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15/10/2021 | FRANCE | N°19NT03205

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 15 octobre 2021, 19NT03205


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SELARL du docteur A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2016 par lequel la directrice générale de l'agence régionale de santé Centre Val de Loire a rejeté sa demande d'autorisation d'exploitation d'un appareil d'imagerie par résonance magnétique nucléaire sur le site de la maison des consultations Asclépios (Loiret).

Par un jugement n° 1700310 du 6 juin 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la

cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 août 2019 et le 6 juillet 2020, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SELARL du docteur A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2016 par lequel la directrice générale de l'agence régionale de santé Centre Val de Loire a rejeté sa demande d'autorisation d'exploitation d'un appareil d'imagerie par résonance magnétique nucléaire sur le site de la maison des consultations Asclépios (Loiret).

Par un jugement n° 1700310 du 6 juin 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 août 2019 et le 6 juillet 2020, la SELARL du docteur A..., représentée par Me Fau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 juin 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le principe du contradictoire n'a pas été respecté dans l'instruction du dossier privant la SARL d'une garantie dès lors qu'elle n'a pas obtenu communication de tous les documents sur la base desquels la décision a été prise ;

- la confidentialité du dossier d'instruction de sa demande a été méconnue dès lors que

M. B..., directeur de la clinique de la Reine Blanche a pu prendre connaissance de son dossier ainsi que des conclusions et de l'avis du rapporteur ; M. B... a dénigré son concurrent et il s'est présenté devant la commission spécialisée de l'organisation des soins comme directeur général de la SA Reine Blanche ce qu'il n'est pas ;

* l'article R. 6122-34 du code de la santé publique a été méconnu en ce qu'il a été ajouté un motif supplémentaire à cette disposition tenant au manque de collaboration entre l'équipement et les établissements sanitaires publics ou privés ;

* une situation de conflit d'intérêts doit être constatée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2020, la ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brisson,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Fau pour la SELARL du Docteur A....

Une note en délibéré a été produite par la SELARL du Docteur A... le 7 octobre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. La SELARL du Docteur A... a déposé auprès de l'agence régionale de santé (ARS) Centre Val de Loire un dossier, réputé complet le 29 juillet 2016, de demande d'autorisation d'exploitation d'un appareil d'imagerie par résonance magnétique sur le site de la maison des consultations Asclépios à Saran (Loiret) au 555, avenue Jacqueline Auriol. La SA Clinique de la Reine Blanche a déposé un dossier concurrent, réputé complet le 21 juillet 2016, de demande d'autorisation d'installer un deuxième appareil d'imagerie par résonance magnétique sur le site du Pôle Santé Oréliance (Loiret) au 559, avenue Jacqueline Auriol à Saran. Par un arrêté n° 2016-OSMS-0079 du 25 novembre 2016, la directrice générale de l'ARS Centre-Val de Loire a rejeté la demande présentée par la SELARL du docteur A.... Par un arrêté

n° 2016-OSMS-0080 du 25 novembre 2016, elle a également rejeté la demande présentée par la SA Clinique de la Reine Blanche. La SELARL du docteur A... a demandé l'annulation de l'arrêté du 25 novembre 2016 lui refusant l'autorisation sollicitée. Par un jugement du 6 juin 2019 dont la SELARL relève appel, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes du I de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique, en sa rédaction alors applicable : " (...) les membres des instances collégiales, des commissions (...) sont tenus, lors de leur prise de fonctions, d'établir une déclaration d'intérêts. / Cette déclaration est remise à l'autorité compétente. / Elle mentionne les liens d'intérêts de toute nature, directs ou par personne interposée, que le déclarant a, ou qu'il a eus pendant les cinq années précédant sa prise de fonctions, avec des entreprises, des établissements ou des organismes dont les activités, les techniques et les produits entrent dans le champ de compétence de l'autorité sanitaire au sein de laquelle il exerce ses fonctions ou de l'organe consultatif dont il est membre ainsi qu'avec les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans les mêmes secteurs. / Elle est rendue publique. Elle est actualisée à l'initiative de l'intéressé (...) / Les personnes mentionnées au présent article ne peuvent prendre part aux travaux, aux délibérations et aux votes des instances au sein desquelles elles siègent qu'une fois la déclaration souscrite ou actualisée. Elles ne peuvent, sous les peines prévues à l'article 432-12 du code pénal, prendre part ni aux travaux, ni aux délibérations, ni aux votes de ces instances si elles ont un intérêt, direct ou indirect, à l'affaire examinée. Elles sont tenues au secret et à la discrétion professionnels dans les mêmes conditions que celles définies à l'article 26 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ". L'article L 6122-9 du même code de la santé publique, en sa rédaction alors applicable, dispose que : " L'autorisation d'activités ou d'équipements relevant d'un schéma national ou interrégional est donnée ou renouvelée par l'agence régionale de santé de la région dans laquelle le demandeur a son siège social ou son domicile, après avis de la commission spécialisée de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie compétente pour le secteur sanitaire (...) ".

