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23/11/2021 | FRANCE | N°21NT00574

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 23 novembre 2021, 21NT00574


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler les arrêtés du 15 janvier 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités italiennes et l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, ensuite, d'enjoindre à cette autorité de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notificat

ion du présent jugement et de lui délivrer dans cette attente une autorisation prov...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler les arrêtés du 15 janvier 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités italiennes et l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, ensuite, d'enjoindre à cette autorité de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros qui devra être versée à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2100789 du 2 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 mars 2021, Mme B..., représentée par Me Wozniak, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 février 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler les arrêtés du 15 janvier 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités italiennes et l'assignant à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté portant transfert contesté a été notifié par un agent dont l'identité et la compétence ne sont pas établies ;

- l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté contesté est entaché de plusieurs erreurs de droit ;

- elle méconnaît l'effectivité de la protection asilaire ; le préfet s'étant cru en situation de compétence liée par les critères de détermination de l'Etat responsable du règlement dit " Dublin III " et n'a pas examiné la possibilité de faire application de la clause discrétionnaire de l'article 17 de ce règlement ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que son frère jumeau bénéficie d'un suivi médical en France ;

- la décision d'assignation à résidence est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête au motif que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire complémentaire, enregistré le 9 août 2021, le préfet de Maine-et-Loire informe la cour que le délai de réadmission est prorogé jusqu'au 2 août 2022, en application de l'article 29-2 du règlement Dublin III, l'intéressée ayant été déclarée en fuite dès lors qu'elle ne s'est pas présentée aux convocations des 4 et 6 juin 2021 en vue de la notification d'un plan de vol en destination de l'Italie.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante camerounaise née le 10 avril 1995, est entrée, en France le 16 novembre 2020 et a présenté, le 4 décembre 2020, une demande d'asile à la préfecture de la Loire-Atlantique. La confrontation des empreintes digitales de l'intéressée avec le fichier Eurodac a révélé qu'elles avaient été enregistrées en Italie le 6 novembre 2020. Les autorités italiennes, saisies le 8 décembre 2020, ont expressément accepté leur responsabilité le 21 décembre 2020. Par deux arrêtés du 15 janvier 2021, le préfet de Maine-et-Loire a décidé le transfert de Mme B... aux autorités italiennes et l'a assignée à résidence. Mme B... relève appel du jugement du 2 février 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur l'arrêté de transfert :

2. En premier lieu, il ne ressort d'aucune disposition législative ou réglementaire que l'agent de la préfecture qui a notifié à Mme B... l'arrêté de transfert contesté doive être spécialement habilité à cet effet. Au demeurant, et en tout état de cause, les conditions de notification d'une décision administrative demeurent sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été notifié par un agent dont l'identité et la compétence ne sont pas établies doit être écarté comme inopérant.

3. En deuxième lieu, la décision de transfert d'un demandeur d'asile en vue de sa prise en charge par un autre Etat membre doit être suffisamment motivée afin de le mettre à même de critiquer l'application du critère de détermination de l'Etat responsable de sa demande et, ainsi, d'exercer le droit à un recours effectif garanti par les dispositions de l'article 27 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. A cet égard, l'arrêté contesté du 15 janvier 2021 portant transfert aux autorités italiennes comporte les motifs de droit et les considérations de fait sur lesquels il se fonde. Il précise, en particulier, les conditions de l'entrée en France de Mme B... en indiquant qu'elle avait précédemment sollicité l'asile en Italie sous le n° IT 1NA05E5M et que les autorités italiennes ont donné leur accord explicite le 21 décembre 2020 à sa reprise en charge. La décision mentionne également les éléments de sa situation personnelle, notamment le fait qu'elle déclare être célibataire, avoir un frère en France et deux enfants mineurs résidant au Cameroun et aussi qu'elle serait atteinte de problèmes de santé mais sans en justifier. S'il n'y est pas indiqué que les autorités italiennes ont été saisies d'une demande de reprise en charge, les éléments ci-dessus rappelés, en particulier la circonstance que la requérante a en premier lieu sollicité l'asile en Italie, permettent en l'espèce à Mme B... de comprendre la procédure conduite à son encontre. Dans ces conditions, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation en droit et en fait doit être écarté.

