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28/05/2021 | FRANCE | N°21NT00118

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 28 mai 2021, 21NT00118


Vu la procédure suivante :

Mme E... B... et M. F... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 6 mai 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision prise le 19 février 2020 par les autorités consulaires françaises à Alger (Algérie), refusant de délivrer à M. F... D... un visa de long séjour en qualité de parent étranger d'enfant français.

Par un jugement n° 2005308 du 21 décembre 2020, le tribunal administratif de

Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un...

Vu la procédure suivante :

Mme E... B... et M. F... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 6 mai 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision prise le 19 février 2020 par les autorités consulaires françaises à Alger (Algérie), refusant de délivrer à M. F... D... un visa de long séjour en qualité de parent étranger d'enfant français.

Par un jugement n° 2005308 du 21 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 janvier 2021 et le 6 mai 2021, M. F... D..., représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

­ la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est entachée d'une erreur de droit dès lors que pour refuser de lui délivrer un visa, il ne peut lui être opposé les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la situation des ressortissants algériens étant entièrement régie par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifiée ;

­ elle a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant dès lors qu'elle l'empêche de pouvoir se rapprocher de son enfant et de reconstituer sa cellule familiale en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. D... n'est fondé en s'en rapportant, notamment, à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu

­ la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

­ la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

­ l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

­ le code civil ;

­ le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien né le 12 novembre 1989 à Tizi-Ouzou (Algérie), relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 décembre 2020 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite, née le 6 mai 2020, par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 19 février 2020 des autorités consulaires françaises à Alger (Algérie) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de parent étranger d'un enfant français.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. La délivrance du visa de long séjour a été refusée par l'autorité consulaire au motif que les informations communiquées pour justifier des conditions du séjour étaient incomplètes et/ou non fiables. Le recours administratif préalable obligatoire formé contre cette décision a été implicitement rejeté par la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France. La commission de recours doit être regardée comme s'étant appropriée le motif retenu par cette autorité. Il ressort toutefois des écritures de première instance du ministre de l'intérieur que pour refuser de délivrer à M. D... le visa qu'il sollicitait en qualité de père d'une enfant mineure française, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce que l'intéressé ne contribuait pas à l'entretien et à l'éducation de son enfant.

3. En premier lieu, les dispositions de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles n'ouvrent aucun droit à la délivrance d'un visa de long séjour aux parents d'enfants français. Dès lors, M. D... ne saurait utilement soutenir que la commission de recours aurait commis une erreur de droit en ne fondant pas sa décision sur cet accord.

4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

5. En vertu de l'article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. Il suit de là qu'il appartient seulement à l'autorité administrative d'apprécier compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des ressources de chacun des deux parents et des besoins de l'enfant, la contribution financière de l'intéressé à l'entretien de son enfant français et son implication dans son éducation. Il ressort des pièces du dossier que M. D... vit en Algérie alors que Mme E... B..., la mère de la jeune C..., née le 5 novembre 2019 à Trappes (Yvelines), vit en France et que le couple ne s'est rencontré qu'à trois reprises : 6 jours en 2018, 8 jours du 24 février au 4 mars 2019 et 7 jours du 2 au 9 septembre 2019, soit avant la naissance de l'enfant. Il n'est pas contesté, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, que M. D..., qui est en état d'impécuniosité, ne participe pas effectivement à l'entretien de l'enfant. Il ne produit, par ailleurs, aucun élément de nature à établir qu'il contribuerait à son éducation.

6. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, alors que M. D..., ainsi qu'il vient d'être dit, ne justifie d'aucunes ressources, que Mme B... est mère de six autres enfants et perçoit un salaire mensuel net d'environ 1 434 euros complété par des prestations familiales d'un montant mensuel d'environ 2 374 euros, de sorte qu'il n'est pas établi, ni même allégué qu'elle puisse le prendre en charge.

7. De même, il ressort de ces mêmes pièces du dossier et n'est pas utilement contesté, alors que le requérant ne s'est pas caché sur les réseaux sociaux de son intention de vouloir quitter son pays, qu'il a déposé en juillet 2019 et en décembre 2019, soit peu de temps ou concomitamment à la reconnaissance de l'enfant intervenue le 23 décembre 2019, des demandes de visa auprès des autorités espagnoles et allemandes, lesquelles ont été refusées. Ainsi que le soutient le ministre, ces demandes sont de nature à rendre peu crédible le motif invoqué par le requérant devant les autorités consulaires françaises de venir s'établir en France pour rejoindre Mme B... et assurer l'entretien et l'éducation de la jeune C....

8. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... et l'enfant C... seraient dans l'impossibilité de lui rendre visite en Algérie.

9. Il suit de là que faute de justifier participer à l'entretien et à l'éducation de la jeune C... ainsi que d'avoir une relation forte avec Mme B..., ni que cette dernière puisse le prendre en charge en cas d'établissement en France, la décision contestée n'a pas portée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, ni n'a méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui conclut au rejet des conclusions à fin d'annulation de la requête, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Douet, présidente,

- M. A...'hirondel, premier conseiller,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2021.

Le rapporteur,

M. H...La présidente,

H. DOUET

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21NT00118


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00118
Date de la décision : 28/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-005-01 Étrangers. Entrée en France. Visas.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUET
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : BOUKHELIFA

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-05-28;21nt00118 ?
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