3. En application de ces dispositions, la règle de l'impartialité s'impose à tout organe administratif. Il s'en déduit que des personnes ne peuvent prendre part aux travaux, aux délibérations ou aux votes au sein de la commission spécialisée de l'organisation des soins lorsqu'elles ont un intérêt direct ou indirect à l'affaire examinée. Même en l'absence de texte, lorsqu'un membre d'une commission administrative à caractère consultatif est en situation de devoir s'abstenir de siéger pour l'examen d'une question, il est de bonne pratique qu'il quitte la salle où se tient la séance pendant la durée de cet examen. Toutefois, la circonstance que l'intéressé soit resté dans la salle n'entraîne l'irrégularité de l'avis rendu par la commission que si, en raison notamment de son rôle dans celle-ci, de l'autorité hiérarchique, scientifique ou morale qui est la sienne ou de la nature de ses liens d'intérêt, sa simple présence pendant les délibérations a pu influencer les positions prises par d'autres membres de l'instance.

4. Il ressort des pièces du dossier que lors de sa séance du 29 septembre 2016, la commission spécialisée de l'organisation des soins (CSOS) a examiné les dossiers de demande d'autorisation d'installation d'appareils IRM présentés par la SELARL Jacques A... ainsi que par la SA clinique Reine Blanche, établissement concurrent.

5. Après avoir entendu le rapporteur chargé d'examiner la demande de la SELARL, le président de la commission a fait sortir M. A..., pétitionnaire du projet, et a entendu les observations de M. D..., directeur de la clinique Reine Blanche jusqu'en mars 2013, lequel, après avoir critiqué une implantation d'un appareil à IRM dans la maison des consultations sise à Saran et gérée par la SELARL du Dr A..., a fait savoir que " la clinique de la Reine Blanche a toujours eu pour projet d'installer deux appareils à IRM ". Il ressort également du compte-rendu de cette réunion de la commission que ce n'est qu'après avoir entendu les observations de M. D... que M. C..., qui siégeait à la commission en qualité de représentant de la fédération de l'hospitalisation privée du Centre, et dont il n'est pas contesté qu'il avait la qualité de président directeur général de la SA clinique Reine Blanche et était le principal actionnaire du groupe Oréliance auquel elle appartient, est sorti de la salle de réunion.

6. Compte tenu des intérêts croisés de la SELARL du docteur A... et de la clinique de la Reine Blanche, concurrente, l'intervention de M. D... qui a en outre participé au vote et la présence, même passive, de M. C... au cours des débats, ont pu influer sur le sens de l'avis défavorable émis par la commission sur le projet d'implantation d'appareil d'imagerie présenté par le requérant qui avait initialement recueilli un avis favorable du rapporteur du dossier. Elles constituent ainsi un manquement au principe d'impartialité qui s'impose à l'autorité administrative.

7. Dans ces conditions, alors même que l'avis de la commission présente un caractère consultatif, la SELARL du docteur A... est fondée à soutenir que la décision prise par l'ARS l'a été en méconnaissance du principe d'impartialité et qu'elle a été privée d'une garantie.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la SELARL est fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux du 25 novembre 2016.

Sur les frais liés au litige :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros qui sera versée à la SELARL du docteur A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 6 juin 2019 et l'arrêté

n° 2016-OMS-0079 du 25 novembre 2016 sont annulés.

Article 2 : L'État versera à la SELARL du docteur A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL du docteur A... et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 octobre 2021.

La rapporteure,

C. BRISSON

Le président,

D. SALVI

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 19NT03205


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03205
Date de la décision : 15/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : FAU

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-10-15;19nt03205 ?
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