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19/03/2021 | FRANCE | N°20NT00988

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 19 mars 2021, 20NT00988


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " Les riverains et les amis de Béner ", M. E... C... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes :

1°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du préfet de la Sarthe du 25 octobre 2016 autorisant, dans le cadre de l'aménagement d'une zone d'activité commerciale située dans les communes du Mans et d'Yvré l'Evêque dans le secteur dit de " Béner ", la société en nom collectif (SNC) Bénermans à rejeter les eaux pluviales collectées sur ce site ou issues du bassin

versant amont et interceptées par le projet dans la rivière l'Huisne via les réseaux ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " Les riverains et les amis de Béner ", M. E... C... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes :

1°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du préfet de la Sarthe du 25 octobre 2016 autorisant, dans le cadre de l'aménagement d'une zone d'activité commerciale située dans les communes du Mans et d'Yvré l'Evêque dans le secteur dit de " Béner ", la société en nom collectif (SNC) Bénermans à rejeter les eaux pluviales collectées sur ce site ou issues du bassin versant amont et interceptées par le projet dans la rivière l'Huisne via les réseaux d'eaux pluviales appartenant à la communauté urbaine Le Mans Métropole ;

2°) à titre subsidiaire, de subordonner la réalisation des travaux d'aménagement litigieux à la mise en service de la réserve d'eau brute par la communauté urbaine Le Mans Métropole.

Par un jugement n° 1705912 du 10 janvier 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 mars 2020 et le 22 décembre 2020, l'association " Les riverains et les amis de Béner ", M. E... C... et M. D... B..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 janvier 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Sarthe du 25 octobre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

­ le jugement attaqué doit être annulé faute pour les premiers juges d'avoir établi le rapport de compatibilité devant exister entre une décision prise au titre de la loi sur l'eau et un schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) et pour ne pas avoir retenu l'incompatibilité de l'autorisation litigieuse avec le SAGE du bassin de l'Huisne de 2017 révisé ;

­ le dossier de demande est insuffisant en tant qu'il porte sur la compatibilité du projet avec le schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) du bassin de l'Huisne, en particulier avec dispositions afférentes à la protection de la ressource en eau potable ;

­ le document d'incidences est insuffisant en tant qu'il a qualifié, à tort, le cours d'eau des Perrières de fossé, ce qui a été de nature à influer sur le sens de la décision contestée et a privé le public d'une garantie ;

­ contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, le projet en litige n'est pas compatible avec le caractère prioritaire de l'enjeu fixé dans le plan d'aménagement et de gestion durable (PAGD) du schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) du bassin de l'Huisne adopté le 14 octobre 2009 tenant à la sécurisation de l'alimentation en eau potable compte tenu de l'insuffisance du niveau de garantie présenté par les équipements proposés par le pétitionnaire telle que révélée par le courrier de l'agence régionale de santé du 19 février 2016. L'avis émis par la commission locale de l'eau de ce SAGE, qui est insuffisamment motivé, n'est pas de nature à établir cette garantie. Cet objectif est repris dans le règlement du SAGE et rappelé dans le PAGD du SAGE révisé en 2017 ;

­ par l'effet dévolutif de l'appel, la cour annulera nécessairement l'arrêté litigieux au regard des moyens complémentaires développés par les requérants en première instance.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 décembre 2020 et le 1er février 2021 à 09 heures 55, la SNC Bénermans, représentée par le cabinet Frêche et associés AARPI, conclut, en l'état de ses dernières écritures, au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, et à ce qu'il soit mis à la charge de l'association " Les riverains et les amis de Béner " et autres une somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 décembre 2020 et le 1er février 2021 à 09 heures 19, la ministre de la Transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient, en s'en remettant également aux écritures présentées en première instance par le préfet de la Sarthe, qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 23 décembre 2020, prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée au 1er février 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

­ le code de l'environnement ;

­ le code général des collectivités territoriales ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...'hirondel,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant l'association " Les riverains et les amis de Béner " et autres.

