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19/01/2021 | FRANCE | N°20NT00901

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 19 janvier 2021, 20NT00901


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme F... C... ont demandé, par deux requêtes distinctes, au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler les arrêtés du 2 mars 2020 par lesquels la préfète d'Ille-et-Vilaine a décidé de leur transfert aux autorités tchèques responsables de leur demandes d'asile et les arrêtés du même jour décidant de leur assignation à résidence pour une durée de 45 jours, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité, à titre principal, d'enregistrer leurs demandes d'asile et de les adme

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme F... C... ont demandé, par deux requêtes distinctes, au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler les arrêtés du 2 mars 2020 par lesquels la préfète d'Ille-et-Vilaine a décidé de leur transfert aux autorités tchèques responsables de leur demandes d'asile et les arrêtés du même jour décidant de leur assignation à résidence pour une durée de 45 jours, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité, à titre principal, d'enregistrer leurs demandes d'asile et de les admettre au séjour à ce titre et, subsidiairement, de procéder au réexamen de leur situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement nos 2001052, 2001055 du 9 mars 2020, la magistrate désignée par le président de ce tribunal a annulé les arrêtés du 2 mars 2020 et a enjoint à la préfète d'Ille-et-Vilaine d'autoriser M. et Mme C... à solliciter l'asile en France et à leur délivrer un récépissé en qualité de demandeur d'asile dans un délai de trois jours.

Procédure devant la cour :

I) Par une première requête enregistrée le 11 mars 2020 sous le n° 20NT00901, la préfète d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. et Mme C....

Elle soutient que :

- le premier juge a fait une inexacte application de l'article L.213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant qu'il résultait de ces dispositions que lorsque le ministre de l'intérieur refuse l'entrée sur le territoire à un étranger ayant sollicité l'asile en zone d'attente sur le fondement des 2° et 3° de l'article précité, il est réputé avoir préalablement et définitivement statué sur la détermination de l'État responsable de cette demande de protection internationale au sens et en application des dispositions du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, et avoir donc admis la responsabilité de la France pour connaître de son examen ; le premier juge a ainsi commis une erreur d'appréciation en considérant, au cas d'espèce, que la France était responsable de la demande d'asile de la famille C... du seul fait que Mme C... avait fait l'objet d'un refus d'entrée au titre de l'asile sur le fondement du 3° de l'article L. 213-8 du code précité sur le territoire français dès le 10 septembre 2019, sa demande d'asile " étant manifestement infondée " ; le 1° du même article qui permet de prendre un refus d'entrée au titre de l'asile en application du règlement Dublin n'était pas applicable ; en effet, Mme C... qui a été contrôlée le 8 septembre 2019 à l'aéroport Roissy Charles-de-Gaulle sur un vol en provenance directe de Moscou ne disposait d'aucun visa en cours de validité, ne semblait avoir tenté d'entrer en France via un autre pays de l'Union européenne ni n'avoir fait une demande d'asile dans un autre pays de l'Union européenne ; la France pouvait effectivement être considérée comme responsable de la demande d'asile déposée par l'intéressée ; toutefois, son époux ainsi que sa fille avaient déjà été placés en procédure Dublin, dès le 4 septembre 2019, date d'enregistrement de leur demande d'asile par les services de la préfecture ; cette procédure est ainsi intervenue avant l'intervention du refus d'entrée en date du 10 septembre 2019 opposé à Mme C... ;

- le premier juge a omis de faire application de l'article 11 du règlement Dublin III ; M. et Mme C... sont conjoints et ont déposé une demande de protection internationale en France à des dates suffisamment rapprochées soit le 4 septembre pour M. C..., et le 27 septembre 2019 pour son épouse ; en application du b) de cet article du règlement, la République Tchèque étant responsable de M. C... qui était le plus âgé des deux, cet Etat était également responsable de la demande d'asile de son épouse ;

- compte tenu de ces circonstances et au vu des éléments développés dans le mémoire en défense présenté devant le tribunal, les requêtes présentées par M. et Mme C... ne pouvaient qu'être rejetées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2020, M. et Mme C..., représentés par Me Berthet-Le Floch, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1500 euros soit mise à la charge de l'Etat à verser à leur avocat sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, contre renonciation de leur avocat à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Ils soutiennent que :

