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12/01/2021 | FRANCE | N°19NT04934

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 12 janvier 2021, 19NT04934


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AFM Recyclage a demandé au tribunal administratif d'annuler la délibération du 10 juin 2010 du conseil municipal de Trignac en tant qu'elle approuve la modification n° 3 du plan local d'urbanisme communal ainsi que la décision du 30 septembre 2010 du maire de Trignac portant rejet de son recours gracieux. Par un jugement n° 1007946 du 25 août 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15NT03219 du 15 décembre 2017, la cour administrative d'appel de

Nantes a sursis à statuer sur l'appel de la société AFM Recyclage jusqu'à l'expir...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AFM Recyclage a demandé au tribunal administratif d'annuler la délibération du 10 juin 2010 du conseil municipal de Trignac en tant qu'elle approuve la modification n° 3 du plan local d'urbanisme communal ainsi que la décision du 30 septembre 2010 du maire de Trignac portant rejet de son recours gracieux. Par un jugement n° 1007946 du 25 août 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15NT03219 du 15 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a sursis à statuer sur l'appel de la société AFM Recyclage jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois imparti à la communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire pour notifier à la cour une délibération régularisant le vice de procédure tiré de l'insuffisance de la note explicative de synthèse transmise aux conseillers municipaux préalablement à l'adoption de la délibération du 10 juin 2010.

Par un arrêt n° 15NT03219 du 12 octobre 2018, cette même cour a rejeté l'appel formé par la société AFM Recyclage contre le jugement du tribunal administratif de Nantes.

Par une décision n°s 418269, 426209 du 16 décembre 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé ces arrêts et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nantes.

Procédure devant la cour :

Avant cassation :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 21 octobre 2015, le 18 mai 2016, 23 août 2016, 24 novembre 2017 et le 1er décembre 2017 (non communiqué), la société AFM Recyclage, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 août 2015 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la délibération du 10 juin 2010 du conseil municipal de Trignac en tant qu'elle approuve la modification n° 3 du plan local d'urbanisme communal ainsi que la décision du maire portant rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la partie défaillante la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le conseil municipal n'a pas été convenablement informé du fait de l'insuffisance de la note explicative de synthèse, : les dispositions de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ont été méconnues ;

- le dossier soumis à enquête publique ne comprend pas l'étude de programmation, les études d'avant-projet ou les schémas de secteurs approuvés par la communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire (CARENE), en méconnaissance du deuxième alinéa de l'article R. 123-19 du code de l'urbanisme ;

- le commissaire enquêteur n'a pas pris en compte ses observations ;

- il a été fait application de la procédure de la modification simplifiée du plan local d'urbanisme et non de celle de la révision, alors que la modification porte atteinte à l'économie générale du plan et, en outre, comporte de graves risques de nuisances compte tenu de la proximité de son activité de traitement de métaux ; dès lors, la délibération méconnaît l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme ;

- la délibération contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en tant qu'elle classe en zone urbaine UBa une zone que les auteurs de la modification souhaitent consacrer à des programmes immobiliers, sans tenir compte du fait que le site est pollué, se situe à proximité d'une installation classée ainsi que de voies ferrées importantes et de routes nationales et que ce classement entraînera une imperméabilisation des sols.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 mars 2016, 18 juillet 2016 et le 22 novembre 2017, la CARENE, venant aux droits de la commune de Trignac, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société AFM Recyclage une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de la société AFM Recyclage est irrecevable ; la société requérante n'établit pas son intérêt à agir ;

- aucun des moyens soulevés par la société AFM Recyclage n'est fondé.

Des courriers en date du 16 novembre 2017 ont été adressés aux parties afin de les inviter à présenter leurs observations sur l'application des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme, auxquels ont répondu la communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire (CARENE) et la société AFM Recyclage par des mémoires enregistrés le 22 novembre 2017.

Par un arrêt n° 15NT03219 du 15 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a sursis à statuer sur l'appel de la société AFM Recyclage jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois imparti à la communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire pour notifier à la cour une délibération régularisant le vice de procédure tiré de l'insuffisance de la note explicative de synthèse.

