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29/01/2021 | FRANCE | N°20NT02226

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 29 janvier 2021, 20NT02226


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... et Mme D... B... épouse E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 21 juillet 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé devant elle contre la décision de l'autorité consulaire française à New Delhi (Inde) du 12 mai 2017 rejetant la demande de visa de long séjour présentée par M. E... en qualité de conjoint de ressortissant français, ainsi que la décision consulaire.>
Par un jugement n° 1704504 du 28 février 2020, le tribunal administratif de Nant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... et Mme D... B... épouse E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 21 juillet 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé devant elle contre la décision de l'autorité consulaire française à New Delhi (Inde) du 12 mai 2017 rejetant la demande de visa de long séjour présentée par M. E... en qualité de conjoint de ressortissant français, ainsi que la décision consulaire.

Par un jugement n° 1704504 du 28 février 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juillet 2020, M. F... E... et Mme D... B... épouse E..., représentés par la SELARL Pasquier Picchiottino Alouani, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 février 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 21 juillet 2017 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre à l'administration de délivrer à M. E... dans un délai de quinze jours le visa de long séjour sollicité ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

­ faute pour l'administration d'établir la composition et la réunion de la commission de recours contre les refus de visa, la décision contestée devra être regardée comme intervenue à la suite d'une procédure irrégulière,

­ la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en retenant les motifs tirés de ce que M. E... a fait l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français et de ce que la réalité de l'intention matrimoniale et du maintien des liens matrimoniaux n'étaient pas établis.

En application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience.

Un mémoire, présenté pour le ministre de l'intérieur, a été enregistré le 21 janvier 2021, après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

­ le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. L'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... E..., qui est un ressortissant indien né le 7 avril 1987, a déclaré être entré sur le territoire français en 2009. Par un arrêté du 24 septembre 2014, le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. Il a épousé, le 31 octobre 2015 à Val-de-Reuil (Eure), Mme D... H... B..., ressortissante française née le 29 mars 1964. M. E... a décidé de quitter le territoire français, le 16 avril 2017, pour se rendre dans son pays d'origine en vue de se voir délivrer un visa de long séjour en qualité de conjoint de français. Il a déposé une demande en ce sens, le 19 avril 2017, auprès de l'autorité consulaire française à New Delhi (Inde). Par une décision du 12 mai 2017, l'autorité consulaire a rejeté sa demande au motif qu'il faisait l'objet d'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français. M. E... a formé un recours devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France qui, par une décision du 21 juillet 2017, a confirmé ce refus. M. E... et Mme B... relèvent appel du jugement du 28 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La demande d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois donne lieu à la délivrance par les autorités diplomatiques et consulaires d'un récépissé indiquant la date du dépôt de la demande. / (...) Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article. / Les autorités diplomatiques et consulaires sont tenues de statuer sur les demandes de visa de long séjour formées par les conjoints de Français et les étudiants dans les meilleurs délais. (...) ". Il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa.

3. Pour refuser de délivrer à M. F... E... un visa d'entrée et de long séjour en France en qualité de conjoint d'une ressortissante française, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur la circonstance que son mariage avec Mme D... B... avait été conclu dans un but étranger à l'union matrimoniale et à seule fin d'une installation durable de l'intéressé en France.

4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 16 septembre 2015, le tribunal de grande instance d'Evreux, saisi par les requérants afin qu'il soit donné mainlevée à l'opposition à 1eur mariage signifiée le 16 juin 2015 par le procureur de la République près du même tribunal, a fait droit à leur demande aux motifs notamment que les intéressés se connaissaient, à la date de ce jugement, depuis plus de trois ans, qu'ils avaient un projet de vie commune et de travail en commun, que M. E... indiquait, sans être démenti connaître la famille de Mme B... et que, malgré la différence d'âge, il existait une complicité certaine entre les intéressés. Par ailleurs, l'absence de cohabitation avant le mariage, alors même qu'il s'agit désormais d'une pratique courante, ne serait induire que les intéressés n'entendraient pas vivre ensemble lorsque leur union sera célébrée, cette cohabitation préalable ne constituant pas une condition de validité du mariage.

5. Il suit de là que l'administration ne saurait utilement, pour contester la sincérité du mariage, faire valoir que la chronologie des événements relatés par les requérants aurait été incohérente s'agissant des conditions de leur rencontre et que Mme B... a été incapable, lors d'une audition, d'apporter des informations élémentaires concernant M. E... dès lors qu'il ressort des pièces du dossier et en particulier du jugement précité qu'ils ont tenu sur ce point des propos concordants. Au surplus, ainsi qu'il résulte du procès-verbal de police du 27 avril 2015, les enquêteurs de police ont pu trouver au domicile de Mme B... des effets personnels de M. E..., tels que notamment manteau et paire de chaussure, ainsi que des photographies de lui dans différentes pièces de l'appartement. Il ressort, également, des pièces du dossier, en particulier des factures d'électricité et d'eau, des avis d'imposition et des relevés de compte bancaire que, depuis leur mariage, les requérants disposent d'un logement commun. Faute pour l'administration d'établir l'absence de vie commune à ce domicile, elle ne saurait faire grief aux intéressés de ne pas avoir maintenu des conversations électroniques ou épistolaires régulières. Il est constant, par ailleurs, ainsi qu'il résulte des billets d'avion, que Mme B... a tenu à accompagner son époux en Inde en avril 2017 afin qu'il obtienne un visa de long séjour pour lui permettre de régulariser sa situation en France. De plus, les requérants indiquent, sans être utilement contestés, partager l'intégralité de leurs ressources et charges, la rémunération que perçoit M. E... étant directement versée sur le compte commun. Enfin, le ministre ne saurait utilement s'en remettre aux déclarations prêtées à M. E... dans un procès-verbal établi alors qu'il était placé en rétention administrative dès lors que, selon le jugement de mainlevée du tribunal de grande instance, la procédure a été annulée par le juge des libertés et de la détention en son raison de son caractère irrégulier et que l'intéressé a, par ailleurs, réfuté ces propos et n'a pas signé le procès-verbal. Dans ces conditions, la commission a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à M. E... le visa qu'il sollicitait en qualité de conjoint de français.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Sous réserve d'un changement dans la situation de droit et de fait de l'intéressé, le présent arrêt implique nécessairement que le ministre de l'intérieur délivre à M. F... E... un visa d'entrée et de long séjour en France, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 1 200 euros à verser à M. F... E... et à Mme D... B... épouse E... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E:

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 février 2020 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 21 juillet 2017 sont annulés.

Article 2 : Sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de l'intéressé, il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. F... E... un visa d'entrée et de long séjour en France dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. F... E... et à Mme D... B... épouse E... une somme globale de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E..., à Mme D... B... épouse E... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président,

- Mme Douet, présidente-assesseur,

- M. L'hirondel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 janvier 2021.

Le rapporteur,

M. L'HIRONDELLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

2

N° 20NT02226


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02226
Date de la décision : 29/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : PASQUIER PICCHIOTTINO ALOUANI

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-29;20nt02226 ?
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