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22/10/2021 | FRANCE | N°20NT02528

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 22 octobre 2021, 20NT02528


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision en date du 3 octobre 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé la décision de l'autorité consulaire française à Oran lui refusant un visa de court séjour.

Par un jugement n° 1912969 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 août 2020 sous

le n°20NT02528, et des mémoires enregistrés le 15 novembre 2020, 8 juillet 2021 et le 23 juillet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision en date du 3 octobre 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé la décision de l'autorité consulaire française à Oran lui refusant un visa de court séjour.

Par un jugement n° 1912969 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 août 2020 sous le n°20NT02528, et des mémoires enregistrés le 15 novembre 2020, 8 juillet 2021 et le 23 juillet 2021 Mme D..., représentée par Me Peyrouzet , demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 juin 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 3 octobre 2019 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer un visa d'entrée et de court séjour sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé, entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la motivation de la décision attaquée démontre, par son caractère stéréotypé, l'absence d'examen réel et sérieux ;

- son fils qui s'est engagé à l'héberger dispose de ressources suffisantes pour prendre en charge les frais de son séjour en France ;

- le motif tiré du risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 juin 2021 et le 1er octobre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

- le règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire des visas ;

- le règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Douet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante algérienne, relève appel du jugement du 23 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 octobre 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre une décision des autorités consulaires françaises à Rabat refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de court séjour en France.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Si le juge est tenu de répondre aux moyens des parties, il n'est pas dans l'obligation de répondre à l'ensemble des arguments soulevés à l'appui de ces moyens. En l'espèce, le jugement attaqué, rappelle les dispositions de droit applicables en l'espèce et expose de manière précise les motifs de fait ayant conduit le tribunal à rejeter la demande présentée par les requérants. Ce faisant, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement en application des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative.

4. En second lieu, si la requérante soutient que les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation, de tels moyens, qui se rattachent au bien-fondé du jugement attaqué, sont sans incidence sur sa régularité.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 3 octobre 2019 :

5. Pour refuser la demande de visa de court séjour présentée par Mme D... la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur l'insuffisance des ressources personnelles de l'intéressée pour garantir le financement de son séjour et du retour dans son pays de résidence, sur l'insuffisance des moyens financiers de l'accueillant pour assumer l'accueil et l'entretien d'une personne supplémentaire dans son foyer pendant la durée du séjour et sur le risque de détournement de l'objet du visa, la commission ayant relevé que la requérante avait détourné l'objet d'un précédent visa de court séjour espagnol en scolarisant son fils H... Mohammed F... en France.

6. En premier lieu, la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, contrairement à ce qui est soutenu, cette décision, dont les motifs ne sont pas stéréotypés, est suffisamment motivée.

7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et en particulier des termes de la décision contestée que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme D....

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 21 du règlement (CE) du 13 juillet 2009 visé ci-dessus: " 1. Lors de l'examen d'une demande de visa uniforme, (...) une attention particulière est accordée à l'évaluation du risque d'immigration illégale (...) que présenterait le demandeur ainsi qu'à sa volonté de quitter le territoire des États membres avant la date d'expiration du visa demandé. (...) ". Aux termes de l'article 32 du même règlement : " 1. (...) le visa est refusé : (...) / b) s'il existe des doutes raisonnables sur (...) la fiabilité des déclarations effectuées par le demandeur ou sur sa volonté de quitter le territoire des États membres avant l'expiration du visa demandé. (...) ".

9. L'administration peut, indépendamment d'autres motifs de rejet tels que la menace pour l'ordre public, refuser la délivrance d'un visa, qu'il soit de court ou de long séjour, en cas de risque avéré de détournement de son objet, lorsqu'elle établit que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l'étranger en France. Elle peut à ce titre opposer un refus à une demande de visa de court séjour en se fondant sur l'existence d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires.

10. Mme D..., âgée de 63 ans, est divorcée et retraitée. Il ressort des pièces du dossier que le fils de Mme D..., H... Mohammed F..., né le 14 mars 1999, est entré en France sans visa d'établissement, s'y est maintenu et y a été scolarisé à compter du mois de septembre 2013 en dehors de toute procédure régulière d'introduction d'un mineur sur le territoire. En se bornant à soutenir qu'elle ne peut être tenue pour responsable des conditions d'entrée en France de son fils alors mineur sans toutefois démontrer ne pas avoir eu de droit de garde sur cet enfant et alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle a disposé d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles en 2013, Mme D... ne contredit pas sérieusement les éléments de fait retenus par la commission, en dépit de la circonstance que la prise en charge ultérieure de son fils par le service de l'aide sociale à l'enfance ait été décidée par décision de justice à la suite d'une fugue de ce dernier, et ne permet pas d'écarter qu'elle ait été, à tout le moins, informée de la situation administrative de son fils. Cependant, en retenant ces faits pour estimer qu'existait, s'agissant de Mme D..., un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires, alors que l'intéressée dispose d'attaches familiales en Algérie en la personne de deux autres enfants et de petits-enfants, et qu'elle fait également valoir, en produisant des copies de son passeport, avoir respecté la durée de validité de ses précédents visas, obtenus entre 2009 et 2013, la commission a entaché le premier motif de sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 10 de la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 : " 1. Il est institué un visa uniforme valable pour le territoire de l'ensemble des Parties contractantes. Ce visa (...) peut être délivré pour un séjour de trois mois au maximum (...) " et aux termes de l'article 6 du règlement (UE) n°2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 visés ci-dessus : " 1. Pour un séjour prévu sur le territoire des Etats membres, d'une durée n'excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours (...), les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : (...) c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer de moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans leur pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens (...) " / (...) 4. L'appréciation des moyens de subsistance se fait en fonction de la durée et de l'objet du séjour et par référence aux prix moyens en matière d'hébergement et de nourriture dans l'État membre ou les États membres concernés, pour un logement à prix modéré, multipliés par le nombre de jours de séjour. (...) Les montants de référence arrêtés par les Etats membres sont notifiés à la commission conformément à l'article 39. / L'appréciation des moyens de subsistance suffisants peut se fonder sur la possession d'argent liquide, de chèques de voyage et de cartes de crédit par le ressortissant de pays tiers. Les déclarations de prise en charge, lorsqu'elles sont prévues par le droit national, et les lettres de garantie telles que définies par le droit national, dans le cas des ressortissants de pays tiers logés chez l'habitant, peuvent aussi constituer une preuve de moyens de subsistance suffisants. (...) ".