Considérant ce qui suit :

1. La SNC Bénermans a déposé, le 9 juillet 2015, un dossier de demande d'autorisation au titre des articles L. 214-1 et suivants du code de l'environnement dans le cadre de son projet de création d'une zone d'activité commerciale (ZAC) dans le secteur dit de Béner situé à l'est de l'agglomération mancelle, sur le territoire des communes du Mans et d'Yvré l'Evêque. A l'issue de l'enquête publique qui s'est déroulée du 3 juin au 8 juillet 2016, la commission d'enquête a émis un avis favorable au projet. Par l'arrêté contesté du 25 octobre 2016, le préfet de la Sarthe a autorisé la SNC Bénermans à rejeter les eaux pluviales collectées sur le site du projet ou issues du bassin versant amont et interceptées par le projet, dans la rivière l'Huisne via les réseaux d'eaux pluviales appartenant à la communauté urbaine Le Mans Métropole. L'association " Les riverains et les amis de Béner " et autres relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 janvier 2020 qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La régularité du jugement ne dépendant pas de son bien-fondé, les requérants ne sauraient utilement solliciter l'annulation du jugement attaqué comme irrégulier au motif que les premiers juges n'auraient pas établi le rapport de compatibilité devant exister entre une décision prise au titre de la loi sur l'eau et un schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) et pour ne pas avoir retenu l'incompatibilité de l'autorisation litigieuse avec le SAGE révisé du bassin de l'Huisne.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Il appartient au juge du plein contentieux de la police de l'eau d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et de se prononcer sur les règles de fond régissant l'installation, et notamment l'étendue des obligations mises à la charge du pétitionnaire par l'autorité compétente, au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce.

En ce qui concerne la légalité externe :

4. Aux termes de l'article R. 214-6 du code de l'environnement alors en vigueur : " I. - Toute personne souhaitant réaliser une installation, un ouvrage, des travaux ou une activité soumise à autorisation adresse une demande au préfet du département ou des départements où ils doivent être réalisés. / II. - Cette demande, remise en sept exemplaires, comprend : (...) / 4° Un document : / a) Indiquant les incidences directes et indirectes, temporaires et permanentes, du projet sur la ressource en eau, le milieu aquatique, l'écoulement, le niveau et la qualité des eaux, y compris de ruissellement, en fonction des procédés mis en oeuvre, des modalités d'exécution des travaux ou de l'activité, du fonctionnement des ouvrages ou installations, de la nature, de l'origine et du volume des eaux utilisées ou affectées et compte tenu des variations saisonnières et climatiques ; / b) Comportant l'évaluation des incidences du projet sur un ou plusieurs sites Natura 2000, au regard des objectifs de conservation de ces sites. Le contenu de l'évaluation d'incidence Natura 2000 est défini à l'article R. 414-23 et peut se limiter à la présentation et à l'exposé définis au I de l'article R. 414-23, dès lors que cette première analyse conclut à l'absence d'incidence significative sur tout site Natura 2000 ; / c) Justifiant, le cas échéant, de la compatibilité du projet avec le schéma directeur ou le schéma d'aménagement et de gestion des eaux et avec les dispositions du plan de gestion des risques d'inondation mentionné à l'article L. 566-7 et de sa contribution à la réalisation des objectifs visés à l'article L. 211-1 ainsi que des objectifs de qualité des eaux prévus par l'article D. 211-10 ; / d) Précisant s'il y a lieu les mesures correctives ou compensatoires envisagées ; / e) Les raisons pour lesquelles le projet a été retenu parmi les alternatives ainsi qu'un résumé non technique. (...) ".

5. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'incidences ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

Quant à la justification, par le document d'incidences, de la compatibilité du projet avec le schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) :

6. En se bornant à soutenir, sans aucune argumentation, que le dossier de demande est insuffisant en tant qu'il porte sur la compatibilité du projet avec le SAGE du bassin de l'Huisne, en particulier avec les dispositions afférentes à la protection de la ressource en eau potable, les requérants n'assortissent leur moyen d'aucune précision permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que le document d'incidences, après avoir indiqué la localisation du projet, précise la nature, la consistance et le volume des travaux. Il mentionne, par ailleurs, les principes retenus pour les rejets d'eaux usées ainsi que les modalités de gestion des eaux pluviales qu'il s'agisse des bassins versants existants, des eaux pluviales des fonds supérieurs interceptés par le projet ou celles collectées sur son emprise ou au niveau des accès. Il évoque, également, le découpage hydraulique, les hypothèses de calcul, le dimensionnement des ouvrages de stockage et la restitution, les éléments de mise en oeuvre, les ouvrages de traitement et de protection complémentaires et la gestion des déversements accidentels. Une description de l'état initial du site est effectuée portant, notamment sur les contextes climatique, hydrographique, géomorphologique, hydraulique, géologique, hydrogéologique. Sont également précisés la perméabilité des sols, la zone de répartition des eaux, les zones sensibles, les zones vulnérables, les usages du milieu récepteur (eaux souterraines, eaux superficielles), les risques naturels, y compris les risques d'inondation, et les zones humides. Une synthèse des enjeux et incidences est alors présentée. Après avoir rappelé les orientations fondamentales et les dispositions spécifiques qui les accompagnent contenues dans le SDAGE du bassin Loire-Bretagne et les enjeux majeurs du SAGE du bassin de l'Huisne, le document d'incidences poursuit par une analyse des incidences directes et indirectes de l'opération en ce qui concerne le comblement des puits privés et piézomètres puis en phase de chantier et au cours de l'exploitation. Cette analyse porte, en particulier, sur la qualité des eaux superficielles, sur l'écoulement des eaux, la ressource en eau (usages, eaux domestiques, eaux industrielles), les risques de pollution chronique ou accidentelle sur le milieu récepteur ainsi que sur les incidences hydrauliques sur le site et en aval. Des mesures d'accompagnement en phase chantier et des moyens de surveillance et d'intervention en cours d'exploitation sont préconisés.