- comme l'a justement estimé le premier juge, la France était bien l'Etat responsable pour connaitre de l'examen de la demande d'asile de Mme C... et ce, sur le fondement du 1 de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 qui rappelle que " la demande de protection internationale, présentée notamment à la frontière ou dans une zone de transit, est examinée par un seul Etat membre " et de son article 20 qui dispose que " le processus de détermination de l'Etat membre responsable commence dès qu'une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d'un Etat membre " ; si la demande d'admission au séjour au titre de l'asile de M. C... a été déposée le 4 septembre 2019, soit quatre jours avant la demande d'admission d'entrée en France de son épouse, il convient de rappeler que la procédure de détermination de l'Etat responsable a duré près de cinq mois, la première décision de transfert n'étant intervenue que le 6 février 2020 ; or, la question de la demande d'asile de Mme C... avait déjà été tranchée et ce depuis le 10 septembre 2019 par le ministre de l'intérieur ;

- les arrêtés contestés méconnaissent les articles 21 et 22 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; ils sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du même règlement car M. C... souffre d'une pathologie grave et extrêmement invalidante ;

- les arrêtés contestés méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- les arrêtés décidant de leur assignation à résidence sont illégaux du fait de l'illégalité des arrêtés décidant de leur transfert ; l'arrêté d'assignation de M. C... est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et présente un caractère disproportionné compte tenu de son handicap et du fait qu'il a beaucoup de mal à se déplacer.

M et Mme C... ont été admis à l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 15 juin 2020.

II) Par une deuxième requête enregistrée le 11 mars 2020 sous le n° 20NT00904, la préfète d'Ille-et-Vilaine demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement nos 2001052, 2001055 du 9 mars 2020 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes.

Elle soutient que les conditions d'application des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative sont remplies dès lors que les moyens qu'elle a évoqués dans son recours au fond, et auxquels elle se réfère, sont sérieux et de nature à justifier tant l'annulation du jugement que le rejet des demandes de M. et Mme C... présentées devant le tribunal administratif.

Par un mémoire enregistré le 7 juillet 2020, M. et Mme C... concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1500 euros soit mise à la charge de l'Etat à verser à leur avocat sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, contre renonciation de leur avocat à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

M et Mme C... ont été admis à l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 11 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le règlement (UE) n°1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., né le 30 septembre 1973, de nationalité russe, est entré sur le territoire français le 30 août 2019 accompagnée de sa fille, née le 17 juin 2009. Le 4 septembre 2019, il a sollicité l'asile auprès de la préfecture d'Ille-et-Vilaine. Mme C..., son épouse, née le 8 novembre 1981, de nationalité arménienne, est entrée sur le territoire français le 8 septembre 2019 sur un vol en provenance directe de Moscou. Elle a sollicité l'asile auprès de la préfecture d'Ille-et-Vilaine le 27 septembre 2019. Entre-temps, par une décision du 10 septembre 2019, le ministre de l'intérieur avait pris à son encontre une décision portant refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile sur le fondement du 3° de l'article L. 213-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sa demande d'asile " étant considérée comme manifestement infondée ". Le relevé des empreintes de M. C..., transmises à l'unité centrale Visabio, a fait apparaître qu'il était en possession d'un visa délivré par les autorités consulaires tchèques. Par deux arrêtés du 30 janvier 2020, le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé du transfert de M. et Mme C... aux autorités tchèques, en application, respectivement, des dispositions des articles 12.2 et 11 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que de leur assignation à résidence pour une durée de 45 jours. Ces deux arrêtés ont été annulés, par un jugement définitif du tribunal administratif de Rennes nos 2000524-2000525 du 6 février 2020, au motif que le préfet d'Ille-et-Vilaine ne justifiait pas avoir saisi les autorités tchèques dans le délai de trois mois de leur demande d'asile, conformément aux dispositions des articles 21 et 22 du même règlement.

2. Par deux arrêtés du 2 mars 2020, le préfet d'Ille-et-Vilaine a de nouveau décidé du transfert de M. et Mme C... aux autorités tchèques, en application des mêmes dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 que précédemment, et décidé, par deux arrêtés du même jour, de leur assignation à résidence pour une durée de 45 jours. M. et Mme C... ont, par deux requêtes distinctes demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de ces quatre arrêtés. Par un jugement nos 2001052, 2001055 du 9 mars 2020, la magistrate désignée par le président de ce tribunal a annulé les arrêtés du 2 mars 2020 et a enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine d'autoriser M. et Mme C... à solliciter l'asile en France et à leur délivrer un récépissé en qualité de demandeur d'asile dans un délai de trois jours.

