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19/10/2021 | FRANCE | N°19NT04594

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 19 octobre 2021, 19NT04594


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans :

- sous le n° 1800521, d'une part, d'annuler la décision de rejet de sa demande de protection fonctionnelle opposée par le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Pruniers-en-Sologne le 12 décembre 2017, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de lui accorder la protection fonctionnelle et de condamner le CCAS de Pruniers-en-Sologne à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du harc

lement moral, enfin de mettre à la charge de l'établissement le versement d'une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans :

- sous le n° 1800521, d'une part, d'annuler la décision de rejet de sa demande de protection fonctionnelle opposée par le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Pruniers-en-Sologne le 12 décembre 2017, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de lui accorder la protection fonctionnelle et de condamner le CCAS de Pruniers-en-Sologne à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral, enfin de mettre à la charge de l'établissement le versement d'une somme de 15 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- sous le n° 1800522, d'une part, d'annuler l'arrêté du 15 avril 2015 par lequel le président du CCAS de Pruniers-en-Sologne a mis fin à l'attribution d'un logement de fonction ainsi que la décision du 12 avril 2018 refusant de procéder au retrait de cet arrêté, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de lui réattribuer le logement de fonction dont elle disposait sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de condamner le CCAS de Pruniers-en-Sologne à lui verser une somme de 12 943,69 euros au titre du préjudice matériel qu'elle a subi du fait de la suppression de ce logement de fonction, enfin, de mettre à la charge de cet établissement une somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement nos 1800521, 1800522 du 1er octobre 2019, le tribunal administratif d'Orléans a, d'une part, condamné le centre communal d'action sociale de la commune de Pruniers-en-Sologne à verser une somme de 2 000 euros à Mme B... en réparation des préjudices causés par l'éviction irrégulière du logement de fonction qui lui avait été concédé et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de Mme B... dans les deux instances.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 novembre 2019 et 2 février 2021, Mme B..., représentée par Me Vaccaro, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er octobre 2019 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses demandes ;

2°) d'annuler la décision du 12 décembre 2017 lui refusant l'octroi de la protection fonctionnelle ;

3°) d'enjoindre au président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Pruniers-en-Sologne de prendre une nouvelle décision et de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

4°) de condamner le CCAS de Pruniers-en-Sologne à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral ;

5°) d'annuler l'arrêté du 15 avril 2015 et la décision de rejet du 12 décembre 2017 par lesquels le président du CCAS de Pruniers-en-Sologne a mis fin à l'attribution d'un logement de fonction ainsi que la décision du 12 avril 2018 refusant de procéder au retrait de cet arrêté ;

6°) d'enjoindre au président du centre communal d'action sociale de Pruniers-en-Sologne de prendre une nouvelle décision et de lui attribuer un logement de fonction dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

7°) de condamner le centre communal d'action sociale de Pruniers-en-Sologne à lui verser une somme de 12 943,69 euros au titre du préjudice matériel qu'elle a subi du fait de la suppression de ce logement de fonction ;

8°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Pruniers-en-Sologne une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevables ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 avril 2015 par lequel le président du CCAS de Pruniers-en-Sologne a mis fin à l'attribution d'un logement de fonction ;

- la décision lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle est entachée d'un vice de procédure, dès lors que l'avis du conseil d'administration n'a pas été recueilli ;

- elle a subi des agissements relevant du harcèlement moral de la part de la secrétaire générale de la commune et du maire de la commune de Pruniers-en-Sologne ; elle a été victime d'agissements répétés, consistant en des pressions et des remarques inappropriées lorsqu'elle était en fonction et qui se sont poursuivies pendant ses arrêts de travail ; depuis le changement de municipalité en avril 2014, elle a fait l'objet de reproches constants et de vexations injustifiées dans le déroulement de sa carrière de la part d'un tiers extérieur au CCAS en la personne de la secrétaire générale de la mairie ; il n'a jamais été donné suite à sa demande tendant au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire à laquelle elle avait droit et ce n'est que plus d'un an après que sa situation a été régularisée ; elle s'est vue refuser le bénéfice d'une formation de directeur d'EPHAD demandée en décembre 2014 ainsi que celle portant sur la contractualisation et la démarche qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (22 janvier 2015) ; ses conditions de travail se sont peu à peu dégradées ; elle a été destinataire de nombreuses notes de service et de courriels la mettant en situation d'accusée conduisant à saper son moral, son travail, son autorité et l'empêchant de mener à bien sa mission ; son employeur l'a infantilisée, le ton particulièrement autoritaire et irrespectueux de certains courriers faisant apparaître le harcèlement dont elle a fait l'objet ; son employeur a parfois entravé son action ;

