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18/06/2021 | FRANCE | N°20NT00007

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3eme chambre, 18 juin 2021, 20NT00007


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... et l'EARL Melufa ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2018 par lequel le préfet de la région Normandie a refusé à M. B... l'autorisation d'exploiter 117,98 hectares de terres situées à Longny au Perche et à Moulicent, dans l'Orne, et a délivré à Mme C... l'autorisation d'exploiter ces mêmes terres.

Par un jugement n° 1900256 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

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Par une requête enregistrée le 2 janvier 2020 M. B... et l'EARL Melufa, représentés par Me ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... et l'EARL Melufa ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2018 par lequel le préfet de la région Normandie a refusé à M. B... l'autorisation d'exploiter 117,98 hectares de terres situées à Longny au Perche et à Moulicent, dans l'Orne, et a délivré à Mme C... l'autorisation d'exploiter ces mêmes terres.

Par un jugement n° 1900256 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 janvier 2020 M. B... et l'EARL Melufa, représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 7 novembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté du 11 décembre 2018 du préfet de la région Normandie ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- en l'absence de toute consultation du préfet de l'Oise, département du siège de l'exploitation de M. B..., l'instruction de la demande déposée par celui-ci doit être regardée comme irrégulière ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- la commission départementale d'orientation de l'agriculture consultée sur la demande de M. B... était irrégulièrement composée ;

- l'EARL Melufa disposant depuis le 18 février 1999 d'une autorisation d'exploiter les terres en litige, M. B..., son associé, n'était pas soumis à autorisation d'exploiter ;

- le préfet ne pouvait légalement délivrer deux autorisations d'exploiter les mêmes terres ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation en estimant que Mme C... bénéficiait d'un rang de priorité plus favorable ;

- l'autorisation d'exploiter délivrée à Mme C... compromet la viabilité de l'exploitation de l'EARL Melufa, preneur en place.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 août 2020 le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté du 23 décembre 2015 portant schéma régional directeur de la région Basse-Normandie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'EARL Melufa, créée le 21 avril 1988, met en valeur 184,80 hectares de terres agricoles dans l'Orne. M. B..., qui exploite à titre individuel 171 hectares dans l'Oise, est devenu son unique associé le 1er octobre 2015. Le 30 mars 2018, le préfet de l'Orne a mis en demeure M. B... de régulariser sa situation en sollicitant à titre individuel l'autorisation d'exploiter les terres cultivées par l'EARL Melufa, ce que l'intéressé a fait le 15 août 2018. Par un arrêté du 11 décembre 2018, le préfet de la région Normandie n'a délivré à M. B... qu'une autorisation d'exploiter partielle, portant sur 66,82 hectares, et a autorisé Mme C... à exploiter les 117,98 hectares restants. M. B... et l'EARL Melufa ont demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 7 novembre 2019, le tribunal a rejeté leur demande. M. B... et l'EARL Melufa relèvent appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime : " Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. La constitution d'une société n'est toutefois pas soumise à autorisation préalable lorsqu'elle résulte de la transformation, sans autre modification, d'une exploitation individuelle détenue par une personne physique qui en devient l'unique associé exploitant ou lorsqu'elle résulte de l'apport d'exploitations individuelles détenues par deux époux ou deux personnes liées par un pacte civil de solidarité qui en deviennent les seuls associés exploitants ; (...) ". Selon l'article L. 331-1-1 du même code : " Pour l'application du présent chapitre : 1° Est qualifié d'exploitation agricole l'ensemble des unités de production mises en valeur, directement ou indirectement, par la même personne, quels qu'en soient le statut, la forme ou le mode d'organisation juridique, dont les activités sont mentionnées à l'article L. 311-1 ; (...) ". Enfin, l'article 4 du schéma directeur régional de la région Basse-Normandie fixe à 70 hectares le seuil à partir duquel une installation, un agrandissement ou une réunion d'exploitations est soumis à autorisation préalable.

3. Il résulte de ces dispositions que l'opération envisagée par M. B..., qui consiste en la réunion de l'exploitation de 184,80 hectares mise en valeur par l'EARL Melufa dans l'Orne avec celle de 171 hectares qu'il exploite à titre individuel dans l'Oise, était soumise à autorisation préalable alors même que l'EARL Melufa disposait déjà d'une autorisation d'exploiter délivrée le 18 février 1999. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté contesté aurait méconnu les dispositions de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime rappelées au point précédent.

4. Il ne résulte d'aucune disposition législative ni d'aucun principe que l'autorité administrative compétente ne pourrait délivrer plusieurs autorisations d'exploiter les mêmes terres agricoles. Dans cette hypothèse, la législation sur le contrôle des structures des exploitations agricoles est sans influence sur la liberté du propriétaire des terres de choisir la personne avec laquelle il conclura un bail. Le moyen tiré de ce que le préfet de la région Normandie aurait commis une erreur de droit en délivrant à Mme C... l'autorisation d'exploiter des parcelles agricoles faisant déjà l'objet de celle accordée le 18 février 1999 à l'EARL Melufa doit donc être écarté.

5. Il ressort des pièces du dossier et ne saurait être sérieusement contesté que

Mme C... en sa qualité de jeune agricultrice portant un projet d'installation bénéficiait, au regard des priorités définies par le schéma directeur régional, d'un rang de priorité supérieur à celui dont M. B... pouvait se prévaloir au titre de son projet consistant, comme il a été indiqué au point 3, en la réunion de deux exploitations agricoles. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de région aurait entaché l'arrêté contesté d'une erreur d'appréciation doit être écarté.

6. Aux termes de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : (...) 2° Lorsque l'opération compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place ; (...) ". Selon l'article 5 du schéma directeur régional de la région Basse-Normandie, le seuil de viabilité économique d'une exploitation agricole correspond à une marge brute standard de 58 573 euros par UTA (travail d'une personne à plein temps pendant une année). M. B... ne produit aucun élément permettant d'apprécier l'impact de la décision contestée sur la situation économique de son exploitation, en particulier sur son niveau de marge brute. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime doit donc être écarté.

7. Pour le surplus, M. B... et l'EARL Melufa se bornent à reprendre devant le juge d'appel les mêmes moyens et les mêmes arguments que ceux invoqués en première instance, tirés de ce que l'arrêté contesté serait insuffisamment motivé et aurait été pris à l'issue d'une instruction et d'une procédure irrégulières. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... et l'EARL Melufa ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à M. B... et à l'EARL Melufa la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... et de l'EARL Melufa est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à l'EARL Melufa et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. A..., premier conseiller,

- M. Lhirondel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2021.

Le rapporteur

E. A...La présidente

C. Brisson

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT00007


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00007
Date de la décision : 18/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : LEROUX-BOSTYN NELLY

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-18;20nt00007 ?
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