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26/05/2021 | FRANCE | N°20NT01318

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 26 mai 2021, 20NT01318


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours préalable qu'il a formé à l'encontre de la décision du 25 janvier 2017 du préfet de la Seine-Saint-Denis rejetant sa demande de naturalisation, ainsi que la décision expresse du 5 janvier 2018 du ministre.

Par un jugement n°1708481 du 11 février 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête et un mémoire, enregistrés les 10 avril et 29 juin 2020, M. C..., représenté par Me Co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours préalable qu'il a formé à l'encontre de la décision du 25 janvier 2017 du préfet de la Seine-Saint-Denis rejetant sa demande de naturalisation, ainsi que la décision expresse du 5 janvier 2018 du ministre.

Par un jugement n°1708481 du 11 février 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 avril et 29 juin 2020, M. C..., représenté par Me Comte, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 5 janvier 2018 du ministre de l'intérieur rejetant sa demande de naturalisation ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui accorder la nationalité française dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, au besoin sous astreinte, à défaut, d'enjoindre au ministre de réexaminer sa demande de naturalisation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. C... soutient que :

- les premiers juges n'ont pas répondu aux moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation découlant de ce que l'administration n'avait pas pris en compte certains éléments de renseignement qui lui étaient favorables ;

- la décision du 5 janvier 2018 du ministre est insuffisamment motivée ; elle ne répond pas aux exigences des circulaires ministérielles du 12 mai 2000 relative aux naturalisations, réintégrations dans la nationalité française et perte de la nationalité française et du 27 juillet 2010 relative à la déconcentration de la procédure d'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique ; l'administration refuse de verser à la procédure la note des services sur laquelle elle se fonde de sorte que le contenu de cette note ne peut pas être valablement débattu entre les parties et a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 11 février 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. C..., ressortissant algérien, tendant à l'annulation de la décision du 5 janvier 2018 du ministre de l'intérieur rejetant sa demande de naturalisation. M. C... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Pour rejeter la demande de M. C..., les premiers juges se sont fondés sur ce que l'intéressé ne contestait pas la réalité de son engagement militant au sein de l'association " Rachad ", qu'il n'établissait pas que la décision litigieuse reposerait, en ce qui concerne son engagement politique, sur des faits matériellement inexacts. Ils ont jugé que, " compte tenu de son engagement et de son implication dans une formation revendiquant un rôle politique en Algérie, et en dépit de ses attaches familiales, personnelles et professionnelles en France et de la circonstance qu'il a bénéficié du statut de réfugié à deux reprises, en 2003 et 2012 ", le ministre de l'intérieur n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en rejetant sa demande de naturalisation. Par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, le tribunal administratif de Nantes, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de ce que la décision du ministre était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 27 du code civil : " Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande d'acquisition, de naturalisation ou de réintégration par décret ainsi qu'une autorisation de perdre la nationalité française doit être motivée. ".

4. La décision contestée du 5 janvier 2018 vise les articles 45 et 48 du décret du 30 décembre 1993. Elle précise qu'il ressort de l'enquête menée par les services spécialisés de sécurité que " l'intéressé est militant au sein du mouvement d'opposition algérien d'inspiration islamiste Rachad " et qu'il est établi qu'il entretient depuis 2016 des liens avec des membres des services spéciaux algériens à qui il transmet des renseignements. Dans ces conditions, le ministre a énoncé avec suffisamment de précisions les circonstances de droit et de fait sur lesquelles il s'est fondé pour prendre sa décision. M. C... ne peut utilement se prévaloir des énonciations très générales, sur la motivation, contenues dans les circulaires ministérielles du 12 mai 2000 relative aux naturalisations, réintégrations dans la nationalité française et perte de la nationalité française et du 27 juillet 2010 relative à la déconcentration de la procédure d'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique, lesquelles n'ont pas un caractère impératif ni ne présentent le caractère de lignes directrices. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision manque en fait et doit être écarté.

5. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". En vertu de l'article 27 du même code, l'administration a le pouvoir de rejeter ou d'ajourner une demande de naturalisation. En application de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " (...) Lorsque les conditions requises par la loi sont remplies, le ministre chargé des naturalisations propose, s'il y a lieu, la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française. (...) / Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande (...) ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement général du postulant.

6. Pour rejeter la demande de naturalisation présentée par M. C..., le ministre de l'intérieur s'est fondé, ainsi qu'il a été dit, sur ce qu'il ressortait de l'enquête menée par les services spécialisés de sécurité que l'intéressé était militant au sein du mouvement d'opposition algérien d'inspiration islamiste " Rachad " et qu'il était, par ailleurs, établi qu'il entretenait depuis 2016 des liens avec des membres des services spéciaux algériens à qui il transmettait des renseignements.

7. Il ressort des pièces du dossier, notamment des énonciations de la note blanche, suffisamment étayée, qui a été versée au contradictoire, que l'intéressé est militant au sein du mouvement d'opposition algérien d'inspiration islamiste Rachad " et qu'il est établi " qu'il entretient depuis 2016 des liens avec des membres des services spéciaux algériens à qui il transmet des renseignements ". Si M. C... conteste entretenir depuis 2016 des liens avec des membres des services spéciaux algériens, il admet qu'après avoir cessé pendant quelques années d'exercer des activités politiques, il les a reprises à la fin de l'année 2011 en particulier au sein de l'association " Rachad " qui constituerait selon lui un rassemblement d'opposition au pouvoir algérien. Il précise également avoir été désigné, entre décembre 2011 et décembre 2012, comme responsable média et communication de cette association et avoir provisoirement développé une activité télévisuelle centrée sur le mouvement dit des " printemps arabes ". Dans ces conditions et alors même qu'il est le père de deux enfants nés en France, que ses parents sont en France et que sa mère a obtenu la nationalité française, qu'il a bénéficié du statut de réfugié à deux reprises, en 2003 et 2012, et que, selon ses allégations, il serait bien inséré professionnellement, le ministre de l'intérieur, qui détient un large pouvoir pour apprécier l'opportunité d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite, a pu, sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, rejeter la demande de naturalisation de M. C... pour le motif rappelé au point précédent.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande de naturalisation, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 23 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme B..., présidente-assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mai 2021.

Le rapporteur,

C. B...Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT01318


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01318
Date de la décision : 26/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : COMTE ANTOINE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-05-26;20nt01318 ?
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