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09/07/2021 | FRANCE | N°21NT00636

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 09 juillet 2021, 21NT00636


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... ont respectivement demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 21 décembre 2020 par lesquels le préfet du Morbihan a assigné chacun d'eux à résidence à Pontivy.

Par un jugement n° 2005767 du 30 décembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. C....

Par un jugement n° 2005768 du 30 décembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de Mme C....

Procédure devant la cour :

1/ Par une req

uête, enregistrée le 9 mars 2021 sous le n° 21NT00636, Mme B... C..., représentée par Me E..., demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... ont respectivement demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 21 décembre 2020 par lesquels le préfet du Morbihan a assigné chacun d'eux à résidence à Pontivy.

Par un jugement n° 2005767 du 30 décembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. C....

Par un jugement n° 2005768 du 30 décembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de Mme C....

Procédure devant la cour :

1/ Par une requête, enregistrée le 9 mars 2021 sous le n° 21NT00636, Mme B... C..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2020 du préfet du Morbihan l'assignant à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dès la mise à disposition du présent arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la mise à disposition de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé ce délai, et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

en ce qui concerne l'arrêté de transfert :

- il est entaché d'incompétence ;

- il est insuffisamment motivé et il n'a pas été procédé à un examen particulier de sa situation ;

- les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ont été méconnues faute pour le préfet de l'avoir mise en mesure de s'exprimer sur son droit au séjour ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2021, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

2/ Par une requête, enregistrée le 9 mars 2021 sous le n° 21NT00637, M. G... C..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2020 du préfet du Morbihan l'assignant à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dès la mise à disposition du présent arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la mise à disposition de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé ce délai, et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

en ce qui concerne l'arrêté de transfert :

- il est entaché d'incompétence ;

- il est insuffisamment motivé et il n'a pas été procédé à un examen particulier de sa situation ;

- les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ont été méconnues faute pour le préfet de l'avoir mis en mesure de s'exprimer sur son droit au séjour ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2021, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... sont des ressortissants géorgiens, parents de deux enfants nés en 2005 et 2009, résidant à Pontivy (Morbihan). Ils indiquent que les demandes de titre de séjour qu'ils ont présentées ont été rejetées par des décisions du préfet du Morbihan du 20 janvier 2020 qu'ils ont contestées devant le tribunal administratif de Rennes. Par des arrêtés du 4 août 2020 le préfet du Morbihan les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours. Puis par deux arrêtés du 21 décembre 2020 le même préfet les a assignés à résidence à Pontivy pour une durée de 45 jours avec obligation de se présenter quotidiennement à la brigade de gendarmerie de Pontivy. Par deux jugements du 30 décembre 2020, dont M. et Mme C... relèvent appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs recours en annulation formés contre ces deux dernières décisions.

2. Les requêtes n° 21NT00636 et n° 21NT00637 présentent à juger des questions similaires et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'aide juridictionnelle :

3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence [...], l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président ". Aux termes de l'article 61 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " (...) / L'admission provisoire est accordée par le président du bureau ou de la section ou le président de la juridiction saisie, soit sur une demande présentée sans forme par l'intéressé, soit d'office si celui-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle ou d'aide à l'intervention de l'avocat sur laquelle il n'a pas encore été statué. ".

4. M. et Mme C..., représentés par une avocate, ont déposé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été statué. Dans ces conditions, il y a lieu d'admettre provisoirement M. et Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les deux arrêtés contestés ont été signés par M. D..., attaché d'administration affecté à la préfecture du Morbihan, ainsi qu'il résulte des mentions apposées sur ces documents. Par suite, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions contestées seraient entachées d'incompétence faute de mentionner la qualité de leur auteur.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 561-2 alors applicable du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...). Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis. (...) " et aux termes de l'article L. 561-1 alors applicable du même code " (...) La décision d'assignation à résidence est motivée. (...) ".

7. M. et Mme C... soutiennent que les deux arrêtés contestés sont entachés d'une insuffisance de motivation dès lors que celui concernant la requérante ne mentionne pas qu'elle a introduit une requête en annulation d'une décision préfectorale du 20 janvier 2020 lui refusant un titre de séjour pour motif sanitaire et que celui visant son conjoint n'indique pas qu'il présente des problèmes de santé. Cependant les arrêtés contestés mentionnent notamment les dispositions législatives citées au point précédent et font état des arrêtés du 4 août 2020 du préfet du Morbihan leur faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours. Par suite, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés contestés seraient insuffisamment motivés pour les motifs invoqués et que le préfet n'aurait pas procédé préalablement à un examen particulier de leurs situations respectives.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par les décisions contestées, prises par une autorité d'un Etat membre, est inopérant sachant en tout état de cause que M. et Mme C... ont été entendus séparément par les services de gendarmerie sur leurs situations administratives préalablement aux décisions préfectorales contestées.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. M. et Mme C... font valoir que les décisions d'assignation à résidence sont de nature à méconnaitre les droits qu'ils tiennent des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, ces décisions ne les astreignent pas à rester à leur domicile avec leurs filles nées en 2005 et 2009. Par ailleurs, si ces mêmes arrêtés ne les autorisent pas à se déplacer librement hors de la ville de Pontivy, il est explicitement prévu qu'ils pourront quitter ce périmètre sur autorisation, ce qui peut notamment inclure les déplacements pour motifs médicaux. Dans ces conditions, et eu égard à l'objet même de ces mesures d'assignation décidées pour la mise en oeuvre d'obligations de quitter le territoire français auxquelles les requérants n'ont pas déféré, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions contestées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

12. Ainsi qu'il a été exposé, au point 8, les décisions d'assignation à résidence concernant M. et Mme C... ne leur interdisent pas, sur autorisation, de quitter la commune de Pontivy. Aussi, ces décisions ne sont pas de nature à réduire l'accès aux soins de leur fille suivie pour une pathologie diabétique à Rennes. Dans ces conditions, et alors que ces décisions ne sont pas de nature en elles-mêmes à nuire " gravement au développement " de leurs deux filles, la méconnaissance alléguée des stipulations citées de la convention internationale des droits de l'enfant ne peut qu'être écartée.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 21 décembre 2020 du préfet du Morbihan les assignant à résidence. Leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : M. et Mme C... sont admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Les requêtes de M. et Mme C... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... C..., à Mme B... C..., à Me E... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2021.

Le rapporteur,

C. A...

Le président,

L. Lainé

La greffière,

S. Levant

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 21NT00636, 21NT00637


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00636
Date de la décision : 09/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : CABINET DGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-09;21nt00636 ?
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