Par des mémoires, enregistrés le 4 avril 2018 et le 31 mai 2018, la CARENE, venant aux droits de la commune de Trignac, représentée par la société d'avocats D..., Alibert et associés, demande à la cour de prendre acte de la notification de la nouvelle délibération d'approbation de la modification n°3 du plan local d'urbanisme de la commune de Trignac, adoptée le 27 mars 2018 par le conseil communautaire, de rejeter la requête de la société AFM Recyclage, et de condamner cette dernière à lui verser la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires enregistrés les 9 mai 2018, 12 septembre 2018 et le 27 septembre 2018 (non communiqué), la société AFM Recyclage demande à la cour de surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt à intervenir du Conseil d'Etat saisi d'un pourvoi contre l'arrêt du 15 décembre 2017 ou, à tout le moins, d'annuler la délibération du 10 juin 2010 en tant que le conseil municipal de Trignac a adopté la modification n° 3 du plan local d'urbanisme communal ainsi que la décision du maire de Trignac du 30 septembre 2010 portant rejet de son recours gracieux et de mettre à la charge de la CARENE la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la cour ne pouvait surseoir à statuer dans l'attente de la régularisation du vice qu'elle a retenu dès lors que celui-ci, tiré de l'absence de note de synthèse, n'était pas régularisable ;

- la délibération venant régulariser la procédure a été prise par une autorité incompétente ;

- cette délibération est entachée d'un vice de procédure faute d'établir que les conseillers communautaires ont reçu la convocation cinq jours avant la séance du 27 mars 2018 ;

- l'information des conseillers communautaires ne peut être regardée comme satisfaisante.

Par un arrêt n° 15NT03219 du 12 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société AFM Recyclage contre le jugement du tribunal administratif de Nantes.

Après cassation :

Par des mémoires, enregistrés les 5 février, 12 mai et 1er juillet 2020, la société AFM Recyclage, représentée par Me A..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du 25 août 2015 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la délibération du 10 juin 2010 en tant que le conseil municipal de Trignac a approuvé la modification n° 3 du plan local d'urbanisme communal ainsi que la décision du 30 septembre 2010 du maire de Trignac portant rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la CARENE la somme de 20 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêt du 16 décembre 2019 du Conseil d'Etat n'a pas confirmé la position de la CARENE ;

- l'argumentation qu'elle avait soulevée à l'encontre de la délibération contestée antérieurement à la procédure devant le Conseil d'Etat est fondée ;

- la délibération du 10 juin 2010 est intervenue dans des conditions irrégulières au regard des dispositions de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales ; aucun document n'a été produit par la commune de Trignac pour attester de la régularité de la convocation des conseillers municipaux ; il n'est pas justifié que cette note de synthèse a été adressée concomitamment à la convocation des membres du conseil municipal en respectant le délai franc de 5 jours ;

- la délibération du 27 mars 2018 de la communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire en tant qu'elle porte régularisation de la délibération du 10 juin 2010 est entachée d'irrégularité au regard des dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ; il n'est pas justifié des modalités effectives de la convocation des membres du conseil communautaire ; n'ont pas été jointes à la convocation, notamment, les pièces constituant le dossier de modification du plan local d'urbanisme, notamment le plan local d'urbanisme initial de 2006 ;

- il a été fait application de la procédure de la modification simplifiée du plan local d'urbanisme et non de celle applicable à la révision, en méconnaissance de l'article L. 123-13, devenu L. 153-31, du code de l'urbanisme, alors que l'évolution du plan local d'urbanisme, objet de la délibération du 10 juin 2010, porte atteinte aux orientations définies par le projet d'aménagement et de développement durables de 2006 ;

- le vice tiré de l'insuffisante information des conseillers municipaux n'est pas régularisable ;

- la CARENE n'a pas qualité pour assurer la défense de la délibération du 10 juin 2010 du conseil municipal de Trignac.

Par des mémoires, enregistrés les 26 mars, 25 mai et 16 juillet 2020, la communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société AFM Recyclage une somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me F... substituant Me A..., représentant la société AFM Recyclage, et de Me G... substituant Me E..., représentant la CARENE.