- elle dénonce un climat de suspicion à son égard ; par un courriel du 19 février 2015 (PJ 49 et 50) et par un courrier recommandé du 20 mars 2015, il lui a été demandé de travailler pendant ses arrêts de travail et il a été demandé une contre-visite médicale à son domicile le 10 avril 2015 ;

- si le tribunal a confirmé que la décision lui retirant le logement de fonction dont elle disposait était illégale, cette circonstance constitue également un fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral et une mesure discriminatoire ; ses astreintes n'ont pas cessé jusqu'à ce qu'elle soit en arrêt de maladie ; elle a été contrainte de quitter le logement qu'elle occupait depuis plus de dix ans le 17 juillet 2015 ; cela n'a pas été compensé par le versement d'une prime d'astreinte pourtant versée à d'autres agents ; privée d'une partie des éléments constituant sa rémunération, elle subit une différence de traitement caractérisant le harcèlement moral ;

- les faits constitutifs de harcèlement moral ont porté gravement atteinte à son état de santé à l'origine de ses arrêts de travail depuis le mois de février 2015 et de son placement en arrêt maladie de longue durée ; son avenir professionnel est compromis dès lors qu'elle a été remplacée dans ses fonctions de directrice du foyer logement " les Prunelles " ;

- elle sollicite la réalisation d'une enquête interne par le CHSCT du CCAS et l'indemnisation de ses préjudices moral et matériel à hauteur respectivement de 50 000 euros et 12 411,71 euros (427,99 euros x 29 mois couvrant la période courant du 17 juillet 2015 jusqu'à ce jour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2020, le centre communal d'action sociale de Pruniers-en-Sologne représenté par Me Rainaud, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme B... une somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions dirigées contre l'arrêté du 15 avril 2015 et la décision du 12 avril 2018 qui sont tardives sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de Me Duret, substituant Me Vaccaro, représentant Mme B... et de Me Rainaud représentant le centre communal d'action sociale de la commune de Pruniers-en-Sologne.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée par le centre communal d'action sociale (CCAS) de la commune de Pruniers-en-Sologne en qualité de rédacteur contractuel pour occuper un emploi permanent à temps plein à compter du 1er juillet 2003 au sein du foyer-logement " résidence des Prunelles ". Elle y occupait depuis cette date les fonctions de directrice. Elle a été nommée par le président du CCAS de la commune de Pruniers-en-Sologne rédacteur stagiaire à temps complet, puis titularisée à compter du 1er juin 2014. Elle estime avoir connu une dégradation de ses conditions de travail et être victime de faits constitutifs de harcèlement moral qu'elle impute aux agissements du maire de la commune, élu en 2014, et à la secrétaire générale de la mairie. Mme B... a présenté une réclamation préalable auprès du président du CCAS de la commune tendant, d'une part, à l'octroi de la protection fonctionnelle et, d'autre part, à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Sa demande de protection fonctionnelle a été rejetée par une décision du 12 décembre 2017 du président du CCAS.

2. Mme B... a, le 12 février 2018, saisi le tribunal administratif d'Orléans de deux demandes. Sous le n° 1800521, elle a sollicité l'annulation de la décision de rejet de sa demande de protection fonctionnelle du 12 décembre 2017, qu'il soit enjoint à cette autorité de lui accorder cette protection et, enfin, la condamnation du CCAS de Pruniers-en-Sologne à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral. Sous le n° 1800522, elle a demandé l'annulation de l'arrêté du 15 avril 2015 par lequel le président du CCAS de Pruniers-en-Sologne a mis fin à l'attribution d'un logement de fonction ainsi que la décision du 12 avril 2018 refusant de procéder au retrait de cet arrêté, qu'il soit enjoint à cette autorité de lui réattribuer le logement de fonction et la condamnation du CCAS de Pruniers-en-Sologne à lui verser une somme de 12 943,69 euros au titre du préjudice matériel qu'elle a subi du fait de cette décision.