3. Le premier juge a estimé, d'une part, s'agissant de Mme C..., que le préfet ne pouvait, sans méconnaitre les dispositions de l'article L.213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, décider, par l'arrêté de transfert contesté, de la placer en procédure Dublin alors qu'elle avait le 10 septembre 2019 fait l'objet d'une décision du ministre de l'intérieur de refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile. D'autre part, s'agissant de M. C..., le tribunal a jugé que dès lors que la France était responsable de l'examen de la demande de protection internationale de Mme C..., le préfet d'Ille-et-Vilaine ne pouvait sans méconnaître le droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, décider du transfert de M. C... vers la République Tchèque. La préfète d'Ille-et-Vilaine, sous le n° 20NT00901, relève appel de ce jugement du 9 mars 2020 et demande également à la cour, sous le n°20NT00904, d'en ordonner le sursis à exécution.

4. Les requêtes n° 20NT00901 et 20NT00904 du préfet d'Ille-et-Vilaine sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 20NT00901 :

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre les arrêtés de transfert du 2 mars 2020 :

5. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

6. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

7. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet d'Ille-et-Vilaine pour procéder à l'exécution du transfert de M. et Mme C... vers la République tchèque a été interrompu par la saisine du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement du 9 mars 2020 rendu par ce dernier. Il ressort des pièces du dossier que ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation. Par suite, la décision de transfert litigieuse est devenue caduque sans avoir reçu de commencement d'exécution à la date du présent arrêt. La France est donc devenue responsable de la demande d'asile sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n°604-2013 rappelées ci-dessus. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme C... tendant à l'annulation du jugement du 9 mars 2020, en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre les arrêtés du 2 mars 2020 portant transfert vers la République Thèque.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre les arrêtés portant assignation à résidence :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité des arrêtés de transfert du 2 mars 2020 décidant du transfert de Mme C... aux autorités tchèques :

8. D'une part, aux termes de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise par le ministre chargé de l'immigration que si : 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre État en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement avec d'autres États ; / 2° La demande d'asile est irrecevable en application de l'article 723-11 ; / 3° Ou la demande d'asile est manifestement infondée. / Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves. / Sauf dans le cas où l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre État, la décision de refus d'entrée ne peut être prise qu'après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui rend son avis dans un délai fixé par voie réglementaire et dans le respect des garanties procédurales prévues au chapitre III du titre II du livre VII. L'office tient compte de la vulnérabilité du demandeur d'asile. L'avocat ou le représentant d'une des associations mentionnées au huitième alinéa de l'article 723-6, désigné par l'étranger, est autorisé à pénétrer dans la zone d'attente pour l'accompagner à son entretien dans les conditions prévues au même article L. 723-6. / Sauf si l'accès de l'étranger au territoire français constitue une menace grave pour l'ordre public, l'avis de l'office, s'il est favorable à l'entrée en France de l'intéressé au titre de l'asile, lie le ministre chargé de l'immigration. / L'étranger autorisé à entrer en France au titre de l'asile est muni sans délai d'un visa de régularisation de huit jours. Dans ce délai, l'autorité administrative compétente lui délivre, à sa demande, une attestation de demande d'asile lui permettant d'introduire sa demande auprès de l'office ". D'autre part, aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 susvisé : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable ". Enfin, aux termes de l'article 11 du règlement du 26 juin 2013 : " Lorsque plusieurs membres d'une famille et/ou des frères ou soeurs mineurs non mariés introduisent une demande de protection internationale dans un même État membre simultanément, ou à des dates suffisamment rapprochées pour que les procédures de détermination de l'État membre responsable puissent être conduites conjointement, et que l'application des critères énoncés dans le présent règlement conduirait à les séparer, la détermination de l'État membre responsable se fonde sur les dispositions suivantes: a) est responsable de l'examen des demandes de protection internationale de l'ensemble des membres de la famille et/ou des frères et soeurs mineurs non mariés, l'État membre que les critères désignent comme responsable de la prise en charge du plus grand nombre d'entre eux; b) à défaut, est responsable l'État membre que les critères désignent comme responsable de l'examen de la demande du plus âgé d'entre eux ". Enfin, aux termes de son article 15 : " Lorsque la demande de protection internationale est présentée dans la zone de transit international d'un aéroport d'un État membre par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride, cet État membre est responsable de l'examen de la demande ".

