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12/04/2021 | FRANCE | N°20NT00948

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 12 avril 2021, 20NT00948


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Vert Marine a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner Lorient Agglomération à lui verser une somme de 100 389 euros hors taxes, augmentée des intérêts de droit à compter du 12 mai 2017 et de leur capitalisation, au titre des surconsommations électriques observées pour les années 2013 à 2016 dans le cadre de l'exploitation de la patinoire du Scorff, située à Lanester.

Par un jugement n° 1704038 du 16 janvier 2020, le tribunal administratif de Rennes a condamné Lori

ent Agglomération à payer une somme de 41 000 euros au titre du préjudice subi par la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Vert Marine a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner Lorient Agglomération à lui verser une somme de 100 389 euros hors taxes, augmentée des intérêts de droit à compter du 12 mai 2017 et de leur capitalisation, au titre des surconsommations électriques observées pour les années 2013 à 2016 dans le cadre de l'exploitation de la patinoire du Scorff, située à Lanester.

Par un jugement n° 1704038 du 16 janvier 2020, le tribunal administratif de Rennes a condamné Lorient Agglomération à payer une somme de 41 000 euros au titre du préjudice subi par la société Vert Marine, avec intérêts à compter du 11 septembre 2017 et anatocisme.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 mars et 20 novembre 2020, la communauté d'agglomération Lorient Agglomération, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 janvier 2020 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de rejeter la demande de la société Vert Marine ;

3°) de condamner la société Vert Marine à lui restituer la somme de 43 419,60 euros ;

4°) de mettre à la charge de la société Vert Marine la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé au regard de son moyen tiré de ce que le changement de système de production frigorifique n'a pas excédé la mise en oeuvre des articles 11 et 14 de la convention de délégation de service public la liant à Vert Marine ;

- le jugement inverse la charge de la preuve en retenant qu'il appartenait à Lorient Agglomération de démontrer que le nouvel équipement de production frigorifique était le seul susceptible de répondre aux exigences réglementaires et si une alternative moins énergivore était possible, alors que les parties ne l'avaient pas demandé, et qu'il appartenait à la société exploitante de démontrer si un éventuel système différent aurait été plus adapté ; en tout état de cause le système installé est pertinent et usuel dans les patinoires françaises ;

- l'installation du nouvel équipement s'imposait afin de respecter la réglementation applicable au 1er janvier 2015, et était prévue ; elle ne s'analyse alors pas comme une modification unilatérale de la convention ; la société exploitante a été associée à ce changement ;

- l'audit énergétique de la société H3C explique l'augmentation de la consommation d'électricité observée (hausse de la fréquentation, conditions d'exploitation, influence climatique), expose qu'il a également permis la réalisation d'économies de gaz et que d'autres économies à l'initiative de la société Vert Marine étaient possibles ;

- les conclusions indemnitaires de la société Vert Marine sont irrecevables en tant qu'elles sont fondées sur la responsabilité pour faute de Lorient Agglomération dès lors que tardives elles procèdent d'un fondement juridique distinct de celui soulevé dans la requête d'appel et sont incohérentes avec la demande finale de cette société tendant à la confirmation du jugement en ce qu'il admet la responsabilité de Lorient Agglomération ; si ses conclusions indemnitaires devaient être examinées au regard de la responsabilité pour faute, elles seront rejetées dès lors que l'article 30 de la convention de délégation ne lui ouvre pas de droit à une indemnisation et que l'économie générale de cette convention n'a pas été modifiée par les travaux réalisés en 2012 ; le lien de causalité n'est pas établi entre la méconnaissance de l'article 30 de la convention et les préjudices invoqués ;

- les conclusions indemnitaires présentées sur le fondement de la responsabilité sans faute seront écartées ; Lorient agglomération n'a pas fait usage de son pouvoir unilatéral de modification du contrat dès lors que la réglementation lui a imposé un changement d'équipement, qu'elle a pris en charge financièrement, sans contestation de la part de la société Vert Marine ; le préjudice allégué n'est pas établi en l'absence de déséquilibre financier de la convention consécutif aux travaux de 2012.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 octobre et 10 décembre 2020, la société Vert Marine, représentée par Me A..., demandé à la cour :