3. Par un jugement nos 1800521, 1800522 du 1er octobre 2019, le tribunal administratif d'Orléans a, d'une part, condamné le centre communal d'action sociale de la commune de Pruniers-en-Sologne à verser une somme de 2 000 euros à Mme B... en réparation des préjudices causés par l'éviction irrégulière du logement de fonction qui lui avait été concédé et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de l'intéressée dans les deux instances. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses demandes qu'elle maintient devant la cour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 15 avril 2015 a été notifié à Mme B... le 17 avril 2015 sans indication des voies et délais de recours. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable qui, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

5. Par application de ce principe, le délai de recours contentieux d'une année qui a couru à compter du 17 avril 2015, date de notification de l'arrêté en cause, était achevé lorsque la requérante a introduit devant le tribunal administratif d'Orléans la demande tendant à l'annulation de cette décision du 12 février 2018. Il y a lieu de faire droit, ainsi que l'ont justement estimé les premiers juges, à la fin de non-recevoir opposée en défense devant le tribunal dans un mémoire du 3 août 2018 et réitérée en appel par le CCAS de Pruniers-en-Sologne. Par suite, doivent également être rejetées comme nécessairement tardives les conclusions dirigées contre la décision confirmative du 12 avril 2018 refusant de procéder au retrait de l'arrêté du 15 avril 2015. Si Mme B... sollicite également en appel au soutien des mêmes conclusions l'annulation de la décision du 12 décembre 2017 du président du CCAS, celle-ci, contrairement à ce qui est avancé dans les écritures, ne concerne pas la décision mettant fin à l'attribution de son logement de fonction mais porte rejet de ses demandes de protection fonctionnelle et d'indemnisation des préjudices en résultant. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en raison de l'irrégularité alléguée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la demande de protection fonctionnelle à raison des faits de harcèlement moral et sur la légalité de la décision du 12 décembre 2017 :

6. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public ". Et aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". Si la protection résultant de ce principe n'est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l'un de ses supérieurs hiérarchiques, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Des agissements répétés de harcèlement moral peuvent ainsi permettre à l'agent public qui en est l'objet d'obtenir la protection fonctionnelle prévue par ces dispositions.

7. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements, dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

S'agissant des différents faits et agissements reprochés :

8. En premier lieu, Mme B... soutient, d'abord, que depuis le changement de municipalité en avril 2014, elle a fait l'objet de reproches constants et de vexations injustifiées dans le déroulement de sa carrière de la part d'un tiers extérieur au CCAS en la personne de la secrétaire générale de la mairie, ensuite, qu'il n'a jamais été donné suite à sa demande tendant au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire et qu'elle s'est vue refuser le bénéfice de plusieurs formations, enfin, que ses conditions de travail se sont peu à peu dégradées en avançant qu'elle a été destinataire de nombreuses notes de service et de courriels la mettant en situation d'accusée, conduisant à saper son moral, son travail, son autorité et l'empêchant de mener à bien sa mission. Elle ajoute que son employeur, qui a parfois entravé son action, l'a infantilisée, le ton particulièrement autoritaire et irrespectueux de certains courriers faisant apparaître le harcèlement dont elle a fait l'objet.

