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06/07/2021 | FRANCE | N°20NT00480

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 06 juillet 2021, 20NT00480


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... épouse C... et M. Joseph Jean L... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 janvier 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé devant elle contre la décision des autorités consulaires françaises à Tananarive (Madagascar) du 25 septembre 2015 rejetant les demandes de visa de long séjour présentées par M... Marina O... et Q... R... L... E... au titre du regroupement familia

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Par un jugement no 1605391 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... épouse C... et M. Joseph Jean L... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 janvier 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé devant elle contre la décision des autorités consulaires françaises à Tananarive (Madagascar) du 25 septembre 2015 rejetant les demandes de visa de long séjour présentées par M... Marina O... et Q... R... L... E... au titre du regroupement familial.

Par un jugement no 1605391 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 février 2020, Mme G... épouse C... et M. B... A... L... E..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer les visas sollicités ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête est recevable ;

- la décision contestée méconnait les dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur d'appréciation, le lien de filiation étant établi tant par les actes d'état civil que par les éléments de possession d'état produits.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par une décision du 2 décembre 2019, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nantes a accordé à Mme G... épouse C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 55%.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bréchot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G... épouse C..., ressortissante malgache née le 9 mars 1964, est entrée en France en 2007 et a épousé M. C..., ressortissant français, en 2009. Par une décision du préfet de la Gironde du 5 août 2015, elle a obtenu le bénéfice du regroupement familial en faveur de son fils, Joseph Jean L... E..., et de sa fille, Joséphine Marina O... E..., nés respectivement le 16 février 1998 et le 2 mai 2002 d'une précédente union alléguée avec M. B... E.... Par une décision du 25 septembre 2015, les autorités consulaires françaises à Tananarive (Madagascar) ont rejeté les demandes de visa de long séjour présentées pour M... N... O... et Q... R... L... E.... Mme G... épouse C... et M. B... A... L... E..., en ce qui le concerne, ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 janvier 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre cette décision des autorités consulaires. Ils relèvent appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté leur demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Pour refuser de délivrer les visas de long séjour sollicités pour M... N... O... et Q... R... L... E..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce que l'identité des intéressés et partant leur lien de filiation allégué avec la regroupante n'étaient pas établis.

3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dernières dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

4. Lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour des motifs d'ordre public, au nombre desquels figure le défaut de valeur probante des actes de mariage ou de filiation produits.

5. Afin de justifier de son identité et de son lien de filiation avec Mme G... épouse C..., M. B... A... L... E... produit une copie intégrale en malgache de son acte de naissance no 60 dressé le 19 février 1998 par l'officier d'état civil de la commune urbaine de Nosy-Be. S'il est vrai que cette copie ne mentionne pas le nom de l'officier d'état civil ayant reçu la déclaration, à savoir M. A... H..., il est constant que le registre original d'état civil, dont des photographies prises respectivement par les autorités consulaires et les requérants sont versées au dossier, comporte la mention du nom de cet officier d'état civil. Si le compte rendu de la vérification in situ de l'acte par les autorités consulaires françaises indique que la signature de l'officier d'état civil a été imitée, cette allégation n'est pas établie pas les autres pièces du dossier, notamment les photographies du registre d'état civil. Par ailleurs, si le ministre soutient que la signature du déclarant, à savoir le père, a été imitée, la seule comparaison de cette signature faite en 1998 avec la signature de M. B... E... sur une attestation faite en 2014 ne permet pas de tenir pour établie l'imitation alléguée. Enfin, contrairement à ce que soutient le ministre, il ne ressort pas de la comparaison de l'acte original de M. B... A... L... E... et de celui de Mme J... E... que ces deux actes, établis à quatre années d'écart par deux officiers d'état civil différents, ont une calligraphie " parfaitement identique ". Dès lors, l'acte de naissance de M. B... A... L... E... ne peut être regardé comme apocryphe.

6. Afin de justifier de l'identité de Mme I... K... E... et de son lien de filiation avec Mme G... épouse C..., est produite au dossier une copie intégrale en malgache de son acte de naissance no 197 dressé le 7 mai 2002 par l'officier d'état civil de la commune urbaine de Nosy-Be. Si le compte rendu de la vérification in situ de l'acte par les autorités consulaires françaises indique que " le feuillet sur lequel se trouve l'acte est plus petit que les autres feuillets du registre, il a visiblement été rajouté ", la réalité de cette allégation n'est pas confirmée par les photographies dudit registre versé au dossier ni par aucune autre pièce. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le ministre, l'article 27 de la loi malgache 61.025 relative à l'état civil n'impose pas que la signature de l'acte de naissance par l'officier d'état civil soit apposée sur le cachet du centre d'état civil. Dès lors, la circonstance que la signature de l'officier d'état civil ait été, en l'espèce, apposée à côté de ce cachet ne permet pas de tenir pour établi que l'acte de naissance n'a pas été signé par l'officier d'état civil. Enfin, comme il a été dit, il ne ressort pas de la comparaison de l'acte original de M. B... A... L... E... et de celui de Mme J... E... que ces deux actes, établis à quatre années d'écart par deux officiers d'état civil différents, ont une calligraphie " parfaitement identique ". Dès lors, l'acte de naissance de Mme I... K... E... ne peut être regardé comme apocryphe.

7. Par conséquent, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas pu légalement retenir que l'identité de M. B... A... L... E... et de Mme I... K... E..., et partant leur lien de filiation avec la regroupante, n'étaient pas établis.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme G... épouse C... et M. B... A... L... E... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt implique, eu égard aux motifs qui le fondent, que le ministre de l'intérieur fasse droit aux demandes de visa présentées par M. B... A... L... E... et Mme I... K... E.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas de long séjour qu'ils ont sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

10. Mme G... épouse C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 55 % par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nantes en date du 2 décembre 2019. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 600 euros à verser à Mme G... épouse C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 juin 2019 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 28 janvier 2016 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de faire droit à la demande de M. B... A... L... E... et de Mme I... K... E..., tendant à se voir délivrer un visa de long séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Mme G... épouse C... la somme de 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme G... épouse C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... épouse C..., à M. Joseph Jean L... E..., Mme Joséphine Marina K... E... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2021.

Le rapporteur,

F.-X. BréchotLe président,

T. Célérier

Le greffier,

C. Goy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 20NT00480


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00480
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : CABINET PATRICIA MISSIAEN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-06;20nt00480 ?
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