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16/07/2021 | FRANCE | N°20NT02987

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 16 juillet 2021, 20NT02987


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... I... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision implicite des autorités consulaires à Conakry (Guinée) refusant de délivrer à la jeune H... D..., sa fille alléguée, un visa de long séjour au titre de la réunification familiale.

Par un jugement n° 2001916 du 21 juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes

a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... I... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision implicite des autorités consulaires à Conakry (Guinée) refusant de délivrer à la jeune H... D..., sa fille alléguée, un visa de long séjour au titre de la réunification familiale.

Par un jugement n° 2001916 du 21 juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 septembre 2020 et le 2 juillet 2021, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 juillet 2020 ;

2°) de rejeter la demande de Mme F... I... portée devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- à titre principal, la demande de première instance est irrecevable en raison de la tardiveté du recours administratif préalable obligatoire formé auprès de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

- à titre subsidiaire, le moyen tiré des insuffisances dont serait entachée la décision des autorités consulaires est inopérant dès lors que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est substituée à cette décision consulaire ;

- il entend substituer aux motifs initiaux de nouveaux motifs tirés de l'absence de filiation entre la jeune H... et Mme I... compte tenu de ce que tant l'acte de naissance de l'enfant transmis aux autorités consulaires que le jugement supplétif et le nouvel acte de naissance transmis en première instance sont manifestement frauduleux alors que le passeport de l'enfant ne permet pas d'établir ce lien de filiation ;

- aucun élément de possession d'état n'est apporté ;

- Mme I... ne justifie pas du décès du père de l'enfant, ni ne produit une décision juridictionnelle lui confiant l'enfant ;

- le refus de visa ne méconnaît pas, dans ces conditions, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense et un mémoire rectificatif, enregistrés le 28 juin 2021 et le 30 juin 2021, Mme F... I..., agissant en son nom et au nom de sa fille mineure alléguée H... D..., représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de délivrer le visa de long séjour dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête du ministre est irrecevable en l'absence de justification de la délégation de signature de son auteur ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- le refus de visa est entaché d'un défaut d'examen de la situation de l'intéressée et d'une insuffisante motivation ;

- la demande de substitution de motifs sollicitée en appel par le ministre ne saurait être accueillie ;

- la décision contestée est entachée d'erreurs de droit, de fait et d'appréciation quant à la validité de l'état-civil et à la preuve de la fraude ;

- au surplus, la filiation est établie par la possession d'état ;

- l'administration ne saurait utilement fonder sa décision sur l'absence de preuve du décès du père ou de délégation de l'autorité parentale ;

- la décision contestée méconnaît le droit à l'unité de famille, au rapprochement familial ainsi que les articles L. 313-13 et L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur ;

- elle méconnaît le droit à la vie privée et familiale et l'intérêt supérieur de l'enfant.

Mme I... été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 mai 2021.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

­ le rapport de M. A...'hirondel,

­ les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

­ et les observations de Me G..., représentant Mme I...

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... I..., ressortissante guinéenne née le 16 août 1982, est entrée en France le 23 décembre 2008. Par une décision du 13 novembre 2009, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) lui a reconnu le bénéfice de la protection subsidiaire. Une demande de visa de long séjour au titre de la réunification familiale a été déposée le 1er novembre 2018 auprès des autorités consulaires françaises à Conakry au profit de la jeune H... D..., née le 1er janvier 2004, que Mme I... présente comme sa fille. Les services consulaires ont rejeté cette demande par une décision du 26 avril 2019. Mme I... a formé un recours contre la décision des autorités consulaires qui a été enregistré par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France le 17 juillet 2019. Du silence gardé par la commission de recours, une décision implicite de rejet est née le 17 septembre 2019. A la suite de sa demande, la commission de recours a communiqué à Mme I... les motifs de la décision par un courrier du 29 octobre 2019. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 juillet 2020 qui, à la demande de Mme I..., a annulé la décision implicite de la commission de recours et lui a enjoint de délivrer à la jeune H... D... le visa sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Sur la fin de non-recevoir opposée par Mme F... I... :

2. La requête a été signée par M. B... C..., adjoint au chef du bureau du contentieux, pour le directeur de l'immigration à la direction générale des étrangers en France au ministère de l'intérieur. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. En l'espèce, par un arrêté du 9 octobre 2017, publié au journal officiel de la République française du 14 octobre 2017, M. E... K..., nommé par décret du 27 septembre 2017 directeur de l'immigration, a donné délégation à M. B... C..., agent contractuel, adjoint au chef du bureau du contentieux à la sous-direction des visas, " à l'effet de signer au nom du ministre de l'intérieur, tous actes, arrêtés et décisions, à l'exclusion des décrets, dans la limite des attributions qui leur sont confiées, / (...) en particulier sur les mémoires en défense et les décisions de refus de visas d'entrée en France ". Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que la requête serait irrecevable en raison de l'incompétence du signataire de la requête doit être écartée.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. Aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. ". Aux termes de l'article D. 211-6 du même article : " Les recours devant la commission doivent être formés dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de refus. (...). Ils sont seuls de nature à conserver le délai de recours contentieux jusqu'à l'intervention des décisions prévues à l'article D. 211-9. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que si, par un courrier du 18 janvier 2018, Mme I... a manifesté auprès des autorités consulaires françaises son souhait d'obtenir un visa de long séjour au profit de la jeune H... D..., il est constant que, dans ce même courrier, elle a indiqué que les démarches auprès du consulat seront effectuées par son frère M. L... I.... C'est dans ces conditions que la demande de visa a été déposée par M. L... I... le 1er novembre 2018. En particulier, si, dans cette demande, ont été renseignés à la rubrique 10 relative aux représentant légaux d'un mineur, les noms de Mme F... I... et de M. L... I..., la demande n'a été, en revanche, signée que par ce dernier qui a attesté de sa qualité pour déposer la demande au nom de la jeune H... D.... Il n'est pas contesté que la décision des autorités consulaires françaises, qui contient la mention des voies et délais de recours, a été notifiée le 26 avril 2019 à M. L... I.... Compte tenu des informations portées dans la demande de visa par l'auteur de la demande qui a attesté être le représentant légal de la jeune H... D..., alors qu'au surplus, Mme I... lui avait donné procuration pour effectuer les démarches administratives en son nom, cette décision a pu être régulièrement notifiée à M. L... I.... Cette notification a fait courir le délai de recours à l'encontre de la requérante, alors même que la décision en litige ne lui a pas été personnellement notifiée. Le recours préalable obligatoire exercé par Mme I... devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a été présenté que par un mémoire du 16 juillet 2019, enregistré par la commission le lendemain, soit postérieurement au délai de deux mois prévu par l'article D. 211-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a été ainsi présenté tardivement et n'a pas eu pour effet de conserver le délai de recours contentieux. La requérante ne saurait utilement se prévaloir du délai de distance prévu à l'article R. 421-7 du code de justice administrative dès lors qu'en l'espèce seules les dispositions précitées de l'article D. 211-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont opposables. Par suite, la demande présentée par Mme I... devant les premiers juges était tardive et dès lors irrecevable.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 26 août 2019 et lui a fait injonction de délivrer le visa sollicité.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font, en tout état de cause, obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme I... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 juillet 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme I... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme I... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme F... I....

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Douet, présidente-assesseure,

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2021.

Le rapporteur,

M. J...

Le président,

A. PEREZ

La greffière,

A. LEMEE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT02987


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02987
Date de la décision : 16/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-005-01 Étrangers. Entrée en France. Visas.


Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : MALABRE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-16;20nt02987 ?
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