La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/12/2020 | FRANCE | N°19NT03568

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 08 décembre 2020, 19NT03568


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Metalu Plast a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 21 mars 2018 du directeur départemental de la protection des populations du Calvados en tant qu'elle lui enjoint de mettre en conformité les buts de football " River Plate " ainsi que la décision du 13 juin 2018 portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1801613 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Caen a annulé les décisions des 21 mars 2018 et 13 juin 2018.

Procédure dev

ant la cour :

Par une requête et un mémoire (non communiqué), enregistrés les 2 sept...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Metalu Plast a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 21 mars 2018 du directeur départemental de la protection des populations du Calvados en tant qu'elle lui enjoint de mettre en conformité les buts de football " River Plate " ainsi que la décision du 13 juin 2018 portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1801613 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Caen a annulé les décisions des 21 mars 2018 et 13 juin 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire (non communiqué), enregistrés les 2 septembre 2019 et 12 juin 2020, le ministre de l'économie et des finances demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen ;

2°) de rejeter la demande de la société Metalu Plast présentée devant le tribunal administratif de Caen.

Il soutient que :

- les buts de football " River Plate " mis sur le marché par la société Metalu Plast, méconnaissent les dispositions de l'article R. 322-21 du code du sport et ne répondent pas aux exigences de la réglementation en vigueur en ce qu'un lest complet et conforme n'est pas fourni avec le but dès sa mise en vente ;

- il se rapporte sur les autres points aux écritures de première instance, qu'il joint à la requête, du préfet du Calvados.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2019, la société Metalu Plast, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'économie et des finances ne sont pas fondés, que la décision du 21 mars 2018 a été prise par une autorité incompétente et qu'en lui imposant de fournir le lest destiné à assurer le contrepoids des buts, ce qui entrainera un surcoût, le préfet porte atteinte à la libre concurrence.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la consommation ;

- le code du sport ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

- le décret n° 2009-1484 du 3 décembre 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Mas , rapporteur public,

- et les observations de Me F..., substituant Me E..., pour la société Metalu Plast.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande de la société Metalu Plast, la décision du 21 mars 2018 du directeur départemental de la protection des populations du Calvados en tant qu'elle enjoint à cette société la mise en conformité des buts de football " River Plate " ainsi que la décision du 13 juin 2018 de rejet de son recours gracieux. Le ministre de l'économie et des finances relève appel de ce jugement.

Sur la légalité des décisions des 21 mars et 13 juin 2018 en tant qu'elles enjoignent la mise en conformité des buts de football " River Plate " :

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de la consommation : " Lorsque les agents habilités constatent un manquement ou une infraction avec les pouvoirs prévus au présent livre, ils peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à un professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable qu'ils fixent, de se conformer à ses obligations. "

3. Aux termes de l'article L. 411-1 de ce code : " Dès la première mise sur le marché, les produits et les services doivent répondre aux prescriptions en vigueur relatives à la sécurité et à la santé des personnes, à la loyauté des transactions commerciales et à la protection des consommateurs. Le responsable de la première mise sur le marché d'un produit ou d'un service vérifie que celui-ci est conforme aux prescriptions en vigueur. A la demande des agents habilités, il justifie des vérifications et contrôles effectués ".

4. Aux termes de l'article R. 322-21 du code du sport : " Dès leur mise sur le marché, les équipements non mobiles sont munis d'un dispositif d'installation permettant d'assurer leur fixation permanente. / Dès leur mise sur le marché, les équipements mobiles sont munis d'un dispositif, permanent et solidaire de la structure, de fixation ou de contrepoids. / Le dispositif de fixation ou de contrepoids doit permettre d'éviter la chute, le renversement ou le basculement de l'équipement dans des conditions raisonnablement prévisibles d'utilisation. Il doit notamment assurer la stabilité de l'équipement dans le cas de suspension et de balancement à la barre supérieure de la cage de but de football, de handball, de hockey ou au panier du but de basket-ball. Le dispositif de fixation ou de contrepoids et l'équipement doivent pouvoir résister à ces sollicitations sans subir de déformation ou de rupture ". Aux termes de l'article R. 322-22 de ce code : " Sont réputés satisfaire aux exigences de sécurité de la présente section les équipements fabriqués conformément aux normes de sécurité les concernant, dont les références sont publiées au Journal officiel de la République française (...) ". Aux termes de l'article R. 322-24 du même code : " La mise à la disposition des usagers à des fins d'activité sportive ou de jeu, gratuitement ou à titre onéreux, des cages de buts de football, de handball, de hockey et des buts de basket-ball en plein air ou en salle couverte est interdite si ces équipements ne répondent pas aux exigences de sécurité déterminées par la présente section. ". Enfin, la norme NF EN 748 prévoit qu'un but de football autostable avec contrepoids, dit de type 4, est composé des éléments suivants : " le cadre (deux montants verticaux, une barre transversale et un cadre au sol avec un contrepoids fixe) (...) ". Elle prévoit, également, que " le cadre au sol de type 4 doit comprendre un contrepoids fixe qui fait partie intégrante du cadre ".

