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01/12/2020 | FRANCE | N°20NT01131

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 01 décembre 2020, 20NT01131


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 21 janvier 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, d'enjoindre à cette autorité de transmettre sa demande d'asile à l'OFPRA ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 150 eur

os par jour de retard, enfin de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 21 janvier 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, d'enjoindre à cette autorité de transmettre sa demande d'asile à l'OFPRA ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2001851 du 27 février 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mars 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes du 27 février 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 21 janvier 2020 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre à cette autorité de transmettre sa demande d'asile à l'OFPRA ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision ordonnant son transfert aux autorités espagnoles a été prise par une autorité incompétente ;

- la décision ordonnant son transfert aux autorités espagnoles est insuffisamment motivée ;

- la décision ordonnant son transfert aux autorités espagnoles est entachée d'un vice de procédure car l'information qui lui a été délivrée sur ses droits et sur le relevé Eurodac est incomplète ou insuffisante ;

- la décision ordonnant son transfert aux autorités espagnoles est entachée d'une erreur de droit ; le motif de cette décision ne permet pas de déterminer le critère retenu et sur la base de quel fait précis l'Espagne a été reconnue responsable de la demande d'asile ;

- la décision ordonnant son transfert aux autorités espagnoles méconnaît le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la décision ordonnant son transfert aux autorités espagnoles est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; c'est à tort qu'il a été estimé que ses problèmes de santé pouvaient être pris raisonnablement en charge en Espagne ;

- la décision ordonnant son transfert aux autorités espagnoles méconnait, pour les mêmes motifs, les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision ordonnant son transfert aux autorités espagnoles méconnait les dispositions de l'article 25 du règlementn°604/2013 du 26 juin 2013 concernant la vérification du dispositif EURODAC ;

- la décision portant assignation à résidence est entachée d'incompétence, d'un défaut de motivation et d'un vice de procédure ;

- la décision portant assignation à résidence méconnait la liberté d'aller et de venir, est disproportionnée compte tenu de ses problèmes de santé et méconnait l'article L.611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé et indique à la cour que les autorités espagnoles ont été informées de la date limite de report de transfert de l'intéressé au 6 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen, entré en France le 25 novembre 2019, a sollicité l'asile auprès des services de la préfecture de Maine-et-Loire le 4 décembre suivant. La consultation du fichier " Eurodac " ayant révélé qu'il avait franchi les frontières de l'Union européenne vers l'Espagne où ses empreintes ont été enregistrées le 10 octobre 2019, le préfet de Maine-et-Loire a sollicité la prise en charge par les autorités espagnoles le 6 décembre 2019, lesquelles l'ont acceptée le 9 janvier 2020. Par les arrêtés du 21 janvier 2020, le préfet de Maine-et-Loire a décidé, d'une part, le transfert aux autorités espagnoles de M. A... et, d'autre part, son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... relève appel du jugement du 27 février 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés du 21 janvier 2020.

Sur l'arrêté du 21 janvier 2020 décidant du transfert aux autorités espagnoles :

2. En premier lieu, Mme F... D..., directrice de l'immigration et des relations avec les usagers à la préfecture de Maine-et-Loire, signataire de la décision contestée, a reçu délégation de signature du préfet de ce département pour signer cette décision selon un arrêté du 27 novembre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 29 novembre suivant. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".

4. L'arrêté du 21 janvier 2020 portant transfert de M. A... aux autorités espagnoles comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé. Il mentionne, en particulier, qu'il ressort de la consultation du fichier Eurodac que l'intéressé a franchi irrégulièrement la frontière espagnole dans la période précédant les douze mois du dépôt de sa première demande d'asile, qu'il apparait que les empreintes digitales de l'intéressé ont été enregistrées dans ce fichier en Espagne le 10 octobre 2019, que les autorités espagnoles ont été saisies le 6 décembre 2019 d'une requête en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, que celles-ci ont fait connaître leur accord explicite le 9 janvier 2020 et qu'elles doivent dès lors être regardées comme étant responsables de l'examen de la demande d'asile de M. A.... Le moyen tiré du caractère insuffisamment motivé de la décision contestée doit être dès lors écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable (...); /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert;/e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ". Enfin selon les dispositions de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) " ;

6. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

7. Au cas d'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre, le 4 décembre 2019, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile dans les services de la préfecture, et à l'occasion de son entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, et qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées. Ces documents, dont les pages de garde ont été signées par l'intéressé et qui sont rédigés en français, langue comprise par l'intéressé. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé d'une garantie et que les informations qui lui ont été données auraient été incomplètes ou insuffisantes. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile énoncé à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

8. D'autre part, l'article 9 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, relatif à la collecte, à la transmission et à la comparaison des empreintes digitales, impose aux Etats membres de relever sans tarder et de transmettre dès que possible et au plus tard soixante-douze heures suivant l'introduction de la demande de protection internationale les données concernant les demandeurs d'asile. L'article 29 de ce même règlement relatif aux droits des personnes concernées édicte une obligation d'information des personnes relevant du règlement au moment où les empreintes digitales de la personne concernée sont prélevées. Le paragraphe 3 de cet article prévoit, au bénéfice des personnes concernées, la réalisation d'une brochure commune aux Etats membres dont le modèle figure à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, dans laquelle figurent au moins les informations visées au paragraphe 1 du même article et celles visées à l'article 4, paragraphe 1, du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013. Les paragraphes 4 et 5 reconnaissent à toute personne concernée un droit d'accès, de rectification et d'effacement des données la concernant qui sont enregistrées dans le système central.

9. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013, dont la portée a été rappelée au point 8, l'obligation d'information prévue désormais par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n°603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection.

10. Il résulte de ce qui vient d'être rappelé aux points 10 et 11 que la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français refuse l'admission provisoire au séjour à un demandeur d'asile et remet celui-ci aux autorités compétentes pour examiner sa demande. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 9 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

11. En quatrième lieu, si M. A... soutient qu'il n'aurait jamais demandé l'asile en Espagne et que par conséquent la responsabilité de ce pays comme Etat responsable reste à démontrer, il n'apporte pas davantage en appel qu'en première instance, à l'appui de ses affirmations, d'élément permettant d'expliquer les raisons pour lesquelles ses empreintes ont bien effectivement été relevées en Espagne le 10 octobre 2019 et ont été enregistrées dans le fichier Eurodac. En outre, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que la procédure de consultation de ce fichier n'aurait pas été menée conformément aux dispositions de l'article 25 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

12. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a déposé une demande d'asile en France alors qu'il avait précédemment franchi irrégulièrement la frontière espagnole, ainsi qu'il ressort de ses propres déclarations recueillies lors de son entretien individuel, ce que la consultation du fichier Eurodac a confirmé. C'est dans ces conditions, que le préfet de Maine-et-Loire a sollicité la prise en charge du requérant par les autorités espagnoles le 6 décembre 2019, lesquelles ont expressément donné leur accord le 9 janvier 2020. La décision ordonnant son transfert aux autorités espagnoles a rappelé précisément l'ensemble de ces éléments. M. A... n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'eu égard à ses motifs, cette décision ne permet pas de déterminer le critère retenu et sur la base de quels faits précis l'Espagne a été reconnue responsable de la demande d'asile. Le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut ainsi qu'être écarté.

13. En sixième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable. " et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

14. Il résulte de ces dispositions que la présomption selon laquelle un Etat signataire des accords dits " Dublin " respecte ses obligations découlant de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est renversée en cas de défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant subi par ces derniers.

15. L'Espagne est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de ces deux conventions internationales. Si cette présomption peut être renversée lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant, M. A... n'établit pas l'existence de défaillances en Espagne qui constitueraient des motifs sérieux et avérés de croire que sa demande d'asile ne serait pas traitée par les autorités espagnoles dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Ainsi, les circonstances invoquées par l'intéressé tirées de constatations faites en mai 2016 par l'organisation non gouvernementale Amnesty International sur les difficultés rencontrées en matière d'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays, confirmées début 2018, ne suffisent pas à établir que le préfet de Maine-et-Loire se serait livré à une appréciation erronée de sa situation personnelle et aurait ainsi méconnu les dispositions de l'article 3 précité du règlement (UE) du 26 juin 2013. M. A... ne démontre pas davantage en appel qu'en première instance qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Espagne.