1°) de rejeter la requête de Lorient Agglomération ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du 16 janvier 2020 en tant qu'il limite le montant de son indemnisation à 41 000 euros, pour le porter à 100 389 euros HT, avec intérêts à compter du 12 mai 2017 et capitalisation et, à tout le moins à 81 806,37 euros HT ;

3°) de mettre à la charge de Lorient Agglomération une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par Lorient Agglomération pour obtenir l'annulation du jugement ne sont pas fondés ;

- la responsabilité de Lorient agglomération est engagée tant sur le terrain de la responsabilité contractuelle, au regard de l'article 30 de la convention de délégation de service public, qu'au titre de la responsabilité sans faute en raison d'une rupture de l'équilibre financier du contrat ;

- elle a droit à être indemnisée à hauteur de 100 389 euros HT des surconsommations électriques nées du changement d'équipement de production frigorifique ; si des réfactions devaient être décidées au titre de l'évolution de la fréquentation de la patinoire, des conditions de son exploitation, ainsi qu'en raison d'une économie en gaz permise par la nouvelle installation, le préjudice indemnisable serait alors de 81 806,37 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant Lorient Agglomération.

Considérant ce qui suit :

1. Le 24 décembre 2009, la communauté d'agglomération du pays de Lorient a confié, pour une durée de sept ans, par une convention de délégation de service public, la gestion, l'exploitation et l'animation de la patinoire du Scorff, située à Lanester, à la société Vert Marine. Après une période de fermeture imposée au délégataire du 24 juin au 5 octobre 2012 afin de permettre la réalisation d'importants travaux de rénovation des installations, la société Vert Marine a constaté que le fonctionnement de la nouvelle installation de production de froid générait une surconsommation d'électricité. Par lettre du 21 octobre 2013, la société Vert Marine a exposé à Lorient Agglomération, nouvelle dénomination de la communauté d'agglomération contractante, le bilan des consommations énergétiques depuis la réouverture au public de la patinoire ainsi que la nécessité où elle s'est trouvée de souscrire un contrat de maintenance avec la société Axima, compte tenu du caractère spécialisé de l'entretien du nouvel équipement. Par courrier du 10 mai 2017, la société Vert Marine a alors sollicité de Lorient Agglomération l'indemnisation du préjudice subi en raison des surconsommations électriques constatées, pour un coût estimé de 100 389 euros hors taxes. Le 10 juillet 2017, le président de la communauté d'agglomération a refusé de faire droit à cette demande. La société Vert Marine a alors demandé au tribunal administratif de Rennes la condamnation de Lorient Agglomération à lui verser cette somme avec intérêts et capitalisation. Par un jugement du 16 janvier 2020, dont il est relevé appel, le tribunal administratif de Rennes a condamné Lorient Agglomération à verser une somme de 41 000 euros au titre du préjudice subi par la société Vert Marine, avec intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2017 et capitalisation. La société Vert Marine demande, par des conclusions d'appel incident, la réformation de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande indemnitaire à hauteur de 100 389 euros HT, ou à tout le moins de 81 806,37 euros HT.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, l'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ".

3. Le jugement attaqué retient, en ses points 5 et 6, que la responsabilité contractuelle sans faute de Lorient Agglomération est engagée au cas d'espèce dès lors que si la communauté d'agglomération a procédé à une modification unilatérale du contrat qui la liait à la société Vert Marine, en apportant des modifications aux installations techniques de la patinoire afin notamment de prendre en compte l'évolution de la réglementation applicable en matière de fluides frigorigènes, elle devait assurer le maintien de l'équilibre financier du contrat. Les premiers juges n'étaient par ailleurs pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments présentés. Il en va ainsi de l'argument présenté en défense par Lorient Agglomération tiré de ce que, compte-tenu de l'article 11 du contrat qui stipule que " Le délégataire est tenu d'utiliser les biens et équipements d'exploitation conformément à la réglementation en vigueur, présente et à venir, notamment en matière d'hygiène, de sécurité de bruit et d'environnement. ", la collectivité publique n'a fait qu'appliquer les clauses du contrat. Au demeurant, la stipulation citée n'a de portée qu'à l'égard du délégataire et des conditions dans lesquels il doit utiliser les biens de la collectivité. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement manque en fait et doit être écarté.