Une note en délibéré présentée pour la société AFM Recyclage a été enregistrée le 29 décembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La société AFM Recyclage a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation de la délibération du 10 juin 2010 du conseil municipal de Trignac en tant qu'elle adopte la modification n° 3 du plan local d'urbanisme communal, ainsi que la décision du 30 septembre 2010 du maire de Trignac portant rejet de son recours gracieux. Sa demande a été rejetée par un jugement du 25 août 2015 du tribunal administratif de Nantes. Par un arrêt du 15 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a sursis à statuer sur l'appel de la société AFM Recyclage contre ce jugement, jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois imparti à la communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire pour notifier à la cour une délibération régularisant le vice de procédure tiré de l'insuffisance de la note explicative de synthèse transmise aux conseillers municipaux préalablement à l'adoption de la délibération du 10 juin 2010. Par une délibération du 27 mars 2018, notifiée à la cour le 4 avril 2018, la communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire (CARENE) a approuvé, à titre de régularisation, la modification n°3 du plan local d'urbanisme communal. Par un arrêt du 12 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société AFM Recyclage contre le jugement du 25 août 2015 du tribunal administratif de Nantes. Par une décision n° 418269 du 16 décembre 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé ces deux arrêts et a renvoyé l'affaire devant la cour.

Sur les écritures de la communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire

2. Aux termes de l'article L. 5211-5 du code général des collectivités territoriales : " (...) III (...) L'établissement public de coopération intercommunale est substitué de plein droit, à la date du transfert des compétences, aux communes qui le créent dans toutes leurs délibérations et tous leurs actes. ". Par un arrêté du 17 novembre 2015 du préfet de la Loire-Atlantique, la compétence en matière de plan local d'urbanisme a été transférée à la CARENE, dont est membre la commune de Trignac. Ainsi, conformément aux dispositions précitées, la CARENE qui s'est substituée à la commune de Trignac pour l'exercice de ses compétences en matière de plan local d'urbanisme et était compétente, pour approuver, par la délibération du 27 mars 2018, la modification n°3 du plan local d'urbanisme de cette commune, a la qualité de défendeur dans la présente instance.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la CARENE à la demande de la société AFM Recyclage devant le tribunal administratif :

3. La délibération du 10 juin 2010 contestée, en tant qu'elle adopte la modification n° 3 du plan local d'urbanisme communal, a pour objet, dans le cadre d'un projet de rénovation urbaine, de créer, au sein de la zone UB, un sous-secteur urbanisé UBa dans le quartier de Certé " Océane-Acacias " qui remplace, notamment, une partie de la zone antérieurement classée AU1r dite " Certé Océane ", au sein de laquelle la société AFM Recyclage exploite une activité de traitement de métaux ferreux. Dans ces conditions, cette société a intérêt à agir contre cette délibération en tant qu'elle ouvre à l'urbanisation ce secteur. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire à la demande de première instance doit être écartée.

En ce qui concerne la légalité de la délibération du 10 juin 2010 du conseil municipal de Trignac en tant qu'elle approuve la modification n°3 du plan local d'urbanisme :

S'agissant de la légalité externe :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est adressée par écrit, sous quelque forme que ce soit, au domicile des conseillers municipaux, sauf s'ils font le choix d'une autre adresse ". Il résulte de ces dispositions que les convocations aux réunions du conseil municipal, doivent être envoyées aux conseillers municipaux à leur domicile personnel, sauf s'ils ont expressément fait le choix d'un envoi à une autre adresse, laquelle peut être la mairie, et qu'il doit être procédé à cet envoi en respectant un délai de cinq jours francs avant la réunion.

5. La société AFM Recyclage soutient qu'il n'est pas établi que les délais légaux d'envoi des convocations ont été respectés et qu'il n'est pas justifié que les convocations auraient été envoyées aux domiciles des conseillers municipaux. La requérante n'assortit, toutefois, son moyen d'aucun élément circonstancié. Par suite, ces allégations ne sont pas de nature à remettre en cause les mentions factuelles du registre des délibérations de la commune, qui, au demeurant, font foi jusqu'à preuve contraire, ainsi que les attestations émanant des élus produites par la commune.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. (...) ". Aux termes de l'article L. 2121-13 du même code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ". Il résulte de ces dispositions que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour. Le défaut d'envoi de cette note ou son insuffisance entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n'ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés, à qui il est au demeurant loisible de solliciter des précisions ou explications conformément à l'article L. 2121-13 du même code, une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.