9. D'une part, il n'est pas contesté que le maire de la commune de Pruniers-en-Sologne, qui est également président du CCAS, et auquel incombe la gestion de l'organisation des services municipaux de cet établissement public, a désigné Mme L., secrétaire générale de la commune comme supérieure hiérarchique de Mme B..., et, par ailleurs, il ressort de la fiche de poste de la requérante que son poste est rattaché hiérarchiquement à la secrétaire générale de la mairie. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que " la secrétaire de mairie ne disposait pas de la légitimité pour lui adresser des notes de service ". Il ressort des pièces versées au dossier que par un arrêté du 16 juillet 2015, la nouvelle bonification indiciaire a été accordée à Mme B..., titularisée le 1er juin 2014, et ce avec effet au 1er décembre 2013, date de début de sa période de stage. Il n'est, par ailleurs, pas établi que le CCAS de Pruniers-en-Sologne, ou plus largement le personnel de la commune aurait volontairement omis de donner suite à une demande tendant au bénéfice de cet avantage que la requérante n'établit pas d'ailleurs davantage en appel qu'en première instance avoir sollicité. D'autre part, l'examen des écrits, notes de service, courriers et courriels, qui ne comportent aucune mention injurieuse, agressive ou vexatoire, montre qu'ils se bornent à faire état des difficultés professionnelles rencontrées par la requérante. Il ressort ainsi notamment des pièces du dossier qu'à plusieurs reprises, la secrétaire de mairie a adressé à Mme B... des notes de services tendant à lui faire part des insuffisances dont elle a fait preuve dans la préparation et la rédaction de comptes-rendus de réunions qui se sont tenues le 29 décembre 2014 et le 8 janvier 2015, dans la gestion des plannings des agents, dans la définition de la nature des relations avec des prestataires, de dysfonctionnements techniques au sein du foyer-logement, d'un retard dans l'établissement de planning et dans la distribution de convocations à destination des personnels du foyer-logement. Aucun élément versé aux débats, en particulier les attestations faisant état de l'existence de bonnes relations entre l'intéressée et des tiers ou les patients, ne permet de remettre en cause sérieusement la réalité de ces griefs. Il ne ressort pas non plus des notes de service par lesquelles sa hiérarchie avait mis en cause la rédaction par cet agent de courriers adressés aux résidents du foyer qu'ils traduiraient une attitude " infantilisante " à son égard. De la même façon, les propos qu'aurait tenu le maire de la commune lors de son entretien du 5 février 2015 exprimant son intention de l'écarter du CCAS ou le fait que son action au sein de cet établissement aurait été entravée ne sont corroborés par aucune pièce. Dans ces conditions, les faits et agissements incriminés ne sauraient être de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

10. En deuxième lieu, Mme B... se plaint du " climat de suspicion " qui aurait été instauré à son encontre par le maire de la commune. D'une part, si Mme B... a été placée en arrêt de travail le 17 février 2015, l'avis n'a toutefois été transmis aux services de la mairie que le 19 février suivant, sans qu'il soit établi que la secrétaire générale en ait pris connaissance tôt dans la journée. Dans ces conditions, la note que cette dernière, qui doit être regardée comme ignorant la situation de cet agent, a adressé le même jour à la requérante sur sa boîte mail professionnelle lui demandant " de préparer un courrier ou de transmettre des éléments " ne saurait être considérée comme une instruction de travailler pendant un arrêt de travail pour maladie. Il en va de même de la demande du 20 mars 2015, réitérée le 3 avril suivant, tendant à ce que soit restitué aux services de la commune un dossier relatif à l'évaluation interne du foyer-logement que Mme B... avait conservé à son domicile alors que l'intérêt du service imposait que la commune en soit dépositaire. D'autre part, il est établi que la requérante s'est rendue de sa propre initiative en soirée sur son lieu de travail le 26 mars 2015 alors qu'elle était en congé de maladie et que la trésorière de l'association " Palinado De Pateli ", domiciliée au sein du foyer logement, avait signalé l'absence du chéquier de l'association au sein des locaux. Dans ces conditions, le maire de la commune en sa qualité de président du CCAS a pu, par le courrier incriminé du 7 avril 2015, et sans que cela excède l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique, rappeler à cet agent que " compte tenu de sa situation, elle n'était pas autorisée à se rendre sur son lieu de travail ", lui rappelant par ailleurs " qu'elle avait conservé à son domicile le chéquier de l'association précitée ", lequel au demeurant avait été retrouvé le lendemain de sa venue sur les lieux. Mme B... ne saurait non plus tirer argument de la contre-visite médicale qui a été diligentée par le président du CCAS le 10 avril 2015 alors qu'il s'agit d'une faculté prévue par les dispositions de l'article 15 du décret du 30 juillet 1987 et que, comme indiqué ci-dessus, cet agent s'était présenté quelques jours auparavant sur son lieu de travail. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les deux refus de formation dont se plaint Mme B... étaient motivés par l'attente par l'établissement des résultats des audits commandés en vue d'une réorganisation interne des services du foyer-logement. Enfin, le recrutement d'un agent contractuel pour une période de 18 mois - à compter du 1er juillet 2015 - auquel la commune a procédé pour remplacer dans ses fonctions Mme B..., qui avait été arrêtée pour syndrome anxio-dépressif le 17 février 2015 puis placée en congé de longue maladie à plein traitement à compter de cette date par un arrêté du 5 novembre 2015, ne révèle pas l'intention du CCAS de se " débarrasser d'elle définitivement ".