5. La société Metalu Plast est spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation d'équipements sportifs destinés aux professionnels. Lors d'un contrôle sur place, le 8 décembre 2017, de première mise sur le marché, le contrôleur de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a estimé que les buts transportables lestés " River Plate " n'étaient pas conformes aux exigences de l'article R. 322-21 du code du sport. Après procédure contradictoire, le directeur départemental de la protection des populations du Calvados a adressé, le 21 mars 2018, une injonction de mise en conformité de ces équipements à la société Metalu Plast, au motif que " les buts mobiles à contrepoids doivent être vendus, au stade de leur première mise sur le marché, équipés d'un système de contrepoids complet (lest et fixations notamment) ".

6. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que les buts transportables " River Plate " sont équipés de deux tubes en acier destinés à être remplis par l'utilisateur pour en assurer la stabilité, ce dispositif qui constitue le contrepoids de ces installations devant ensuite, ainsi que l'indique la société dans ses écritures, être fixé par cet utilisateur " à la transversale basse du but ". Toutefois, la société qui est responsable, en application des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la consommation, dès leur mise sur le marché, de la conformité de ces équipements aux prescriptions en vigueur en matière de sécurité des personnes, ne peut, sans méconnaitre les obligations résultant pour elle des dispositions précitées, notamment celles de l'article R. 322-21 du code du sport, laisser à la charge de l'utilisateur la mise en place d'un tel dispositif dont l'objet est d'assurer, en garantissant la stabilité de l'installation, la protection des consommateurs. Ces équipements ne peuvent donc être regardés comme dotés, lors leur mise sur le marché, par la société Metalu Plast, d'un contrepoids permettant d'en éviter la chute, le renversement ou le basculement dans des conditions raisonnablement prévisibles d'utilisation. Ces équipements ne peuvent, pour la même raison, être regardés comme satisfaisant aux prescriptions de la norme NF EN 748 qui exigent que le cadre au sol de type 4 comprenne un contrepoids fixe qui fait partie intégrante du cadre, alors même que lui aurait été délivré par l'Apave un certificat de conformité des buts transportables River Plate et des lests fournis par ces équipements. Enfin, la société ne peut invoquer les obligations, incombant aux exploitants ou gestionnaires des équipements en cause en application des dispositions de l'article R. 322-25 du code du sport, pour s'exonérer des obligations de sécurité mises à sa charge par les dispositions citées aux points 3 et 4 ci-dessus, en sa qualité de personne responsable de la première mise sur le marché d'un produit.

7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 21 mars 2018 et celle du 13 juin 2018 portant rejet du recours gracieux au motif qu'en estimant que ces équipements méconnaissaient les dispositions de l'article R. 322-21 du code du sport, le directeur départemental de la protection des populations du Calvados avait commis une erreur de droit.

8. Il appartient, toutefois, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Metalu Plast tant devant le tribunal administratif de Caen que devant la cour.

9. En premier lieu, aux termes de l'article 43 du décret du 29 avril 2004 susvisé: " Le préfet du département peut donner délégation de signature (...) / 2°) Pour les matières relevant de leurs attributions, aux chefs des services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans le département (...) ". Aux termes de l'article 44 du même décret : " I.- Les chefs de services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans le département (...) peuvent donner délégation pour signer les actes relatifs aux affaires pour lesquelles ils ont eux-mêmes reçu délégation aux agents placés sous leur autorité. Le préfet de département peut, par arrêté, mettre fin à tout ou partie de cette délégation. Il peut également fixer, par arrêté, la liste des compétences qu'il souhaite exclure de la délégation que peuvent consentir les chefs de service et l'adjoint auprès du directeur départemental des finances publiques aux agents placés sous leur autorité (...) ". Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 2 janvier 2017, publié, le 6 janvier 2017, au recueil n°14-2017-003 des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Calvados a donné à M. H... G..., directeur départemental de la protection des populations du Calvados, délégation de signature pour tous les actes, à l'exception de ceux à caractère réglementaire, relevant de ses compétences et attributions en matière de politique de protection de la population telles qu'elles sont définies par l'article 5 du décret n°2009-1484 du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales interministérielles, notamment celles qui sont relatives à la conformité, à la qualité et à la sécurité des produits et prestations, et a autorisé, ainsi que le prévoient les dispositions citées ci-dessus du décret du 29 avril 2004, la subdélégation de cette signature aux agents placés sous l'autorité de M. G.... Ce dernier a délégué, par un arrêté du 1er février 2018, publié le 1er février 2018 au recueil n°14-2018-011 des actes administratifs de la préfecture du Calvados, sa signature, soit en cas d'absence ou d'empêchement de M. G... et de son adjoint, M. D..., soit concurremment avec eux, à Mme C... A..., inspectrice principale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, laquelle a signé la décision du 21 mars 2018. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision doit être écarté.

10. En second lieu, et en tout état de cause, la circonstance, à la supposer établie, que l'obligation de se conformer aux prescriptions en matière de sécurité des personnes entrainerait des surcoûts n'est pas, par elle-même, de nature à porter atteinte au principe de la libre concurrence.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 21 mars 2018 du directeur départemental de la protection des populations du Calvados en tant qu'elle enjoint à la société Metalu Plast de mettre en conformité les buts de football " River Plate " ainsi que la décision du 13 juin 2018 portant rejet de son recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la société Metalu Plast de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 4 juillet 2019 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Metalu Plast devant le tribunal administratif de Caen est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la société Metalu Plast tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société Metalu Plast.

Copie en sera, pour information, adressée au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme B..., présidente-assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2020.

Le rapporteur,

C. B...Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03568


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03568
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : CABINET FIDAL (BOIS GUILLAUME)

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-12-08;19nt03568 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award