4. En deuxième lieu, Lorient Agglomération invoque l'irrégularité du jugement contesté au motif qu'il lui oppose, en son point 6, le fait qu'elle n'apporte pas la preuve que le dispositif de production de froid installé en 2012 était le seul susceptible de répondre aux nouvelles exigences réglementaires et que seule une solution technique plus énergivore était susceptible d'être retenue, alors que cela ne lui avait pas été opposé en défense par la société Vert Marine. Cependant, les éléments de cette réponse apportée par les premiers juges à l'argumentaire de Lorient Agglomération résultent des pièces présentes au dossier. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient ainsi méconnu leur office.

5. En troisième lieu, si Lorient Agglomération poursuit en soutenant que cette même réponse des premiers juges à son argumentaire renverse la charge de la preuve, cette appréciation affecte le bien-fondé de la décision juridictionnelle contestée et non sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions d'appel principal :

6. Aux termes de l'article 1er de la convention de délégation de service public conclue le 24 décembre 2009 entre la communauté du pays de Lorient, devenue Lorient Agglomération, et la société Vert Marine : " La présente convention a pour objet de confier à la société Vert Marine, l'exploitation, la gestion et l'animation de la patinoire du Scorff sise sur la commune de Lanester, ainsi que d'en promouvoir l'activité auprès d'une clientèle diversifiée. " et il résulte de l'article 2 du même contrat que : " Pour l'exercice de sa mission, le délégataire utilise les ouvrages et biens d'exploitation affectés au service (...) décrits à l'article 4 de la présente convention. ". Aux termes de cet article 4 : " Cap l'Orient agglomération met à la disposition du délégataire, qui en assume la responsabilité, l'ensemble des équipements nécessaires à l'exploitation et notamment (...) du matériel : les agencements froids et production de glace, les matériels et équipements de la patinoire. (... ) ". Enfin, aux termes de l'article 11 de la même convention : " Cap l'Orient agglomération met à la disposition du délégataire tous les biens meubles et immeubles nécessaires à l'exploitation du service. / Cap l'Orient agglomération assure le financement des biens meubles et immeubles nécessaires à l'exploitation du service, que ce soit à titre de renouvellement, de grosses réparation ou d'extension. (...) / Le délégataire est tenu d'utiliser les biens et équipements d'exploitation conformément à la réglementation en vigueur, présente et à venir, notamment en matière d'hygiène, de sécurité de bruit et d'environnement. Il est personnellement chargé de leur fonctionnement et de leur entretien (...) ".

7. En vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique peut apporter unilatéralement dans l'intérêt général des modifications à ses contrats et notamment aux modalités d'exploitation des services publics objets du contrat. Le cocontractant, tenu de respecter ses obligations contractuelles ainsi modifiées, a alors droit au maintien de l'équilibre financier de son contrat.

8. En premier lieu, il est constant, d'une part, qu'en raison de la modification de la réglementation communautaire interdisant à compter du 1er janvier 2015 le stockage des hydrochlorofluorocarbures, jusqu'alors utilisés comme fluides frigorigènes dans les équipements de réfrigération et de climatisation, Lorient Agglomération a modifié substantiellement en 2012 les équipements de production de froid de la patinoire du Scorff, désignés contractuellement par l'article 4 de la convention de délégation de service public comme un équipement nécessaire à son exploitation. Une telle modification lui incombait en application de l'alinéa 2 de l'article 11, cité au point précédent, de la même convention. Et il ne résulte pas des autres stipulations de ce contrat, notamment pas de l'alinéa 3 de ce même article 11 qui a uniquement trait aux obligations du délégataire en matière d'utilisation des équipements, que contractuellement une telle évolution des conditions d'exploitation de la patinoire aurait été prévue. A cet égard, Lorient Agglomération ne peut davantage utilement se prévaloir du caractère public de l'interdiction future, envisagée dès 2007, de l'utilisation des hydrochlorofluorocarbures. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que si la société Vert Marine a pu être consultée sur le choix du nouveau dispositif de refroidissement, elle aurait elle-même décidé cette modification. Par suite, le remplacement du système de réfrigération de la patinoire par un dispositif ne nécessitant pas d'hydrochlorofluorocarbures s'analyse comme une modification unilatérale de certaines modalités d'exécution du contrat effectuée par l'autorité délégante.