7. La compatibilité du projet avec les documents d'orientation que sont le SDAGE et le SAGE est justifiée au point 9 de ce document qui renvoie, pour une présentation de cette comptabilité, à l'annexe 19 " Compatibilité avec les documents d'orientation et de gestion des eaux " en précisant que l'analyse qui y est faite tient compte de l'ensemble des éléments qui seront mis en oeuvre dans le cadre du projet. L'annexe 19 présente, sous forme de tableau, chacune des orientations fondamentales et dispositions du SDAGE du bassin Loire-Bretagne ainsi que les enjeux majeurs du SAGE du bassin de l'Huisne. Ceux-ci sont mis en rapport avec la situation du projet en indiquant si le projet est ou n'est pas concerné par la disposition. Lorsqu'il est concerné par la disposition, l'annexe précise, sous forme de résumé, les mesures prises afin d'en assurer la compatibilité. Les justifications de la compatibilité du projet avec ces documents d'orientation, en ce qui concerne notamment les mesures prises, sont apportées dans le document d'incidences dont le contenu est rappelé au point précédent. Par suite, le moyen tiré de ce que la demande d'autorisation aurait été insuffisante faute de justifier de la compatibilité du projet avec le SAGE du bassin de l'Huisne ne peut être qu'écarté.

Quant à la qualification du fossé des Perrières :

8. Aux termes de l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement créé par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages : " Constitue un cours d'eau un écoulement d'eaux courantes dans un lit naturel à l'origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l'année. / L'écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales ".

9. Il résulte de l'instruction qu'il existe en partie est du terrain une coupure que le document d'incidences produit à l'appui de la demande d'autorisation qualifie de " fossé des Perrières ". Selon ce document, cette coupure, qui draine notamment la vallée de Saint-Blaise, traverse les terrains du nord au sud, à ciel ouvert sur environ 300 mètres en partie nord pour se prolonger, ensuite, par une canalisation plus en aval. Il est constant qu'elle n'est pas identifiée comme cours d'eau sur la carte des cours d'eau de la Sarthe établie par le préfet de ce département au titre de la police de l'eau, et reproduite dans le document d'incidences. Si elle est représentée par un trait rouge correspondant, selon la légende, à " de possibles écoulements qui devront faire en tant que de besoin l'objet d'une expertise après demande préalable auprès du Service Eau et Environnement de la DDT ", cette seule mention ne saurait établir l'existence d'un cours d'eau au sens des dispositions de l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement.