9. Il ressort des pièces versées au dossier, notamment des éléments joints au mémoire en défense présenté le 6 mars 2020 devant le tribunal par le préfet d'Ille-et-Vilaine, que M. C... est entré sur le territoire français le 30 août 2019 accompagnée de sa fille, née le 17 juin 2009, et qu'ils ont été placés dès le 4 septembre 2019 en procédure Dublin, la consultation du fichier Visabio ayant révélé que la République Tchèque était responsable de leur demande d'asile sur le fondement de l'article 12 du règlement du 26 juin 2013 visé ci-dessus. Mme C... n'est, quant à elle, entrée sur le territoire français que le 8 septembre 2019 par un vol en provenance directe de Moscou. Les contrôles alors effectués ont révélé qu'elle ne disposait d'aucun visa en cours de validité et aucun document n'a permis d'établir qu'elle aurait transité par un Etat membre au sens du règlement dit de " Dublin III " susvisé. L'administration, en l'état des informations en sa possession, a pu dès lors estimer que l'examen de la demande d'asile de Mme C... ne relevait pas de la compétence d'un autre Etat, la France étant le premier point d'entrée sur le territoire couvert par le règlement précité. Dans ces conditions, le ministre de l'intérieur a pu, le 10 septembre 2019 et sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, citées au point précédent, après consultation de l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides, décider de refuser l'entrée en France de Mme C..., au motif que sa demande d'asile était manifestement infondée. Toutefois, M. C... et sa fille ayant été placés dès le 4 septembre 2019 en procédure Dublin, l'examen de la demande de celui-ci, plus âgé que son épouse, relevait de la République tchèque, Etat responsable de sa demande par application des dispositions du b) de l'article 11 du même règlement, rappelées au point précédent, l'objet de ce texte étant de concilier le respect de la vie familiale et les nécessités de la procédure de détermination de l'Etat membre responsable de l'instruction de la demande de protection internationale. Par voie de conséquence, c'est à bon droit, et dans le souci de traiter la situation de la famille C... dans son ensemble, que la demande d'asile de Mme C..., alors identifiée en sa qualité d'épouse de M. C..., a été ensuite enregistrée le 27 septembre 2019 par les services de la préfecture d'Ille-et-Vilaine, puis que celle-ci a fait l'objet d'un transfert aux autorités tchèques aux termes de l'arrêté contesté du 2 mars 2020.

10. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté portant transfert de Mme C... vers la République tchèque aux motifs que, les autorités françaises étant réputées avoir définitivement admis le 10 septembre 2020 leur responsabilité dans le traitement de toute demande de protection internationale émanant de l'intéressée, le préfet d'Ille-et-Vilaine ne pouvait plus, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, décider de placer Mme C... en procédure Dublin lors de l'enregistrement de sa nouvelle demande d'asile, le 27 septembre 2019, puis décider de son transfert vers la République Tchèque aux termes de l'arrêté du 2 mars 2020 en litige.

11. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif et devant la Cour.

12. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable (...); /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert;/e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ". Enfin selon les dispositions de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) ".

13. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

14. Au cas d'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme C... s'est vu remettre, le 27 septembre 2019, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile dans les services de la préfecture, et à l'occasion de son entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, et qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées. Ces documents, dont les pages de garde ont été signées par l'intéressée, lui ont été remis dans une langue qu'elle a déclaré comprendre, avec l'assistance d'un interprète de la société ISM Interprétariat parlant la langue arménienne et qui l'a assisté lors de l'entretien individuel du même jour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile énoncé à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".

16. D'une part, aucune disposition n'impose la mention sur le compte rendu de l'entretien individuel prévu à l'article 5 précité de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien. Par suite, les services de la préfecture, et en particulier les agents recevant les étrangers doivent être regardés comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement n° 604/2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour mener l'entretien prévu à cet article. Il ne ressort pas des éléments du dossier que l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel aurait privé Mme C... de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et de la possibilité de faire valoir toutes observations utiles. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'entretien individuel a été mené par un agent de la préfecture d'Ille-et-Vilaine avec l'assistance, ainsi qu'il a été indiqué au point 11 d'un interprète en langue arménienne par le biais de la société ISM Interprétariat. Il n'est pas établi que cet entretien individuel aurait été conduit dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