9. En deuxième lieu, Lorient Agglomération soutient que le changement de dispositif de réfrigération est resté sans incidence sur l'équilibre financier du contrat dès lors qu'il n'explique pas, même partiellement, les augmentations substantielles de consommation d'électricité observées dans l'établissement à partir de 2013 et que, par ailleurs, le nouveau dispositif a permis la réalisation d'économies d'énergie par la société Vert Marine. Il résulte toutefois de l'audit énergétique établi en 2015 par une société spécialisée, à la demande de Lorient Agglomération, qu'a effectivement été constatée une augmentation de la consommation d'électricité postérieurement aux travaux effectués en 2012. Il résulte de ce même rapport que cette augmentation trouve son origine pour 82 % dans la modification de l'installation de production de froid, notamment en raison de l'installation de nouveaux compresseurs servant à la production frigorifique, consommant davantage d'électricité, et d'un " nombre important de pompes de fortes puissances " utilisées en continu comme auxiliaires de froid. Par ailleurs, si les modifications apportées au dispositif de production de froid mais également d'alimentation en eau chaude de la patinoire par Lorient Agglomération ont aussi permis des économies de consommation d'énergie, il ne résulte pas de l'instruction que celles-ci auraient compensé l'augmentation observée de la dépense d'électricité. Enfin la circonstance que la société Vert Marine a connu une évolution positive de son résultat net après 2012 est sans incidence sur l'appréciation à porter sur le maintien de l'équilibre financier du contrat tel qu'il existait à la date de sa conclusion. En conséquence, c'est à bon droit que le jugement attaqué retient que l'équilibre financier de la convention signée en 2009 a été modifié en conséquence de l'installation d'un nouveau système de production du froid en 2012 et que, par suite, la responsabilité de Lorient Agglomération sur le fondement de la responsabilité sans faute est engagée.

10. En troisième lieu, la société Vert Marine a estimé son préjudice lié à l'augmentation de la consommation d'électricité à compter des travaux effectués en 2012 à 100 389 euros HT, par référence à la différence entre la consommation d'électricité constatée de 2008 à 2011 et celle de la période de 2013 à 2016, et en appliquant un prix moyen unitaire du kilowattheure. Le tribunal administratif de Rennes a, en procédant à " une juste appréciation ", limité l'indemnisation allouée à 41 000 euros après avoir également identifié, outre les conséquences de l'installation du nouveau système de production de froid, d'autres motifs de la consommation d'électricité supplémentaire observée après 2012, tels que l'augmentation de la fréquentation de la patinoire ou l'existence d'étés plus chaud, et en tenant compte, pour un montant de 613 euros, de l'économie de dépense de gaz par la délégataire née de l'installation en 2013 d'une chaudière à condensation. Ainsi que le soutient Lorient Agglomération il convient également de prendre en compte comme élément d'explication de la consommation accrue d'électricité après 2012, à l'instar des conclusions de l'audit énergétique effectué en 2015 et pour 7 % de cette hausse, les conditions d'exploitation de la patinoire, tenant à la température de la glace, son épaisseur et son surfaçage. Par ailleurs, le même rapport d'audit établit que, sans investissements supplémentaires, divers réglages, dont la société délégataire a la responsabilité, étaient de nature à réduire significativement les consommations énergétiques de l'établissement en agissant sur les consignes d'ambiance de la halle de patinage, en particulier le taux d'humidité dans l'établissement, la ventilation des zones annexes ou l'utilisation des pompes générant le système de récupération de chaleur en hiver. En revanche l'instruction ne révèle pas une insuffisance de maintenance des équipements destinés à produire du froid pouvant expliquer l'augmentation observée de la consommation d'électricité à compter de 2013, alors même que le nouveau délégataire de la convention aurait fait valoir des manquements dans l'entretien des compresseurs frigorifiques. Du reste, à compter de 2014, la société Vert Marine a souscrit un contrat de maintenance des équipements intégrant une aide à l'optimisation et à la réduction des consommations d'électricité.