10. Au surplus, il résulte du document d'incidences, et notamment des photographies illustrant le commentaire, que les investigations réalisées sur place ont permis de constater que dans sa partie à ciel ouvert, le fossé, qui a un fond à dominance sablo-graveleuse, est dénué de toute végétation qu'elle soit hygrophile ou non et que les berges, qui sont abruptes, sont colonisées par une strate herbacée à dominance de graminées. Lors de visites effectuées hors périodes de précipitation, il n'a été constaté aucune circulation d'eau, ni aucune espèce animale inféodée ou zones humides. Si l'association requérante allègue qu'au cours de l'enquête publique un technicien hydraulicien aurait présenté une observation selon laquelle cette coupure serait alimentée par une source " située le long du chemin rural n°59 de la grande Malmare à Saint Blaise au Mans ", la commission d'enquête a confirmé, s'agissant du site de Béner, l'analyse réalisée dans le cadre du document d'incidences après, notamment, avoir effectué, le 8 juin 2016, une visite sur place en présence d'une association de protection de l'environnement. Lors de cette visite, si elle a constaté une circulation d'eau en fond de talweg à partir du 21 rue de la Vallée Saint Blaise, ce flux disparaissait toutefois avant la traversée de la route de l'Eventail face à la propriété " Perrine " située en amont du projet. De même, la commission a constaté, lors d'une visite effectuée le 31 mai 2016, " après une période de pluies importantes ", l'absence d'écoulement dans les fossés. Si les requérants contestent cette appréciation, la mention " ruisseau des Perrières " apposée sur le cadastre napoléonien, si elle est de nature à justifier l'existence d'un lit naturel à l'origine, ne saurait en revanche établir qu'il serait alimenté par une source présentant un débit suffisant pour être qualifié de cours d'eau au sens de l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement. De même, la photographie produite en première instance par les requérants n'est pas de nature, en l'absence de toute précision sur le lieu où elle a été prise, à remettre en cause l'appréciation portée par la commission, ni, en tout état de cause, à établir un débit suffisant la majeure partie de l'année. Enfin, si les services de l'Etat ont développé un " logigramme d'interprétation des écoulements " lorsque certains des critères fixés par la loi sont indéterminés, sa mise en oeuvre ne saurait concerner que des cas résiduels et les éléments qui sont pris en compte ne sauraient se substituer à l'application des critères posés par la loi. Les requérants n'établissent pas, alors que la coupure se situe à ciel ouvert et dans un milieu urbanisé, l'impossibilité de déterminer avec une certitude suffisante si l'écoulement peut ou non être qualifié de cours d'eau. Dans ces conditions, ils ne sauraient se plaindre de ce que les éléments alternatifs contenus dans le logigramme n'ont pas été mis en oeuvre.

11. Il résulte de ce qui précède que, faute en particulier d'établir l'existence d'un écoulement présentant un débit suffisant la majeure partie de l'année, l'association " Les riverains et les amis de Béner " et autres ne sont pas fondés à soutenir que le document d'incidences a qualifié à tort la coupure traversant le site de fossé et non de cours d'eau. Par voie de conséquence, ils ne sauraient également alléguer que la décision contestée est illégale faute de viser la rubrique 3.1.2.0 de la nomenclature " loi sur l'eau " et d'avoir pris en compte ce fossé en tant que cours d'eau.

En ce qui concerne la légalité interne :

12. Aux termes du XI de l'article L. 212-1 du code de l'environnement relatif aux schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) : " Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles (...) avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux ". Le deuxième alinéa de l'article L. 212-5-2 du code de l'environnement relatif aux schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) prévoit par ailleurs que : " Les décisions applicables dans le périmètre défini par le schéma prises dans le domaine de l'eau par les autorités administratives doivent être compatibles (...) avec le plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau dans les conditions et les délais qu'il précise ".

13. Il résulte des dispositions de l'article L. 212-1 du code de l'environnement que le SDAGE, d'une part, fixe, pour chaque bassin ou groupement de bassins, les objectifs de qualité et de quantité des eaux ainsi que les orientations permettant d'assurer une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau et, d'autre part, détermine à cette fin les aménagements et les dispositions nécessaires. En outre, lorsque cela apparaît nécessaire pour respecter ses orientations et ses objectifs, le SDAGE peut être complété, pour un périmètre géographique donné, par un SAGE qui doit être compatible avec lui et qui comporte, en vertu de l'article L. 212-5-1 du code de l'environnement, d'une part, un plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau (PAGD) et, d'autre part, un règlement, qui peut prévoir les obligations définies au II de cet article. En vertu du XI de l'article L. 212-1 et de l'article L. 212-5-2 du code de l'environnement, les décisions administratives prises dans le domaine de l'eau doivent être compatibles avec le SDAGE et avec le PAGD du SAGE. En revanche, les décisions administratives prises au titre de la police de l'eau en application des articles L. 214-1 et suivants du code de l'environnement doivent être conformes au règlement du SAGE et à ses documents cartographiques, dès lors que les installations, ouvrages, travaux et activités en cause sont situés sur un territoire couvert par un tel document.

14. Pour apprécier la compatibilité des décisions administratives avec le SDAGE ou le PAGD du SAGE, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire pertinent pour apprécier les effets du projet sur la gestion des eaux, si l'autorisation ne contrarie pas les objectifs et les orientations fixés par le schéma, en tenant compte de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation de l'autorisation au regard de chaque orientation ou objectif particulier.