7. Toutefois, la note explicative de synthèse adressée aux membres du conseil municipal en vue de la séance du 10 juin 2010, indique, s'agissant de l'approbation de la modification du plan local d'urbanisme portée à l'ordre du jour : " Le conseil municipal doit se prononcer sur l'approbation du PLU mis en modification par la délibération du conseil municipal le 15 mai 2009. / Les conclusions de l'enquête publique seront présentées en séance ainsi que les pièces constituant le document d'urbanisme à savoir : rapport de présentation, documents graphiques, règlement et annexes. ". En outre, cette note se limite à indiquer aux membres du conseil municipal qu'ils recevront des informations et des documents utiles lors de la séance. Dès lors, elle ne comporte aucune information sur les modifications projetées du document d'urbanisme. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les conseillers municipaux auraient reçu, avec la convocation, d'autres documents leur permettant de disposer d'une information adéquate sur ce point. Si la CARENE soutient que les conseillers municipaux ont participé à plusieurs délibérations antérieures portant de manière générale sur la rénovation urbaine du quartier et sa reconversion en zone d'habitat et qu'ils ont été invités à diverses réunions d'informations traitant du plan local d'urbanisme, ces délibérations n'avaient pas pour objet la modification n° 3 du PLU adoptée par la délibération contestée. Dans ces conditions, la société AFM Recyclage est fondée à soutenir que les conseillers municipaux n'ont pas disposé d'une information suffisante pour adopter la délibération contestée du 10 juin 2010 en tant qu'elle porte modification n°3 du plan local d'urbanisme.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) Le dossier est composé des pièces mentionnées à l'article R. 123-1 et des avis émis par les collectivités ou organismes associés ou consultés. Il peut être complété par tout ou partie des documents mentionnés à l'article R. 121-1. ". Il ne résulte pas de ces dispositions, ni au demeurant d'aucune autre disposition législative ou réglementaire, que le dossier soumis à l'enquête publique relative à la modification du plan local d'urbanisme communal aurait dû comprendre l'étude de programmation, les études d'avant-projet ou encore les schémas de secteurs approuvés par la CARENE. Par suite, le moyen tiré de ce que le dossier soumis à enquête publique est insuffisant doit être écarté.

9. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'enquête publique concernant le projet de modification n°3 du plan local d'urbanisme de la commune de Trignac s'est déroulée sur une période comprise entre le 12 avril et le 11 mai 2010 et que les observations formulées par la société AFM Recyclage auprès du commissaire enquêteur ont été adressées par une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 mai 2010, reçue en mairie le 17 mai suivant. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le commissaire enquêteur, qui n'est en tout état de cause pas tenu de répondre à toutes les observations présentées lors de l'enquête publique, n'aurait pas examiné ses observations, doit être écarté.

S'agissant de la légalité interne :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Le plan local d'urbanisme est modifié ou révisé par délibération du conseil municipal après enquête publique. / La procédure de modification est utilisée à condition que la modification envisagée : / a) Ne porte pas atteinte à l'économie générale du projet d'aménagement et de développement durable mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 123-1 ; / b) Ne réduise pas un espace boisé classé, une zone agricole ou une zone naturelle et forestière, ou une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels ; / c) Ne comporte pas de graves risques de nuisance. ". Aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " les plans locaux d'urbanisme (...) comportent un projet d'aménagement et de développement durable qui définit les orientations générales d'aménagement et d'urbanisme retenues pour l'ensemble de la commune (...). Ils peuvent, en outre, comporter des orientations d'aménagement relatives à des quartiers ou à des secteurs à mettre en valeur, réhabiliter, restructurer ou aménager. Ces orientations peuvent, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durable, prévoir les actions et opérations d'aménagement à mettre en oeuvre, notamment pour mettre en valeur l'environnement, les paysages, les entrées de villes et le patrimoine, lutter contre l'insalubrité, permettre le renouvellement urbain et assurer le développement de la commune ".

11. Il ressort du projet d'aménagement et de développement durable (PADD) du plan local d'urbanisme approuvé par la commune de Trignac que l'une des orientations retenues pour assurer la maîtrise de l'urbanisation est de conforter la centralité du bourg et du quartier Certé Savine par une opération de renouvellement urbain, en vue d'assurer la reconversion de la zone d'activités Certé Océane en zone d'habitat et de détruire les tours de Certé. Le PADD mentionne, également, la volonté de procéder à une extension urbaine à court et à moyen terme, s'agissant de l'habitat, de la rue des Acacias, de La Menée Landais et de La Butte de Savine. Le plan contenu à la dernière page du PADD manifeste, par ailleurs, la volonté de ses auteurs d'urbaniser l'ensemble de ce secteur. En outre, les orientations d'aménagement, arrêtées sur le fondement des dispositions précitées, retiennent parmi les quartiers ou secteurs concernés par le renouvellement urbain, celui de Certé Océane qui s'étend notamment jusqu'à la parcelle cadastrée à la section BN n° 175 sur laquelle la société requérante exerce son activité.