11. Dans ces conditions, si Lorient Agglomération est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes n'a pas pris en compte dans son appréciation du calcul du préjudice subi par la société Vert Marine les conditions d'exploitation de la patinoire comme cause de l'augmentation de la consommation d'électricité ainsi que diverses économies qui pouvaient résulter des réglages cités relevant de sa responsabilité, il résulte de l'instruction que ces éléments n'entrainent pas pour autant une réduction de l'indemnisation du préjudice de la société Vert Marine accordée par les premiers juges. En effet celle-ci est inférieure de 50 % à l'indemnisation sollicitée et justifiée par la société Vert Marine, alors même que le rapport d'audit de 2015 fixait à 82 % la part d'augmentation de la consommation d'électricité observée après 2012 liée à la seule modification de l'installation de production de froid intervenue en 2012. Par suite, les conclusions de Lorient Agglomération tendant à être déchargée de l'obligation d'indemniser la société Vert Marine pour un montant de 41 000 euros avec intérêts et capitalisation, ainsi que par conséquent et en tout état de cause celles tendant à obtenir le remboursement de cette somme, ne peuvent qu'être rejetées.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Lorient Agglomération n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à verser une somme de 41 000 euros à la société Vert Marine, avec intérêts à compter du 11 septembre 2017 et capitalisation de ces intérêts.

En ce qui concerne les conclusions d'appel incident de la société Vert Marine :

S'agissant de la recevabilité des conclusions d'appel incident :

13. Si la société Vert Marine conteste le fondement juridique retenu par les premiers juges pour faire droit à sa demande indemnitaire, elle ne présente cependant pas de conclusions tendant à l'annulation du dispositif de ce jugement pour ce motif. Du reste, ce dispositif fait droit, sur le principe, à sa demande indemnitaire. Par suite, une telle contestation de ce jugement pour ce motif ne peut qu'être écartée.

S'agissant du montant de l'indemnisation :

14. La société Vert Marine sollicite la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a limité à 41 000 euros le montant de l'indemnité qui lui a été accordée afin d'indemniser son préjudice né de l'accroissement de sa consommation électrique à la suite de la modification apportée par l'autorité délégante au dispositif de refroidissement de la patinoire du Scorff. D'une part, ainsi qu'il a été exposé au point 10, le préjudice financier global de cette société peut être estimé à 100 389 euros HT. D'autre part, il résulte du rapport d'audit énergétique réalisé en 2015 que pour 82 % cette augmentation de la consommation électrique trouve son origine dans la seule modification des installations réalisée en 2012 par Lorient Agglomération, le surplus s'expliquant par d'autres facteurs tels que l'augmentation de la fréquentation ultérieure de la patinoire et les conditions d'exploitation de l'établissement au regard de la température de la glace, son épaisseur et son surfaçage. Cependant, il convient également, comme le relève ce même rapport mais sans le quantifier, de prendre en compte les circonstances climatiques qui ont pu, l'été, provoquer une augmentation de la consommation électrique du dispositif de réfrigération. De même, il résulte de l'instruction que, sans investissements supplémentaires, divers réglages, dont la société délégataire avait seule la responsabilité, étaient de nature à réduire significativement les consommations énergétiques en agissant sur les consignes d'ambiance de la halle de patinage, en particulier son taux d'humidité, la ventilation des zones annexes ou l'utilisation des pompes générant le système de récupération de chaleur en hiver. Enfin, il n'est pas contesté que les modifications apportées également par Lorient Agglomération au dispositif de chauffage de l'eau de l'établissement ont généré des économies sur la consommation énergétique totale. Par suite, il sera fait une juste appréciation du montant du préjudice économique indemnisable de la société Vert Marine à compter de 2013 en portant celui-ci à la somme de 70 000 euros et en réformant en conséquence partiellement le jugement attaqué.

15. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2017, date d'enregistrement de la demande de la société devant le tribunal administratif de Rennes, et ces intérêts devront être capitalisés au 11 septembre 2018 ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil.

Sur les frais d'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par Lorient Agglomération. En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Lorient Agglomération, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Vert Marine.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la communauté d'agglomération Lorient Agglomération est rejetée.

Article 2 : L'indemnité de 41 000 euros que Lorient Agglomération a été condamnée à verser à la société Vert Marine par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Rennes du 16 janvier 2020 est portée à 70 000 euros. Cette somme portera intérêts à compter du 11 septembre 2017. Les intérêts échus à la date du 11 septembre 2018, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés.

Article 3 : Le jugement n° 1704038 du tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : Lorient Agglomération versera à la société Vert Marine une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions d'appel incident de la société Vert Marine est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération Lorient Agglomération et à la société Vert Marine.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition le 12 avril 2021.

Le rapporteur,

C. B...

Le président,

L. Lainé

La greffière,

S. Levant

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT00948


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00948
Date de la décision : 12/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : BOYER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-04-12;20nt00948 ?
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