11. En troisième lieu, Mme B..., à l'appui de sa dénonciation du harcèlement moral dont elle soutient être victime de la part du président du CCAS, met en cause tant le principe du retrait de la concession de logement dont elle bénéficiait depuis 2003 que les conditions dans lesquelles ce retrait est intervenu.

12. Aux termes de l'article L. 2222-11 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les conditions d'attribution d'un logement de fonction par les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics sont régies par les dispositions de l'article 21 de la loi n° 90-1067 du 28 novembre 1990. ". Aux termes de l'article 21 de la loi du 28 novembre 1990 relative à la fonction publique territoriale et portant modification de certains articles du code des communes : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent la liste des emplois pour lesquels un logement de fonction peut être attribué gratuitement ou moyennant une redevance par la collectivité ou l'établissement public concerné, en raison notamment des contraintes liées à l'exercice de ces emplois (...) / Les décisions individuelles sont prises en application de cette délibération par l'autorité territoriale ayant le pouvoir de nomination (...) ". Ces dispositions confèrent aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics compétence pour déterminer, dans le respect des critères fixés par la loi, les emplois auxquels peut être attachée l'attribution d'un logement de fonction et l'étendue de l'avantage ainsi accordé. En vertu de l'article R. 2124-65 du code général de la propriété des personnes publiques : " Une concession de logement peut être accordée par nécessité absolue de service lorsque l'agent ne peut accomplir normalement son service, notamment pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de responsabilité, sans être logé sur son lieu de travail ou à proximité immédiate ".

13. Il ressort tout d'abord des éléments du dossier, comme l'ont d'ailleurs jugé les premiers juges, que le motif fondant l'arrêté du 15 avril 2015 portant retrait de la concession de logement de fonction pour nécessité absolue de service tiré de l'absence d'astreinte réalisée par l'intéressée manque tout à la fois en fait et en droit. Il ressort ensuite des pièces du dossier que la décision selon laquelle a été mis à la charge de Mme B... le coût de prestations telles que les abonnements de gaz ou d'électricité, quoiqu'intervenue selon une procédure irrégulière à défaut d'une délibération préalable du conseil municipal portant modification des conditions d'octroi des concessions de logement, était légalement bien fondée. Enfin, il ressort de l'arrêté du 15 avril 2015 qu'un délai de trois mois a été accordé à Mme B... pour quitter son logement. Si la requérante critique la durée de ce préavis, il est constant qu'elle n'a pas fait part à son employeur de difficultés particulières, ni même sollicité un délai supplémentaire. Dans ces conditions, on ne saurait ainsi considérer qu'elle a été victime d'une démarche empreinte de brutalité de la part de ce dernier ainsi qu'elle le soutient. Si la requérante soutient également avoir subi une différence de traitement du fait que la perte de son logement de fonction n'aurait pas été compensée par le versement d'une prime, cette critique n'est pas corroborée par les éléments du dossier. Il résulte de ce qui vient d'être dit que les conditions dans lesquelles il a été mis fin à la concession de logement accordée à Mme B... pour nécessité absolue de service ne caractérisent pas, en l'absence d'autres éléments, une situation de harcèlement moral.