17. En troisième lieu, aux termes de l'article 21 du règlement UE n°604/2013 du 26 juin 2013 : " Présentation d'une requête aux fins de prise en charge : " 1. L'Etat membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre Etat membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre Etat membre aux fins de prise en charge du demandeur. / (...) / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéa, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'Etat membre auprès duquel la demande a été introduite ". Selon l'article 22 du même règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. 2. Dans le cadre de la procédure de détermination de l'État membre responsable, des éléments de preuve et des indices sont utilisés. ". Enfin, selon l'article 5 du règlement 1560/2003 de la commission du 2 septembre 2003 : " Réponse négative : 1. Lorsque, après vérification, l'État membre requis estime que les éléments soumis ne permettent pas de conclure à sa responsabilité, la réponse négative qu'il envoie à l'État membre requérant est pleinement motivée et explique en détail les raisons du refus. 2. Lorsque l'État membre requérant estime que le refus qui lui est opposé repose sur une erreur d'appréciation ou lorsqu'il dispose d'éléments complémentaires à faire valoir, il lui est possible de solliciter un réexamen de sa requête. Cette faculté doit être exercée dans les trois semaines qui suivent la réception de la réponse négative. L'État membre requis s'efforce de répondre dans les deux semaines. En tout état de cause, cette procédure additionnelle ne rouvre pas les délais prévus à l'article 18, paragraphes 1 et 6, et à l'article 20, paragraphe 1, point b), du règlement (CE) n°343/2003. ".

18. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des justificatifs produits en première instance, que le préfet d'Ille-et-Vilaine a, le 29 novembre 2019, soit dans le délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande de protection internationale de Mme C..., saisi les autorités tchèques d'une demande de prise en charge de l'intéressée dont il a été accusé réception le même jour. Si le 19 décembre 2019, les autorités tchèques ont fait une réponse négative faute d'avoir la preuve du mariage de l'intéressée avec M. C... du fait des différentes identités déclarées, les services de la préfecture d'Ille-et-Vilaine ont, le 8 janvier 2000, soit dans le délai de trois semaines prescrit par les dispositions précitées du 2. de l'article 5 du règlement 1560/2003 de la commission du 2 septembre 2003, transmis une demande de réexamen à ces autorités. L'accord de prise en charge de Mme C... est intervenu le 9 janvier 2020. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 21 et 22 du règlement UE n°604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.

19. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales selon lequel : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

20. Il résulte de ces dispositions que la présomption selon laquelle un Etat " Dublin " respecte ses obligations découlant de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est renversée en cas de défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant subi par ces derniers.

21. Mme C... soutient que l'arrêté contesté du 2 mars 2020 décidant de son transfert aux autorités tchèques méconnait les dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement UE n°604/2013 du 26 juin 2013. Toutefois, la République tchèque est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de ces deux conventions internationales. Si cette présomption peut être renversée lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant, Mme C... n'établit pas l'existence de défaillances en République tchèque qui constitueraient des motifs sérieux et avérés de croire que sa demande d'asile ne serait pas traitée par les autorités de ce pays dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En l'absence de tout élément avancé par Mme C... permettant de révéler l'existence d'un risque d'une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile, le moyen tiré de ce que le préfet d'Ille-et-Vilaine aurait méconnu les dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 précité du règlement (UE) du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.

22. En cinquième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement UE n°604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Si Mme C... soutient que l'arrêté contesté du 2 mars 2020 décidant de son transfert aux autorités tchèques méconnait ces dispositions, elle n'assortit ce moyen en ce qui concerne sa situation personnelle d'aucun élément. Le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la mise en oeuvre de ces dispositions sera écarté.

23. En sixième et dernier lieu, si Mme C... soutient que sa fille qui est âgée de 11 ans est scolarisée depuis de nombreux mois dans un établissement français où elle obtient d'excellents résultats et s'est parfaitement intégrée, rien ne s'oppose compte tenu de son âge et du caractère récent de son arrivée en France à ce qu'elle poursuive une scolarité en République tchèque. Le moyen tiré de la méconnaissance l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

24. Il résulte de tout ce qui précède que l'arrêté contesté du 2 mars 2020 décidant du transfert de Mme C... aux autorités tchèques n'est entaché d'aucune illégalité.