16. En septième lieu, en vertu de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) ". Pour soutenir que la décision ordonnant son transfert aux autorités espagnoles serait intervenue en violation de ces dispositions, M. A... invoque tout d'abord les éléments mettant en cause le dispositif d'accueil et de traitement des demandes d'asile en Espagne dont la pertinence et le bien-fondé ont été écartés au point précédent. Ensuite, s'il allègue désormais qu'il souffrirait d'une maladie respiratoire grave qui s'opposerait à sa réadmission en Espagne du fait de l'épidémie de COVID19 et fournit un certificat médical d'un médecin établi le 13 février 2020 évoquant, sans davantage de précisions, " une maladie infectieuse nécessitant un traitement de longue durée ", aucun élément versé au dossier ne permet toutefois d'estimer que le suivi médical de son état de santé ne pourrait pas être effectivement assuré en Espagne. Dans ces conditions, M. A... n'établit pas que la décision contestée portant transfert le placerait dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Par suite, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

17. En huitième lieu, aux termes des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " et selon l'article 3 de cette même Convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Les circonstances tirées de la situation du système d'accueil des demandeurs d'asile en Espagne ainsi que de son état de santé avancées tout d'abord par le requérant pour soutenir que la décision ordonnant son transfert aux autorités espagnoles serait intervenue en violation de ces dispositions doivent être écartées pour les mêmes motifs que retenus aux points 14 et 15. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut ainsi qu'être écarté. Par ailleurs, M. A... qui est célibataire et sans enfant et est entré très récemment en France y est dépourvu de tout lien. Dans ces conditions, le préfet de Maine-et-Loire, en décidant de son transfert aux autorités espagnoles n'a pas, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, porté une atteinte au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur l'arrêté du 21 janvier 2020 décidant l'assignation à résidence :

18. En premier lieu, Mme F... D..., directrice de l'immigration et des relations avec les usagers à la préfecture de Maine-et-Loire, signataire de l'arrêté décidant de l'assignation de M. A..., a reçu délégation de signature du préfet de ce département pour signer cette décision selon un arrêté du 27 novembre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 29 novembre suivant. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

19. En deuxième lieu, aux termes, d'une part, de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) ". L'article L. 742-5 du même code énonce que : " Les articles L. 551-1 et L. 561-2 sont applicables à l'étranger faisant l'objet d'une décision de transfert dès la notification de cette décision (...) ". L'assignation à résidence prévue par ces dispositions constitue une mesure alternative au placement en rétention prévu par les dispositions de l'article L. 551-1 du même code, dès lors que la mesure d'éloignement demeure une perspective raisonnable. Dès lors que M. A... a fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il n'est pas sérieusement contesté que son éloignement demeure une perspective raisonnable, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas méconnu les dispositions précitées.

20. En troisième lieu, l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " (...) / L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. (...) ". M. A... qui a été assigné à résidence dans le département de la Sarthe pris dans son ensemble ne saurait sérieusement soutenir que cette mesure porte une atteinte à sa liberté d'aller et de venir. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé s'opposerait effectivement à des déplacements réguliers au commissariat du Mans dans le cadre de son obligation de pointage. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision d'assignation contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

21. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L.611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente, les services de police et les unités de gendarmerie sont habilités à retenir le passeport ou le document de voyage des personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière. Ils leur remettent en échange un récépissé valant justification de leur identité et sur lequel sont mentionnées la date de retenue et les modalités de restitution des documents retenus ". L'administration n'a, contrairement à ce que soutient le requérant, qui n'avait présenté aucun document d'identité lors de l'entretien individuel, pas méconnu ces dispositions en demandant à M. A... lors de sa première présentation devant les services de police de remettre son passeport ou tout autre document d'identité moyennant récépissé afin de préparer la procédure de réadmission vers l'Espagne.

22. Pour le surplus, M. A... se borne à reprendre devant le juge d'appel les mêmes moyens que ceux invoqués en première instance sans plus de précisions ou de justifications et sans les assortir d'éléments nouveaux. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge et tirés de ce que l'arrêté du 21 janvier 2020 décidant son assignation à résidence est suffisamment motivé et n'est pas entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle.

23. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence doivent être rejetées, les conclusions du requérant aux fins d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. E..., président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.

Le rapporteur

O. E...Le président

O. GASPON

La greffière

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°20NT01131 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01131
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SCP GALLOT LAVALLEE IFRAH BEGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-12-01;20nt01131 ?
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