'est pas suffisamment motivé au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnait les articles L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 47 du code civil et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard aux documents d'état-civil dont il se prévaut ;

- eu égard à son activité professionnelle il a droit au bénéfice d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 12° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à sa parfaite intégration, notamment professionnelle, et en l'absence d'élément pouvant établir le caractère frauduleux des éléments d'état-civil produits ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont méconnues eu égard à la séparation qu'elle implique et à ses efforts d'insertion ;

en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnait les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 3 et 9 de la convention internationale des droits de l'enfant et le principe de fraternité eu égard à ses conséquences sur sa vie privée et familiale et à la situation au Mali ;

en ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle porte atteinte à sa dignité faute de prendre en compte sa situation personnelle ;

- elle méconnait les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 3 et 9 de la convention internationale des droits de l'enfant et le principe de fraternité eu égard à ses conséquences sur sa vie privée et familiale et à la situation au Mali.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2020, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 18 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... D..., se déclarant ressortissant malien né le 12 novembre 2000 et entré en France le 28 octobre 2016, a été pris en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance par le département de la Sarthe à compter de juin 2017. Il a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire " salarié ". Par un arrêté du 1er février 2019, le préfet de la Sarthe, après avoir constaté que son état-civil n'est pas établi, a rejeté sa demande de titre de séjour au regard des articles L. 313-15, L. 313-10 et L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. Par une ordonnance du 28 octobre 2019, dont M. D... relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté comme manifestement irrecevable en raison du défaut de production, dans le délai imparti par une mise en demeure, de l'intégralité de l'arrêté contesté.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ". D'autre part, aux termes de l'article R. 412-1 du même code : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué (...) ". Aux termes de l'article R. 612-1 de ce code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser (...) La demande de régularisation mentionne qu'à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours ".

3. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 611-8-6 du code de justice administrative : " Lorsqu'une partie a accepté, pour une instance donnée, l'utilisation du téléservice mentionné à l'article R. 414-6, la juridiction peut lui adresser par cette application, et pour cette instance, toutes les communications et notifications prévues par le présent livre. /

Les parties sont réputées avoir reçu la communication ou la notification à la date de première consultation du document qui leur a été ainsi adressé, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition du document dans l'application, à l'issue de ce délai. Sauf demande contraire de leur part, les parties sont alertées de toute nouvelle communication ou notification par un message électronique envoyé à l'adresse choisie par elles. (...) ".

4. Enfin, aux termes de l'article 43-1 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Sans préjudice de l'application des dispositions relatives à l'admission provisoire, la juridiction avisée du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle est tenue de surseoir à statuer dans l'attente de la décision statuant sur cette demande. / Il en est de même lorsqu'elle est saisie d'une telle demande, qu'elle transmet sans délai au bureau d'aide juridictionnelle compétent. / Les dispositions des alinéas précédents ne sont pas applicables en cas d'irrecevabilité manifeste de l'action du demandeur à l'aide, insusceptible d'être couverte en cours d'instance ".

5. Il est constant que la demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 1er février 2019 présentée par le conseil de M. D... devant le tribunal administratif de Nantes ne comprenait pas la copie de l'intégralité de cette décision. Par un courrier du greffe de ce tribunal, mis à disposition de ce conseil le 6 juin 2019, ce dernier a été mis en demeure de régulariser sa requête dans un délai de 15 jours, avec l'indication que sa demande pourra être rejetée par ordonnance faute de régularisation à l'expiration de ce délai. Parallèlement, le 7 mars 2019, M. D... a présenté une demande d'aide juridictionnelle, à laquelle le bureau d'aide juridictionnelle a répondu favorablement le 21 octobre 2019 en désignant l'avocat déjà constitué. Par l'ordonnance attaquée du 28 octobre 2019 la présidente de la 7ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté la requête présentée faute pour M. D... de l'avoir régularisée par la production de l'intégralité de la décision préfectorale contestée.

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le courrier du 6 juin 2019 de demande de régularisation émanant du greffe du tribunal a été mis à la disposition du conseil de M. D... le même jour sur l'application télérecours. Il lui fixait un délai de 15 jours et indiquait que sa demande pourrait être rejetée par ordonnance faute de régularisation à l'expiration de ce délai. Alors même que l'avocat de M. D... n'a accusé réception de ce dernier courrier que le 27 novembre 2019 il est réputé, par application de l'article R. 611-8-6 du code de justice administrative, avoir eu connaissance de cette mise en demeure deux jours à compter de la mise à disposition de ce courrier dans l'application informatique.

7. En deuxième lieu, la circonstance que le conseil de M. D... a recopié dans sa requête présentée au tribunal administratif le dispositif de l'arrêté préfectoral contesté du 1er février 2019 n'était pas de nature à pallier l'absence de production, dans le respect de l'article R. 412-1 du code de justice administrative, de l'acte contesté.

8. En troisième lieu, la circonstance que par une ordonnance du 11 mars 2019 la clôture d'instruction a été fixée le 15 avril 2019 est sans incidence sur la faculté que conservait le magistrat en charge de l'instruction de demander postérieurement à cette date, au conseil du requérant, de compléter sa requête, ainsi que l'impose l'article R. 412-1 du code de justice administrative, par la production de la copie intégrale de la décision contestée.

9. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la demande de régularisation mise à disposition du conseil de M. D..., régulièrement constitué, le 6 juin 2019 lui fixait un délai de 15 jours à cet effet et, d'autre part, que ce même conseil a été désigné par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 21 octobre 2019. Contrairement à ce que soutient M. D... la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 21 octobre 2019 désignant le même avocat que celui qui avait introduit sa requête, et auprès de qui la demande de régularisation avait été faite le 6 juin 2019, n'imposait pas d'attendre un nouveau délai de 15 jours avant l'intervention de l'ordonnance du 28 octobre 2019 rejetant sa requête.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 7ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2019 du préfet de la Sarthe. Ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. C... D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2020.

Le rapporteur,

C. B...

Le président,

L. Lainé

La greffière,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT04570


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04570
Date de la décision : 20/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : SCP GALLOT LAVALLEE IFRAH BEGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-20;19nt04570 ?
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