12. La délibération du 10 juin 2010 contestée portant modification n°3 du plan local d'urbanisme de Trignac a pour objet de mettre en oeuvre les orientations du projet d'aménagement et de développement durable concernant le secteur de Certé Océane-Acacias par la création d'un secteur UBa au sein de la zone UB. Le zonage UBa doit intégrer la zone AU1b dite " des Acacias ", une partie de la zone AU1r dite " Certé Océane ", les " ex-tours de Certé ", des équipements publics existants ainsi que des îlots pavillonnaires insérés dans l'emprise globale du projet. Cette modification n°3 porte sur une partie limitée du territoire de 10 hectares environ. Si la société requérante soutient que cette modification aura pour effet de réduire de manière importante la zone AU1r, il ressort des pièces du dossier que la superficie amputée, d'une surface de 6,2 hectares, représente une faible partie de l'ensemble des zones AU de la commune, qui représentent une surface totale de 109 hectares. Dans ces conditions, la modification envisagée ne porte pas atteinte à l'économie générale du projet d'aménagement et de développement durables.

13. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la délibération du 10 juin 2010 portant modification n°3 du plan local d'urbanisme, qui se borne à étendre la zone d'urbanisation par la création d'un secteur UBa pour permettre la reconversion d'une zone d'activités en zone d'habitat d'une surface d'environ dix hectares dans le cadre d'une opération de renouvellement urbain, serait susceptible, par elle-même, d'entraîner de graves risques de nuisances pour la population.

14. Enfin, il est constant que cette délibération n'aura pas pour effet de réduire un espace boisé classé, une zone agricole ou une zone naturelle et forestière, ni une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels.

15. Il résulte de ce qui précède que la société AFM Recyclage n'est pas fondée à soutenir que la délibération du 10 juin 2010 portant modification n°3 du plan local d'urbanisme de Trignac a été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme.

16. En second lieu, aux termes de l'article R. 123-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Les zones urbaines sont dites "zones U". Peuvent être classés en zone urbaine, les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter. ". Il résulte notamment de ces dispositions qu'il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

17. La délibération du 10 juin 2010 portant modification n°3 du plan local d'urbanisme ouvre à l'urbanisation certaines zones antérieurement classées AU1b et AU1r pour les classer en zone urbaine UBa. Au regard de la capacité des équipements collectifs existants ou en cours de réalisation, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune ait, dans l'appréciation des besoins de logement à satisfaire, ainsi que leur localisation, commis une erreur manifeste. La circonstance, qui n'est au demeurant pas établie, que l'état des infrastructures scolaires situées dans la nouvelle zone UBa ne permettrait pas d'absorber le surplus d'élèves engendré par la création des nouveaux logements est, en tout état de cause, sans incidence sur l'application des dispositions précitées de l'article R.123-5 du code de l'urbanisme dès lors qu'il ne s'agit pas d'équipements publics visés par ce texte.

En ce qui concerne les conséquences de l'illégalité de la délibération du 10 juin 2010 du conseil municipal de Trignac en tant qu'elle approuve la modification n°3 du plan local d'urbanisme :

18. Aux termes de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme : " Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un schéma de cohérence territoriale, un plan local d'urbanisme ou une carte communale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d'urbanisme reste applicable, sous les réserves suivantes : (...) 2° En cas d'illégalité pour vice de forme ou de procédure, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l'illégalité a eu lieu, pour les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d'urbanisme, après le débat sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables. Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (...) ". Dans le cas où l'administration lui transmet spontanément des éléments visant à la régularisation d'un vice de forme ou de procédure de nature à entraîner l'annulation de l'acte attaqué, le juge peut se fonder sur ces éléments sans être tenu de surseoir à statuer, dès lors qu'il a préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur la possibilité que ces éléments permettent une régularisation en application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme. Eu égard à l'objet et à la portée de ces dispositions, il appartient à l'autorité compétente de régulariser le vice de forme ou de procédure affectant la décision attaquée en faisant application des dispositions en vigueur à la date à laquelle cette décision a été prise. Toutefois, la compétence de l'autorité appelée à approuver la régularisation doit être appréciée au regard des dispositions en vigueur à la date de cette approbation.