15. En premier lieu, si les requérant soutiennent que le projet n'est pas conforme avec le règlement du SAGE du bassin de l'Huisne adopté le 14 octobre 2009 qui, en son article 1er, fixe pour objectif " la sécurisation et l'optimisation de l'alimentation en eau potable produite à partir des eaux superficielles et des eaux souterraines du bassin versant de l'Huisne ", ce document a été depuis révisé. Il appartient au juge du plein contentieux de la police de l'eau, ainsi qu'il a été dit au point 3, d'apprécier le respect des règles de fond au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce. Il résulte de l'instruction que le texte invoqué n'a pas été repris dans le règlement du SAGE approuvé par arrêté interpréfectoral du 12 janvier 2018. Dans ces conditions, le moyen, qui est inopérant, doit être écarté.

16. En second lieu, si l'association " Les riverains et les amis de Béner " et autres allèguent également que le projet n'est pas compatible avec l'objectif spécifique n°1 du PAGD du SAGE du bassin de l'Huisne approuvé en 2009 qui prévoit la nécessité " d'améliorer la qualité, sécuriser et optimiser quantitativement la ressource en eau ", cet objectif a été repris dans le SAGE approuvé en 2018. Selon la disposition n°13 destinée à sécuriser les prises d'eau de l'Epau et de la Ferté-Bernard prise au titre de l'objectif prioritaire " Optimiser quantitativement la ressource en eau " : " Afin de réduire les risques de pollutions (accidentelles) et d'assurer l'approvisionnement en eau aux consommateurs desservis, les prises d'eau superficielles de l'Épau (située sur la commune d'Yvré-L'Evêque) et de La Ferté-Bernard sont à sécuriser. Les moyens peuvent être de mettre en place des sources de substitution pour répondre à un besoin supplémentaire ou ponctuel (nouveaux captages AEP, interconnexions de réseaux AEP, réhabilitation d'usine de traitement des eaux, bassin de stockage d'eaux brutes) et améliorer le processus de traitement des eaux brutes ".

17. Il résulte du document d'incidences que les ouvrages ont été conçus en tenant compte de la proximité du captage d'alimentation en eau potable de l'Epau. Ainsi, il est notamment prévu d'équiper les deux exutoires de rejet dans les réseaux de la communauté urbaine Le Mans Métropole d'un débourbeur déshuileur et d'installer différents systèmes de sécurité, qui sont détaillés aux pages 119 et suivantes du document, en cas de déversements accidentels. Selon le rapport établi par le service instructeur devant le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) du 25 août 2016, les incidences potentielles du projet sur la qualité des eaux concernent principalement les eaux superficielles dès lors que, s'agissant des réseaux d'eaux usées ou d'eaux pluviales, des ouvrages de rétention et de gestion qualitative des eaux pluviales sont prévus pour éviter que tout écoulement polluant rejoigne ces réseaux. Ce rapport conclut s'agissant des incidences potentielles du projet en phase d'exploitation, et des mesures réductrices d'impact que " Les risques de pollutions chroniques ou accidentelles en phase d'exploitation apparaissent correctement maîtrisés par la structure du dispositif de gestion des eaux pluviales, et notamment par la succession de quatre (tous bassins de rétention) à cinq (bassin de rétention en relation avec le projet de station-service) dispositifs de sécurité en chaîne ".

18. Par ailleurs, l'arrêté préfectoral contient diverses prescriptions permettant d'assurer la protection de la ressource en eau en réglementant le dimensionnement et les caractéristiques des dix-huit bassins de rétention qui devront, chacun, comprendre un dessableur en amont, deux vannes murales en entrée du dessableur pour permettre de placer en tant que de besoin l'ouvrage dans une fonction de confinement et de détourner les eaux pluviales vers un réseau by-pass, ainsi qu'une vanne murale en sortie pour assurer en tant que de besoin le confinement des eaux collectées dans l'ouvrage. Outre ce dispositif, l'article 8 prévoit, en sus, différentes prescriptions afin de prévenir les risques de pollutions chroniques ou accidentelles en équipant les installations devant s'implanter sur l'unité de gestion n°15 du bassin versant Ouest d'un dispositif de prétraitement des eaux issues d'une station de lavage, d'un décanteur-séparateur d'hydrocarbures muni d'un dispositif d'obturation automatique et en mettant en place un ensemble de quatre débourbeurs-déshuileurs, munis de vannes d'obturation automatiques, à l'aval du réseau de collecte issu des bassins de rétention. Selon l'article 21 de l'arrêté, en cas d'incendie ou de déversement accidentel, les vannes de fermetures présentes en aval des ouvrages de rétention doivent permettre de stocker les eaux polluées en stoppant les rejets vers le réseau d'eaux pluviales de la communauté urbaine Le Mans Métropole. Enfin, lors de l'instruction de la demande, les services de la direction départementale des territoires ont estimé qu'il n'existait pas, pour les zones d'habitation, de problème de vulnérabilité aux inondations lié au développement du projet.

