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05/11/2021 | FRANCE | N°21NT00043

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 05 novembre 2021, 21NT00043


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 4 juin 2020 du préfet du Calvados lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2001205 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoire, enregistrés les 7 janvier, 1er juin et 16 septembre

2021, Mme C..., représentée par Me Bara Carré, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 4 juin 2020 du préfet du Calvados lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2001205 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoire, enregistrés les 7 janvier, 1er juin et 16 septembre 2021, Mme C..., représentée par Me Bara Carré, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 15 octobre 2020 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 4 juin 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, le tout dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- en s'abstenant de faire usage de leur pouvoir d'instruction pour s'assurer de ce que son enfant pouvait bénéficier ou non d'un traitement approprié en Géorgie, les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité ;

- en s'estimant lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), le préfet a entaché sa décision de refus de titre de séjour d'erreur de droit ;

- la décision portant refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de l'impossibilité pour son enfant de bénéficier des soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été pris en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée en conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2021, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport E... Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante géorgienne née le 17 novembre 1975, est entrée irrégulièrement en France le 10 décembre 2018, selon ses déclarations. Le bénéfice de l'asile lui a été refusé par décision du 8 mars 2019 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'intéressée a sollicité le 19 novembre 2019 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant malade. Par un arrêté du 4 juin 2020, le préfet du Calvados a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du

15 octobre 2020 du tribunal administratif de Caen rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-10 du code de justice administrative : " Sous l'autorité du président de la chambre à laquelle il appartient et avec le concours du greffier de cette chambre, le rapporteur fixe, eu égard aux circonstances de l'affaire, le délai accordé aux parties pour produire leurs mémoires. Il peut demander aux parties, pour être jointes à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige (...) ".

3. Si le tribunal peut demander aux parties toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige, une telle demande constitue une simple faculté pour le juge. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges n'auraient pas été suffisamment éclairés par les éléments et pièces versées au dossier par les parties à l'instance et qu'en conséquence il aurait dû exercer son pouvoir d'instruction pour compléter le dossier avant de statuer sur le litige, comme le soutient la requérante. Par suite, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier sur ce point.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites ". Aux termes de l'article

L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Calvados, s'il a repris à son compte les termes de l'avis émis le 27 janvier 2020 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), après s'être livré à un examen de la situation personnelle de la requérante, se serait estimé lié par cet avis. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée pour ce motif la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.

6. Par son avis du 27 janvier 2020, que le préfet du Calvados s'est approprié, le collège de médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé du jeune B... D..., fils mineur E... C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé pouvait lui permettre de voyager sans risque vers ce pays. Il ressort des pièces du dossier que l'enfant, souffrant de mucoviscidose, bénéficie d'un suivi régulier par le centre de ressources et de compétences en matière de mucoviscidose pédiatrique au centre hospitalier universitaire de Caen et de séances de kinésithérapie respiratoire, ainsi que de prescriptions médicamenteuses associant notamment aérosols de fluidifiants, antibiothérapie, inhibiteurs de la pompe à protons, vitamines, et acide ursodésoxycholique. Si Mme C... soutient que certains des produits qui lui sont prescrits sont indisponibles en Géorgie, elle ne le justifie pas par le document qu'elle produit en ce sens, présenté comme une réponse adressée le 20 novembre 2020 par un agent du ministère géorgien en charge de la santé en réponse à la demande d'un tiers, son contenu n'étant pas corroboré par les données du site web auquel renvoie ce document et dont le préfet du Calvados produit des extraits. Les documents comportant des considérations générales sur la mucoviscidose et les certificats médicaux produits par l'intéressée, eu égard aux termes dans lesquels sont rédigés ces derniers, ne suffisent pas davantage à remettre en cause la teneur de l'avis du collège de médecins de l'OFII. Il en va de même du document présenté comme un témoignage établi en décembre 2020 par des parents de patients atteints de la mucoviscidose, dépourvu de caractère probant. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée portant refus de titre de séjour aurait été pris en méconnaissance des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 4 ci-dessus doit être écarté.

7. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

8. Mme C... ne peut utilement invoquer l'état de santé de son enfant pour soutenir que la mesure d'éloignement prise à son encontre méconnaît les dispositions du

10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au demeurant, elle n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, que son fils ne pourrait avoir un accès effectif à des soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine.

9. Ainsi qu'il a été dit au point 6, Mme C... n'établit pas que son enfant serait dans l'impossibilité de bénéficier dans son pays d'origine d'une prise en charge adaptée à son état de santé. Par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que la décision obligeant la requérante à quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

10. Mme C... fait valoir qu'elle réside en France depuis le mois de décembre 2018 avec son époux et leur enfant né en 2012, scolarisé. Toutefois, alors que sa présence sur le territoire français, tout comme celle de sa famille, est récente et que la résidence régulière de son époux n'est pas justifiée, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée serait dans l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale dans son pays d'origine, qu'elle a quitté à l'âge de quarante-trois ans, ou d'y scolariser son enfant. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions de séjour en France E... C..., la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet du Calvados n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Le présent arrêt ne prononçant pas l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.

12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, Mme C... n'établissant pas que son enfant ne pourrait bénéficier d'une prise en charge adaptée à son état de santé dans son pays d'origine, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : La requête E... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 14 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 5 novembre 2021.

La rapporteure,

C. BRISSON Le président,

D. SALVI

La greffière,

A MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT000432


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00043
Date de la décision : 05/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : BARA CARRE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-11-05;21nt00043 ?
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