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08/12/2020 | FRANCE | N°19NT01930

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 08 décembre 2020, 19NT01930


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... F... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision de rejet née du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sur son recours, formé le 16 août 2018, contre la décision du 25 juillet 2018 par laquelle les autorités consulaires françaises au Cameroun ont refusé de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de conjointe de ressortissant français.

Par un jugement no 1811338 du 21 mars 2019, l

e tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... F... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision de rejet née du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sur son recours, formé le 16 août 2018, contre la décision du 25 juillet 2018 par laquelle les autorités consulaires françaises au Cameroun ont refusé de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de conjointe de ressortissant français.

Par un jugement no 1811338 du 21 mars 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 21 mai et 25 juillet 2019 et 13 février 2020, Mme F... épouse D..., représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut, de réexaminer sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas respecté le principe du contradictoire ;

- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que l'authenticité de son acte de naissance est avérée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie familiale normale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme F... épouse D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... épouse D..., ressortissante camerounaise née le 26 février 1981, a épousé, le 19 mai 2018 à Coudekerque-Branche (Nord), M. B... D..., ressortissant français né le 2 février 1981. Le 12 juin 2018, Mme F... épouse D... a déposé une demande de visa de long séjour en qualité de conjointe de ressortissant français auprès des autorités consulaires françaises à Yaoundé (Cameroun). Par une décision du 25 juillet 2018, notifiée le 31 juillet suivant, les autorités consulaires ont rejeté sa demande. Par un recours reçu le 16 août 2018, Mme F... épouse D... a contesté la décision consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Le silence gardé sur son recours par cette commission pendant plus de deux mois a fait naître une décision implicite de rejet dont Mme F... épouse D... a demandé l'annulation au tribunal administratif de Nantes. Elle relève appel du jugement par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort du mémoire en défense produit par le ministre de l'intérieur devant le tribunal administratif de Nantes que, pour rejeter le recours formé contre la décision de refus de visa de long séjour opposée à Mme F... épouse D..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, d'une part, sur le caractère frauduleux de l'acte de naissance produit par l'intéressée et, d'autre part, sur le caractère frauduleux de ce mariage en raison de l'absence d'intention matrimoniale ou de projet de vie commune.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme F... épouse D... a produit, pour contracter mariage avec M. D... ainsi que dans le cadre de sa demande de visa, une copie d'acte de naissance dressé le 28 février 1981 au centre d'état-civil de Yaoundé (Cameroun) sous le no 2392/81. Une levée d'acte, effectuée le 23 juillet 2018 par l'ambassade de France à Yaoundé auprès des autorités camerounaises, a révélé que l'acte enregistré sous le no 2392/81 correspondait à une tierce personne. Cependant, Mme F... épouse D... verse au dossier, d'une part, une attestation d'existence de souche d'acte de naissance no 2392, réalisée le 9 août 2018 par l'officier d'état civil du centre de la communauté urbaine de Yaoundé, qui atteste de l'existence de la souche d'acte de naissance au nom de la requérante, d'autre part, un courrier du 21 février 2019 du délégué du gouvernement auprès de la communauté urbaine de Yaoundé indiquant qu'elle a été " victime d'une anomalie interne, qui a consisté à avoir 2 registres travaillés par 2 agents différents dans le même service ", et, enfin, un jugement no 1531/CIVIL du 2 décembre 2019 par lequel le tribunal de grande instance du Mfoundi ordonne la rectification, par l'officier du centre d'état civil de la communauté urbaine de Yaoundé, du numéro d'enregistrement de l'acte de naissance de Mme F... épouse D..., en raison du numéro d'ordre erroné qui y figure. Dès lors, l'acte de naissance produit par Mme F... épouse D... ne peut être regardé comme frauduleux.

5. En second lieu, aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article ". En application de ces dispositions, il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français, dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire, le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme F... a épousé, en secondes noces, le 19 mai 2018, à Coudekerque-Branche (Nord), M. B... D..., ressortissant français. La requérante soutient qu'elle a rencontré son futur mari en 2004 lors d'un mariage d'une connaissance commune, qu'une relation amoureuse est née entre eux au cours de l'année 2015 et qu'ils ont décidé de se marier au cours de l'année 2017. Elle justifie, par la production de visas et de billets d'avion, s'être rendue régulièrement en France pour des courts séjours depuis 2015, tandis que M. D... s'est rendu plusieurs semaines au Cameroun à la fin de l'année 2017 puis, postérieurement à leur mariage et au retour de l'intéressée dans son pays d'origine en vue de lui permettre de déposer sa demande de visa, à la fin de l'année 2018. La requérante verse, également, au dossier de nombreuses photographies du couple prises à des dates différentes au cours des années 2017 et 2018, des extraits de leurs échanges de messages par téléphone mobile, un justificatif d'ouverture d'un compte bancaire commun le 31 mai 2018 et un avenant du 27 février 2019 au contrat de bail conclu par M. D... pour son logement afin d'ajouter son épouse en tant que cotitulaire du contrat. Dès lors, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que le mariage était entaché de fraude.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué et les autres moyens de la requête, que Mme F... épouse D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt implique, eu égard aux motifs qui le fondent, que le ministre de l'intérieur fasse droit à la demande de Mme F... épouse D.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa de long séjour sollicité par Mme F... épouse D... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser à Mme F... épouse D... au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 21 mars 2019 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, née du silence gardé par elle pendant plus de deux mois sur le recours formé le 16 août 2018 par Mme F... épouse D..., est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de faire droit à la demande de Mme F... épouse D... tendant à se voir délivrer un visa de long séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à Mme F... épouse D... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme F... épouse D... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... F... épouse D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme A..., présidente,

- M. Frank, premier conseiller,

- M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2020.

Le rapporteur,

F.-X. C...Le président,

C. A...

Le greffier,

C. Goy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 19NT01930


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01930
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : ROUTIER-SOUBEIGA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-12-08;19nt01930 ?
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