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29/11/2021 | FRANCE | N°21NT01747

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 29 novembre 2021, 21NT01747


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises en poste à Alger rejetant sa demande de visa de long séjour présentée en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Par un jugement n° 2011110 du 4 mai 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décisio

n implicite de la commission et enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises en poste à Alger rejetant sa demande de visa de long séjour présentée en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Par un jugement n° 2011110 du 4 mai 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission et enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juin 2021, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 mai 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que le mariage du requérant avec une ressortissante française constitue une union d'opportunité dont le seul objet est de faciliter l'installation du premier sur le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2021, M. B... conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête, qui se borne à réitérer les arguments exposés dans le mémoire en défense produit en première instance, est irrecevable ;

- le moyen soulevé par le ministre de l'intérieur n'est pas fondé ;

- la décision de refus de visa est insuffisamment motivée.

Vu :

- l'arrêt n° 21NT01748 du 3 septembre 2021 statuant sur la demande de sursis à exécution du jugement attaqué ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

M. B... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (55 %) par une décision du 22 novembre 2021.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. 1. M. B..., de nationalité algérienne, a épousé le 18 novembre 2017 à Billère (Pyrénées-Atlantiques), une ressortissante française. Le 9 février 2020, les autorités consulaires françaises en poste à Alger ont refusé de lui délivrer le visa de long séjour qu'il sollicitait en sa qualité de conjoint d'une ressortissante française. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre cette décision consulaire. A la demande de M. B..., le tribunal administratif de Nantes a, par un jugement du 4 mai 2021, annulé la décision implicite de la commission et enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 211-2-1, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article. / (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire afin que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir, par des éléments précis et concordants, que le mariage est entaché d'une telle fraude de nature à légalement justifier le refus de visa.

4. Il est constant que, ainsi que le fait valoir le ministre de l'intérieur, M. B... est entré et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français de 2010 à 2019. Toutefois, cette circonstance n'est pas de nature, à elle seule, à démontrer le défaut de sincérité du mariage célébré le 18 novembre 2017 après plusieurs années de vie commune. Aucun des éléments avancés par le ministre de l'intérieur en vue d'établir le caractère frauduleux de cette union n'emporte la conviction. En particulier, contrairement à ses allégations, le requérant et son épouse ont indiqué, notamment, dans le recours formé devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, les dates de leur rencontre, de leur vie commune, de leur déménagement ainsi que de l'organisation de leur mariage. Au demeurant, il n'est pas versé à l'instance les procès-verbaux d'audition à laquelle les intéressés se sont soumis devant la police aux frontières et dont il est soutenu qu'ils ont été transmis au Procureur de la République précisément en vue de lui permettre de s'opposer au mariage, ce qu'il n'a pas fait. Par ailleurs, le ministre ne saurait sérieusement, alors que les tampons apposés sur le passeport de l'épouse de M. B... attestent de la réalité du séjour en Algérie de près de trois mois effectué par cette dernière à l'automne 2019, mettre en doute l'objet de ce séjour au seul motif que les photographies du couple prises en Algérie ne sont pas datées. De même, le requérant explique sans être contredit que les sommes d'argent qu'il reçoit de son épouse sont transférées au moyen de mandats adressés à des tiers dans la mesure où il ne lui est pas possible, faute de ressources, d'être titulaire de son propre compte bancaire. Enfin, en se bornant à se prévaloir du caractère déclaratif des justifications apportées par M. B..., lequel démontre au surplus être engagé dans un projet parental, le ministre de l'intérieur n'apporte aucunement la preuve qui lui incombe du caractère frauduleux du mariage. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, le tribunal administratif de Nantes a considéré qu'elle était entachée d'illégalité au regard des dispositions de l'article L. 211-2-1, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel, que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission et lui a enjoint de délivrer à M. B... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... C... la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Douet, présidente-assesseure,

- Mme Bougrine, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 novembre 2021.

La rapporteure,

K. BOUGRINE

Le président,

A. PEREZLa greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 21NT01747


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01747
Date de la décision : 29/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : MOURA

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-11-29;21nt01747 ?
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