14. Il résulte de l'ensemble de ce qui a été dit aux points 8 à 13 que les faits dénoncés par la requérante, pris isolément sur la période courant du mois d'avril 2014 au mois d'avril 2015, voire dans leur ensemble, ne permettent pas de considérer qu'elle aurait été victime d'actes ou d'agissements répétés constitutifs d'un harcèlement moral.

S'agissant de la demande de protection fonctionnelle :

15. Pour les mêmes motifs que ceux précédemment détaillés aux points 8 à 13, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la protection prévue par les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 citées au point 6 aurait dû lui être accordée, les faits en cause n'excédant pas l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et d'organisation. En conséquence, elle n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

16. D'une part, Mme B... sollicite la condamnation du CCAS de Pruniers-en-Sologne à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait d'un harcèlement moral. Toutefois, ainsi qu'il a été dit aux points 8 à 14, les faits et agissements incriminés ne permettent pas de regarder comme caractérisé le harcèlement moral invoqué. Les conclusions indemnitaires seront rejetées.

17. D'autre part, Mme B... qui bénéficiait depuis 2003 d'un logement de fonction demande l'indemnisation à hauteur de 12 411,71 euros du préjudice matériel subi du fait de la perte de ce logement et de " l'avantage en nature " évalué à la somme de 427,99 euros par mois à laquelle doit s'ajouter un montant total de 531,98 euros, et ce, pour la période courant du 17 juillet 2015 jusqu'à ce jour. Ainsi qu'il a été dit au point 13, l'arrêté portant retrait de ce logement fondé sur un motif erroné en fait et en droit est entaché d'une illégalité. Cependant, il résulte de l'instruction que Mme B... entrait depuis sa mise en congé de longue maladie, dans le cas prévu par les dispositions de l'article 27 du décret du 30 juillet 1987 aux termes desquelles : " Lorsque le fonctionnaire territorial mis en congé de longue maladie ou de longue durée bénéficie d'un logement dans un immeuble de l'administration, il doit quitter les lieux si sa présence (...) est incompatible avec la bonne marche du service. ". En effet, il ressort des éléments du dossier, comme il a été rappelé plus haut, que par un arrêté du 5 novembre 2015 du maire de Pruniers-en-Sologne intervenu à la suite de l'avis du comité médical du 15 octobre 2015, Mme B..., qui était en arrêt de travail depuis le 17 février 2015, a été placée en congé de longue maladie pour une période de deux fois six mois avec effet rétroactif à compter de cette dernière date et qu'elle a été effectivement remplacée dans ses fonctions le 1er juillet 2015 et a quitté le logement en question le 17 juillet suivant. Dans ces conditions, elle ne peut se prévaloir d'aucun préjudice matériel. Enfin, les premiers juges ont justement apprécié le préjudice moral subi du fait de l'illégalité relevée au point 13 et de l'irrégularité des conditions dans lesquelles les abonnements de gaz et d'électricité ont été mis à la charge de la requérante, en l'évaluant la somme totale de 2000 euros.

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction :

18. D'une part, eu égard à ce qui a été dit au point 15, les conclusions présentées par Mme B... tendant à ce que le maire de Pruniers-en-Sologne prenne une nouvelle décision et lui accorde le bénéfice de la protection fonctionnelle doivent être rejetées.

19. D'autre part, le présent arrêt qui rejette au point 5, comme irrecevables en raison de leur tardiveté, les conclusions de la requérante tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 avril 2015 portant retrait du bénéfice de la concession de logement de fonction dont elle bénéficiait depuis 2003 n'implique aucune mesure d'exécution sur ce point.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre communal d'action sociale de Pruniers-en-Sologne qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance la somme que Mme B... réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante la somme que demande l'établissement public en application des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre communal d'action sociale de Pruniers-en-Sologne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre communal d'action sociale de Pruniers-en-Sologne.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2021

Le rapporteur,

O.COIFFETLe président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19NT04594 5

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04594
Date de la décision : 19/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELARL VACCARO ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-10-19;19nt04594 ?
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