Sur la légalité de l'arrêté du 2 mars 2020 décidant du transfert de M. C... aux autorités tchèques :

25. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 8 à 10, et du fait que la France ne pouvait pas, comme l'a estimé à tort le premier juge, être considérée comme l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile de Mme C..., le motif retenu pour annuler l'arrêté du 2 mars 2020 décidant du transfert de son époux aux autorités tchèques tiré de la violation du droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale n'est pas fondé. Par suite, le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté pour ce motif.

26. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif et devant la Cour.

27. En premier lieu, s'agissant des moyens tirés de la méconnaissance, d'une part, des articles 21, 22, et des dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 et, d'autre part, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, M. C... ne développe pas d'autres arguments que ceux présentés en commun avec son épouse et qui ont été écartés aux points 15, 18 et 20. Ils seront écartés pour les mêmes motifs.

28. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que M. C... a pu bénéficier en temps utile de l'information requise par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et qu'il a signé les différentes brochures qui lui ont été remises dans sa langue natale le russe. D'autre part, il n'est pas établi que l'entretien individuel qui s'est déroulé le 4 septembre 2019 et a été mené par un agent qualifié assisté d'un interprète en langue russe aurait été conduit dans des conditions non conformes aux prescriptions énoncées par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013.

29. Enfin, pour soutenir que l'arrêté du 2 mars 2020 décidant de son transfert aux autorités tchèques méconnait l'article 17 du règlement UE n°604/2013 du 26 juin 2013, M. C... fait valoir qu'il souffre d'une pathologie grave et extrêmement invalidante puisqu'il a contracté lors de la guerre Tchétchénie une bactérie au cerveau à la suite d'une explosion en 2009, qu'il prend un lourd traitement anti-migraineux, effectue deux fois par semaine des séances de kinésithérapie et est suivi médicalement pour des coliques néphrétiques. Toutefois, les documents d'ordre médical versés au dossier ne permettent pas d'estimer que les traitements et le suivi que son état de santé requiert ne pourraient pas lui être apportés en république tchèque en cas de nécessité. Le moyen sera écarté.

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre les arrêtés du 2 mars 2020 décidant d'assigner à résidence M. et Mme C... :

30. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 21 et 27 que les moyens identiques présentés par M. et Mme C... tirés de ce que les arrêtés décidant de leur assignation à résidence seraient illégaux du fait de l'illégalité des arrêtés décidant de leur transfert ne peuvent qu'être écartés.

31. En second lieu, si M. C... soutient que du fait de son handicap, il a beaucoup de difficultés pour se déplacer, il ne l'établit en aucune façon. Aucun des éléments versés au dossier ne permet d'établir que la décision l'assignant à résidence serait, dans ses modalités, disproportionnée au regard de l'obligation d'exécuter la mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet d'Ille-et-Vilaine au regard des dispositions de l'article L. 562-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celui tiré de la méconnaissance de ces dispositions doivent être écartés.

32. Il résulte de ce qui vient d'être dit, que les arrêtés contestés du 2 mars 2020 décidant d'assigner à résidence respectivement M. et Mme C... ne sont entachés d'aucune illégalité.

33. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes a prononcé l'annulation des arrêtés du 2 mars 2020 décidant l'assignation à résidence de M. et Mme C... pour une durée de 45 jours.

Sur la requête n° 20NT00904 :

34. Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la préfète d'Ille-et-Vilaine tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement nos 2001052, 2001055 du 9 mars 2020 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes.

Sur les frais d'instance :

35. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. et Mme C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20NT00904.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20NT00901 du préfet tendant à l'annulation du jugement du 9 mars 2020 du tribunal administratif de Rennes annulant ses arrêtés du 2 mars 2020 décidant du transfert de M. et Mme C... aux autorités tchèques.

Article 3 : Le jugement nos 2001052, 2001055 du 9 mars 2020 du tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu'il a annulé les arrêtés du 2 mars 2020 assignant à résidence M. et Mme C....

Article 4 : Les demandes présentées par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Rennes tendant à l'annulation des arrêtés du 2 mars 2020 décidant leur assignation à résidence ainsi que leurs conclusions d'appel sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la préfète d'Ille-et-Vilaine et à M. A... C... et Mme F... C....

Délibéré après l'audience du 4 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2021.

Le rapporteur

O. CoiffetLe président

O. GASPON

La greffière

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 20NT00901 ; 20NT00904 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00901
Date de la décision : 19/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : BERTHET-LE FLOCH

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-19;20nt00901 ?
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