4. En troisième lieu, d'une part, l'arrêté contesté vise et fait application du règlement CE n° 1560/2003 du 2 septembre 2003. Ces dispositions, portant modalités d'application du règlement CE n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ont été, comme le soutient la requérante, modifiées par le règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ainsi que par le règlement UE n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers. Il est exact que l'arrêté contesté, s'agissant des modifications réglementaires intervenues, ne vise que le règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Toutefois, la seule circonstance que le dernier règlement ne soit pas également visé dans l'arrêté contesté, ne permet pas d'établir, eu égard aux mentions et considérations que la décision comporte par ailleurs, que le préfet de Maine-et-Loire aurait fait application de dispositions abrogées du règlement CE n°1560/2003. D'autre part, il ressort des motifs de la décision contestée que la réadmission en Italie de Mme B... est fondée sur l'article 18.1 (b) du règlement UE n° 604/2013, qui prévoit que l'Etat membre responsable est tenu de reprendre en charge le demandeur dont la demande d'asile est en cours d'examen. Or il ressort des informations portées sur le fichier Eurodac que l'intéressée avait précédemment déposé une demande d'asile le 6 novembre 2020 auprès des autorités italiennes. En application des articles 3-2 et 7 du Règlement Dublin III, l'Etat membre responsable de sa demande d'asile était donc bien l'Italie. Par suite, la circonstance que l'arrêté attaqué ne précise pas la durée de son séjour respectivement en Italie puis en France, est sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit dès lors être écarté dans ses différentes branches.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en œuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

6. D'une part, il ressort des mentions contenues dans son arrêté contesté que le préfet de Maine-et-Loire a examiné la possibilité, prévue par les dispositions de l'article 17 précitées du règlement du 26 juin 2013, pour les autorités françaises d'instruire la demande d'asile présentée par Mme B... alors qu'elle relève en principe de la compétence d'un autre Etat, et, ce en considération d'éléments tenant à la situation personnelle de la demandeuse, aux défaillances systémiques dans la procédure d'asile et aux conditions d'accueil dans le pays désigné. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, qui n'apportait au demeurant aucun élément faisant état d'une vulnérabilité particulière ou de l'existence d'une vie privée et familiale en France, le préfet de Maine-et-Loire ne s'est pas estimé en situation de compétence liée pour refuser son admission au séjour et a examiné sa situation personnelle au regard de la faculté que lui offrent les dispositions précitées de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013. Dans ces circonstances, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté serait entaché d'erreur de droit ou méconnaîtrait l'effectivité de la protection asilaire.

7. En cinquième et dernier lieu, si Mme B... soutient que son frère jumeau bénéficie d'un suivi médical en France, elle ne produit pas davantage en appel qu'en première instance d'élément à l'appui de cette allégation. Dans ces circonstances, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit ainsi être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 janvier 2021 portant transfert de Mme B... aux autorités italiennes doit être rejetée.

Sur l'arrêté portant assignation à résidence :

9. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) ".

10. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte l'énoncé suffisamment précis des circonstances de fait et des motifs de droit qui le fondent. Il vise notamment les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il fait application et les circonstances propres à la situation de la requérante. Par suite le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté comme manquant en fait.

11. En second lieu et pour le surplus, Mme B... se borne à reprendre devant le juge d'appel les mêmes moyens que ceux invoqués en première instance sans plus de précisions ou de justifications et sans les assortir d'éléments nouveaux. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge et tirés de ce que l'arrêté du 15 janvier 2021 décidant son assignation à résidence n'est entaché ni d'une erreur de droit, ni d'une erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 janvier 2021 portant transfert aux autorités italiennes et de l'arrêté du même jour décidant son assignation à résidence. Dès lors, sa requête, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais liés à l'instance, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2021.

Le rapporteur, Le président,

O. COIFFET O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00574
Date de la décision : 23/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : WOZNIAK

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-11-23;21nt00574 ?
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