19. Seul le moyen, mentionné au point 7, tiré de ce que les conseillers municipaux n'ont pas disposé d'une information suffisante est de nature à justifier l'annulation de la délibération du 10 juin 2010 en tant qu'elle porte modification n°3 du plan local d'urbanisme. Il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 27 mars 2018, le conseil communautaire de la CARENE a approuvé, à titre de régularisation, la modification n°3 du plan local d'urbanisme.

20. Ainsi qu'il a été rappelé au point 2, la CARENE s'est substituée à compter du 17 novembre 2015 à la commune de Trignac pour l'exercice de ses compétences en matière de plan local d'urbanisme et était donc compétente pour adopter la délibération du 27 mars 2018. Par ailleurs, les dispositions des articles L. 2121-10, L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales rappelées aux points 4 et 6 sont applicables en vertu de l'article L. 5211-1 du même code aux établissements publics de coopération intercommunale qui comprennent, telle que la CARENE, au moins une commune de 3 500 habitants et plus.

21. D'une part, le vice de procédure qui affecte la délibération du 10 juin 2010 du conseil municipal de la commune de Trignac et tiré de l'information insuffisante des membres du conseil municipal est régularisable. La circonstance que, postérieurement à cette délibération, la compétence en matière de plan local d'urbanisme a été transférée à la CARENE est sans incidence sur ce caractère régularisable, la CARENE étant, ainsi qu'il vient d'être dit, substituée de plein droit à la commune de Trignac, en application des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales.

22. D'autre part, par la délibération du 27 mars 2018, le conseil communautaire de la CARENE a approuvé, à titre de régularisation, la modification n°3 du plan local d'urbanisme. Si la société AFM Recyclage soutient qu'il n'est pas établi que les délais légaux d'envoi des convocations ont été respectés et qu'il n'est pas justifié que les convocations auraient été envoyées aux domiciles des membres du bureau communautaire, elle n'assortit, toutefois, son moyen d'aucun élément circonstancié alors qu'il ressort des pièces du dossier, notamment, des mentions du registre des délibérations du bureau de la CARENE, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, que les membres du conseil communautaire ont été régulièrement convoqués le 21 mars 2018 à la séance du 27 mars 2018, lors de laquelle 55 élus étaient présents ou représentés. Il ressort, également, des pièces du dossier que l'ordre du jour de la séance du 27 mars 2018 ainsi que les projets de délibération étaient joints aux convocations du 21 mars 2018 et que l'ensemble des pièces du dossier, notamment la notice explicative de synthèse, étaient à la disposition des élus à compter de cet envoi, y compris le jour de la séance. Par ailleurs, cette note explicative de synthèse expose le contexte juridique dans lequel s'inscrit la délibération en cause et reprend les principales étapes de l'élaboration du document d'urbanisme. Elle précise, également, l'objet de la modification projetée en mentionnant, notamment, les articles du règlement qui ont été modifiés en vue de permettre la mise en oeuvre du projet de zone d'aménagement concerté (ZAC). Cette note de synthèse était, en outre, accompagnée du dossier de modification n°3 du plan local d'urbanisme et du rapport du commissaire enquêteur. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société AFM Recyclage, les conseillers communautaires ont disposé d'une information suffisante pour exercer utilement leur mandat et approuver, par la délibération du 27 mars 2018, la modification n°3 du plan local d'urbanisme.

23. Il résulte des développements qui précèdent que la délibération du 27 mars 2018 du conseil communautaire de la CARENE a régularisé le vice mentionné au point 7 entachant la délibération du 10 juin 2010.

24. Il résulte de tout ce qui précède que la société AFM Recyclage n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société AFM Recyclage la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la communauté d'agglomération de la région nazairienne et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société AFM Recyclage est rejetée.

Article 2 : La société AFM Recyclage versera à la communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société AFM Recyclage et à la communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire.

Délibéré après l'audience du 18 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme C..., présidente,

- M. B..., premier conseiller,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2021.

Le rapporteur,

A. B...La présidente,

C. C...

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT04934


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04934
Date de la décision : 12/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Alexis FRANCK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : GRAU

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-12;19nt04934 ?
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