12. En vertu de l'article L. 211-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Tout étranger qui déclare vouloir séjourner en France pour une durée n'excédant pas trois mois dans le cadre d'une visite familiale ou privée doit présenter un justificatif d'hébergement. Ce justificatif prend la forme d'une attestation d'accueil signée par la personne qui se propose d'assurer le logement de l'étranger, ou son représentant légal, et validée par l'autorité administrative. Cette attestation d'accueil constitue le document prévu par la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 pour justifier les conditions de séjour dans le cas d'une visite familiale ou privée. ". Selon l'article L. 211-4 du même code, l'attestation d'accueil " est accompagnée de l'engagement de l'hébergeant de prendre en charge, pendant toute la durée de validité du visa (...) et au cas où l'étranger accueilli n'y pourvoirait pas, les frais de séjour en France de celui-ci, limités au montant des ressources exigées de la part de l'étranger pour son entrée sur le territoire en l'absence d'une attestation d'accueil. ".

13. Il résulte de ces dispositions que l'obtention d'un visa de court séjour est subordonnée à la condition que le demandeur justifie à la fois de sa capacité à retourner dans son pays d'origine et de moyens de subsistance suffisants pendant son séjour. Il appartient au demandeur de visa dont les ressources personnelles ne lui assurent pas ces moyens d'apporter la preuve de ce que les ressources de la personne qui l'héberge et qui s'est engagée à prendre en charge ses frais de séjour au cas où il n'y pourvoirait pas sont suffisantes pour ce faire. Cette preuve peut résulter de la production d'une attestation d'accueil validée par l'autorité compétente et comportant l'engagement de l'hébergeant de prendre en charge les frais de séjour du demandeur, sauf pour l'administration à produire des éléments de nature à démontrer que l'hébergeant se trouverait dans l'incapacité d'assumer effectivement l'engagement qu'il a ainsi souscrit.

14. Mme D... perçoit une pension d'un montant de 53 237 dinars algériens soit 326 euros mensuels. Elle ne justifie donc pas disposer de moyens de subsistance suffisants pour son séjour de 45 jours en France et pour garantir son retour dans son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que son fils, qui s'est engagé à l'héberger et à la prendre en charge pendant la durée de son séjour, justifie d'un revenu fiscal de référence au titre de l'année 2018 de 16 908 euros soit 1 400 euros mensuels, pour un foyer composé de deux personnes, et est locataire d'une maison d'un logement de type 5, pour un loyer mensuel de 600 euros. Eu égard au niveau de revenus et aux charges connues de M. Mohammed F..., le ministre apporte la preuve qui lui incombe du caractère insuffisant des ressources de l'hébergeant pour assumer effectivement l'engagement qu'il a souscrit. Si Mme D... soutient que M. Mohammed F... dispose de 10 000 euros sur un compte d'épargne et que les autres de ses enfants qui résident en France peuvent participer à sa prise en charge, il ressort des pièces du dossier que l'attestation de la banque postale relative au Livret A de M. Mohammed F... est postérieure à la décision attaquée de même que l'engagement de la fille de la requérante, dont au demeurant les ressources sont inférieures à celles de M. Mohammed F..., à prendre en charge le séjour de sa mère en France. Par suite, c'est par une exacte application des dispositions précitées que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur l'insuffisance des ressources de Mme D... et de son hébergeant.

15. Il résulte de l'instruction de la commission aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif, qui suffisait, à lui seul, à fonder la décision attaquée.

16. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Eu égard à la nature du visa sollicité, et dès lors qu'il n'est pas établi ni même allégué que ceux des enfants de Mme D... qui résident en France sont dans l'impossibilité de lui rendre visite en Algérie, le moyen tiré de ce que la décision de la commission de recours porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Douet, présidente assesseure,

- Mme Bougrine, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2021.

La rapporteure,

H. DOUET

Le président,

A. PÉREZ

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT02528


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02528
Date de la décision : 22/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-005-01 Étrangers. - Entrée en France. - Visas.


Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Hélène DOUET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : PEYROUZET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-10-22;20nt02528 ?
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