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10/12/2021 | FRANCE | N°20NT03665

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 10 décembre 2021, 20NT03665


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 250 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi en raison de la décision de refus de visa de long séjour opposée à sa mère, Mme C....

Par un jugement n° 1707749 du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 novembre 2020 sous le n°20NT03665 et des mémoires en

registrés les 10 et 15 novembre 2021, Mme B... A..., représentée par Me Chanlair, demande à la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 250 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi en raison de la décision de refus de visa de long séjour opposée à sa mère, Mme C....

Par un jugement n° 1707749 du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 novembre 2020 sous le n°20NT03665 et des mémoires enregistrés les 10 et 15 novembre 2021, Mme B... A..., représentée par Me Chanlair, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 24 septembre 2020 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 250 000 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de refus de visa est illégale et le comportement des agents consulaires à l'égard de Mme C... lors de sa demande de visa constitue également une faute qui engage la responsabilité de l'administration ;

- Mme C... aurait eu droit à la délivrance d'un visa en qualité d'ascendant à charge ou pour raisons médicales ;

- Mme C... a subi des préjudices s'élevant à 140 000 euros, dont Mme A... demande la réparation en tant qu'héritière de sa mère ; elle évalue son préjudice propre à 110 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Douet,

- et les observations de Me Henriot, substituant Me Chanlair, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante burkinabée, née en le 7 juin 1928, a subi une opération du col du fémur à Ouagadougou en juillet 2012 et un accident vasculaire cérébral le 1er août 2012. Elle a sollicité, le 13 mai 2013, la délivrance d'un visa de long séjour pour établissement familial et raison médicale. Le refus opposé à cette demande par les autorités consulaires françaises a été contesté devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France qui a rejeté le recours de Mme C... le 18 septembre 2013. Mme C... est décédée le 28 juillet 2014. Par un jugement du 12 janvier 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission du 18 septembre 2013 refusant le visa sollicité par Mme C.... Mme A..., ressortissante française née le 13 mars 1964, fille de Mme C..., a formé, le 28 avril 2017, auprès du ministre de l'intérieur une demande d'indemnisation, à hauteur de 250 000 euros, du préjudice moral qu'elle estime avoir subi à raison du refus de visa opposé à sa mère. Mme A... relève appel du jugement du 24 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 250 000 euros.

Sur la responsabilité :

2. La responsabilité d'une personne publique n'est susceptible d'être engagée que s'il existe un lien de causalité suffisamment direct entre les fautes qu'elle a commises et le préjudice dont la victime demande réparation.

3. En premier lieu, le tribunal administratif de Nantes a regardé la demande de visa de Mme C... comme également sollicitée en tant qu'ascendante à charge d'une ressortissante française et a annulé la décision du 18 septembre 2013 au motif que celle-ci ne comportait aucune motivation de fait et de droit sur ce point. L'illégalité fautive de la décision de la commission du 18 septembre 2013 est établie par le jugement du 12 janvier 2016 du tribunal administratif de Nantes, devenu définitif.

4. En second lieu, Mme A... soutient, sans être contestée, que lors du dépôt de son dossier de demande et de son entretien au consulat en mai 2013, il a été refusé à Mme C... la faveur d'être accompagnée par l'assistante sociale qui l'assistait alors que Mme C... était diminuée et parlait mal le français. Compte tenu de la situation de santé particulière de Mme C... à cette date, ce comportement est également susceptible de constituer une faute.

5. Toutefois, ainsi que l'ont jugé les premiers juges, il ne résulte pas de l'instruction que l'illégalité fautive entachant le refus de visa litigieux présente un lien direct avec le préjudice moral invoquée par Mme A.... Si Mme A... soutient que le défaut de motivation entachant la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a fait perdre à sa mère une chance de comprendre les motifs du refus et de redéposer une demande de visa, il n'en résulte pas pour autant un lien direct et certain entre les préjudices invoqués et l'illégalité entachant le refus de visa. A cet égard, l'administration dispose, en matière de visa pour raison médicale, d'un large pouvoir d'appréciation. Si la requérante soutient que sa mère remplissait les conditions pour se voir délivrer un visa de long séjour pour raisons médicales ou en qualité d'ascendant à charge, il résulte de l'instruction que l'intéressée ne justifiait pas, à la date de la décision de refus de visa du caractère urgent d'une prise en charge en France, alors que son médecin relevait en juillet 2013 que sa patiente allait mieux et préconisait seulement " de faire le point sur la prothèse de la hanche " et de " compléter la rééducation ". Mme C... ne justifiait pas davantage de sa qualité d'ascendante à charge d'une ressortissante française en l'absence de précisions sur le niveau de ses ressources propres et alors que les justificatifs de transferts d'argent, produits en appel, sont adressés à d'autres personnes que Mme C.... Enfin, pour regrettable qu'ait été l'attitude des agents des services consulaires, il ne résulte pas de l'instruction que ces circonstances aient eu un lieu direct et certain avec le décès de Mme C..., qui, contrairement à ce que soutient la requérante, avait la possibilité de redéposer une demande de visa. Dans ces conditions, l'illégalité entachant le refus de visa opposé à la mère de la requérante ou le comportement de l'administration lors de la demande de visa ne peuvent être regardés comme la cause directe du préjudice moral dont cette dernière demande la réparation.

6. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de Mme A... à fin d'indemnisation doivent être rejetées. Il en va, de même, par voie de conséquence de ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Douet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2021.

La rapporteure,

H. DOUET

Le président,

A. PÉREZ

La greffière,

A. LEMÉE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20NT03665 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03665
Date de la décision : 10/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-005-01 Étrangers. - Entrée en France. - Visas.


Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Hélène DOUET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : CHANLAIR

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-10;20nt03665 ?
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