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18/12/2020 | FRANCE | N°19NT03510

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 18 décembre 2020, 19NT03510


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) à lui verser la somme de 558 559,30 euros en réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C.

Par un jugement n°1606450 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a mis à la charge de l'ONIAM le versement à M. E... de la somme de 176 700 euros en réparation du préjudice subi, somme assortie des intérêts au taux

légal à compter du 28 juillet 2016 et de leur capitalisation à compter du 28 juill...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) à lui verser la somme de 558 559,30 euros en réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C.

Par un jugement n°1606450 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a mis à la charge de l'ONIAM le versement à M. E... de la somme de 176 700 euros en réparation du préjudice subi, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2016 et de leur capitalisation à compter du 28 juillet 2017 et à chaque échéance annuelle.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 août 2019 et 25 mars 2020 l'ONIAM, représenté par Me B..., demande à la cour de réformer ce jugement du 9 juillet 2019 en tant qu'il a mis à sa charge le versement de la somme de 112 000 euros au titre de l'assistance par tierce personne.

Il soutient que :

* l'état de santé de M. E..., postérieurement à la consolidation, ne justifie pas un besoin d'assistance par tierce personne d'une heure par jour ; l'anémie que l'intéressé présente est multifactorielle ;

* il a été fait une juste évaluation des souffrances endurées par M. E... ;

* l'existence du préjudice d'agrément n'est pas établie.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 février 2020 M. G... E..., représenté par Me A..., conclut :

1°) au rejet de la requête présentée par l'ONIAM ;

2°) par la voie de l'appel incident, à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM la somme complémentaire de 151 733,48 euros ;

3°) à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

* l'anémie dont il souffre n'est pas imputable à sa seule hémophilie mais aussi à la contamination par le VHC et à la cirrhose qui en a découlé ; le montant alloué par le tribunal au titre de l'aide par une tierce personne est insuffisant et doit être majoré ;

* les souffrances qu'il a endurées doivent être évaluées à 15 000 euros ;

* son préjudice d'agrément doit être réparé par le versement d'une somme de 5 000 euros ;

* les moyens invoqués par l'ONIAM ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. F... ;

- les observations de Me C..., représentant M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., né le 1er juillet 1955, est atteint d'une hémophilie de type A d'intensité modérée qui a rendu nécessaires, notamment en 1980 et 1981, des transfusions sanguines avec du sang fourni par le centre régional de transfusion sanguine de Nantes. Le

9 juillet 1990, la contamination de l'intéressé par le virus de l'hépatite C a été détectée et deux traitements antiviraux distincts ont successivement été mis en oeuvre en 2002 et 2004. En 2014, le virus de l'hépatite C est indétectable et l'état de santé de M E... est regardé comme étant consolidé à la date du 25 janvier 2016. Saisi par l'intéressé d'une demande indemnitaire, l'ONIAM lui a, le 3 octobre 2012, versé une provision à valoir sur la réparation de ses préjudices d'un montant de 28 964 euros au titre des souffrances endurées et du déficit fonctionnel temporaire. Par un jugement du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes, saisi par

M. E..., a mis à la charge de l'ONIAM le versement de la somme totale de 176 700 euros en réparation des préjudices subis.

2. L'ONIAM, tenu d'indemniser la victime au titre de la solidarité nationale, relève appel de ce jugement en tant qu'il a mis à sa charge le paiement de la somme de 112 300 euros au titre de l'assistance par une tierce personne. M. E..., par la voie de l'appel incident, demande que la somme qui lui a été attribuée soit portée à 151 733,48 euros.

3. Il n'est pas contesté en appel que la contamination par le virus de l'hépatite C dont a été victime M. E... doit être présumée comme ayant pour origine les transfusions sanguines reçues en 1980 et 1981. Il suit de là que la réparation des conséquences dommageables résultant de la contamination de M. E... par le VHC incombe à l'ONIAM.

Sur l'assistance par tierce personne :

4. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'état de santé de M. E..., et en particulier la forte asthénie qu'il présente, nécessite l'assistance par une tierce personne à concurrence d'une heure par jour, que ce soit avant ou après la date du

25 janvier 2016 à laquelle son état de santé s'est stabilisé. Dans ces conditions, alors même que cette asthénie trouve pour partie son origine dans l'hémophilie dont il est atteint, elle découle essentiellement des pathologies directement liées à la contamination de l'intéressé par le virus de l'hépatite C.

5. Pour la période comprise entre le 25 janvier 2016 et la date de prononcé du présent arrêt, le coût de cette assistance peut, compte tenu de l'évolution du salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire (SMIC) brut constaté au cours de cette période, augmenté des charges sociales, et en retenant une base de calcul annuelle de 412 jours permettant de tenir compte des jours fériés et dimanches, être évalué à la somme de 23 092,03 euros.

6. Pour la période postérieure au présent arrêt, la liquidation de l'assistance par tierce personne doit être fixée dans les mêmes conditions que pour la période antérieure sur la base d'un coût horaire porté à 15 euros afin de tenir compte de l'évolution du salaire minimum moyen et des charges sociales. Cette assistance s'établit ainsi à 6 180 euros par an. Compte tenu d'un coefficient de capitalisation viagère de 15,414 pour un homme de 65 ans à la date de lecture du présent arrêt, le besoin d'assistance par tierce personne peut être estimé à 95 258,52 euros.

7. Ainsi, la somme devant être mise à la charge de l'ONIAM au titre de l'assistance par tierce personne doit être portée à celle de 118 350,55 euros.

Sur les souffrances endurées :

8. Il ressort de l'expertise que le premier traitement (2002-2004) suivi par M. E... a eu de lourdes conséquences d'ordre psychique. Le second traitement (2004-2005) a induit divers effets secondaires dont en particulier une forte asthénie. Même si la cirrhose dont M. E... est atteint est désormais compensée et stabilisée, l'éradication du virus n'a pas permis une amélioration de son état de santé et une aggravation est susceptible de survenir.

9. Les souffrances endurées lors des traitements et l'incertitude qui est la sienne quant à son avenir sont pour M. E... à l'origine de souffrances physiques et morales qui ont été évaluées à 4/7 par l'expert. Il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une plus juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 9 000 euros qui devra être mise à la charge de l'ONIAM.

Sur le préjudice d'agrément :

10. M. E..., par les pièces qu'il produit, ne justifie pas davantage en appel que devant les premiers juges, du préjudice d'agrément dont il se prévaut et qui ne saurait résulter de ses seules déclarations.

11. Il résulte de ce qui précède que l'ONIAM est redevable à M. E..., au titre de l'aide par tierce personne et des souffrances endurées, d'une somme totale de 127 350,55 euros.

Sur les frais liés au litige :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. E... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La somme totale qui a été mise à la charge de l'ONIAM par le tribunal administratif de Nantes au titre de l'aide par tierce personne et des souffrances endurées est portée à 127 350,55 euros, sous déduction le cas échéant des sommes provisionnelles déjà versées par l'ONIAM au titre de ces chefs de préjudice.

Article 2 : Le jugement n°1606450 du 9 juillet 2019 du tribunal administratif de Nantes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La requête de l'ONIAM et le surplus des conclusions d'appel incident de M. E... sont rejetés.

Article 4 : L'ONIAM versera à M E... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes, à M. E... et à la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot président de chambre,

- Mme D... président-assesseur ;

- Mme Le Barbier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe de la cour le 18 décembre 2020.

Le rapporteur

C. D...

Le président

I. Perrot

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03510


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03510
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : BOISSONNET RUBI RAFFIN GIFFO

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-12-18;19nt03510 ?
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