19. Dans ces conditions, les requérants n'établissent pas l'insuffisance de ces mesures prises dans leur ensemble, lesquelles constituent un dispositif de sécurité en chaîne, pour assurer la protection de la ressource en eau. En particulier, ils ne sauraient utilement opposer le courrier de l'agence régionale de santé du 19 février 2016 faisant état de ce que malgré les dispositions envisagées par le pétitionnaire pour limiter le risque de pollution de l'Huisne, une probabilité d'efficacité insuffisante, même très exceptionnelle, ne peut être écartée dès lors que ce service, au vu " des précisions apportées et engagements attendus " a émis un avis favorable au projet sous réserve de l'engagement du président du Mans Métropole sur deux points, le premier sur la conduite de l'actualisation des études de vulnérabilité, actée par arrêté préfectoral du 10 décembre 2015, le second sur la mise en oeuvre de démarches en vue de la création d'une retenue d'eau brute. La circonstance que le second engagement n'aurait pas été tenu est sans incidence pour apprécier l'impact du projet conduit par la SNC Bénermans sur la qualité de la ressource en eau au niveau de la prise d'eau de l'Epau dès lors, et ainsi qu'il résulte du rapport de la commission d'enquête, que cette réserve concerne, en réalité, un projet ancien relevant de la compétence de la communauté urbaine Le Mans Métropole et destinée à compléter l'autonomie en eau potable de l'agglomération mancelle qui passerait ainsi de 36 heure à 72 heures. La commission d'enquête, après avoir indiqué que " la réalisation ou non d'une réserve d'eau brute n'interfère d'aucune manière sur le projet de création d'une zone commerciale à Béner " a, en outre, relevé que " le projet est suffisamment sécurisé et qu'il ne met pas en danger la qualité de l'eau de consommation ". Au surplus, et conformément à l'avis de l'agence régionale de santé, la communauté urbaine a engagé les premières démarches dès le 30 juin 2016, date de la délibération du conseil communautaire qui a autorisé son président à solliciter une subvention auprès de l'Agence de l'Eau pour créer la réserve d'eau brute. Par ailleurs, par un arrêté du 6 juin 2018, publié au recueil des actes administratifs n°42 de juin 2018, le préfet de la Sarthe a accordé à la communauté urbaine Le Mans Métropole un délai supplémentaire de six ans pour réaliser la création d'un plan d'eau d'une réserve d'eau brute sur le site de l'Arche de la Nature afin d'assurer la sécurisation de l'alimentation en eau brute de l'usine de l'Epau par la prise d'eau dans l'Huisne suite à l'avis favorable émis par le conseil communautaire suivant une délibération du 25 janvier 2018 et l'engagement de son président à mettre notamment en oeuvre les mesures préconisées par l'étude de vulnérabilité et d'évaluation des risques de pollution de la prise d'eau de l'Epau sur l'Huisne, dans les communes d'Yvré-L'Evêque et du Mans, réalisée par le bureau d'études Lithologie de mars à juillet 2017. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que le projet serait incompatible avec le PAGD du SAGE du bassin de l'Huisne dans sa rédaction applicable à la date du présent arrêt en ce qui concerne la préservation de la ressource en eau.

20. Il résulte de tout ce qui précède que l'association " Les riverains et les amis de Béner " et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'association " Les riverains et les amis de Béner " et autres demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'association " Les riverains et les amis de Béner " et autres la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SNC Bénermans et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association " Les riverains et les amis de Béner " et autres est rejetée.

Article 2 : L'association " Les riverains et les amis de Béner " et autres verseront à la SNC Bénermans la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Les riverains et les amis de Béner ", M. E... C..., M. D... B..., au ministre de la Transition écologique et solidaire et à la SNC Bénermans.

Copie en sera adressée pour son information au préfet de la Sarthe et au président de la communauté urbaine Le Mans Métropole.

Délibéré après l'audience du 23 février 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président,

- Mme Douet, président-assesseur,

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2021.

Le rapporteur,

M. G...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de la Transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

2

N°20NT00988


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00988
Date de la décision : 19/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : DUBREUIL

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-03-19;20nt00988 ?
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