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17/12/2021 | FRANCE | N°20NT03083

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 décembre 2021, 20NT03083


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... M'Bokolo, Mme H... M..., Mme K... M'Bokolo, M. C... M'Bokolo, M. B... M'Bokolo et M. D... A... M'Bokolo ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier de Carhaix à les indemniser des préjudices subis à la suite de la prise en charge par cet établissement de Mme H...

M... et de Mme E... M'Bokolo.

Par un jugement n° 1600207 du 30 juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête et un mémoire, enregistrés les 30 septembre 2020 et 19 mars 2021, Mme E... M'Bokolo, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... M'Bokolo, Mme H... M..., Mme K... M'Bokolo, M. C... M'Bokolo, M. B... M'Bokolo et M. D... A... M'Bokolo ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier de Carhaix à les indemniser des préjudices subis à la suite de la prise en charge par cet établissement de Mme H...

M... et de Mme E... M'Bokolo.

Par un jugement n° 1600207 du 30 juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 septembre 2020 et 19 mars 2021, Mme E... M'Bokolo, Mme H... M..., Mme K... M'Bokolo, M. C... M'Bokolo, M. B... M'Bokolo et M. D... A... M'Bokolo, représentés par la SELARL cabinet Mor, demandent à la cour en l'état de leurs dernières écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 juillet 2020 ;

2°) de condamner, à titre principal, le centre hospitalier de Carhaix ou subsidiairement, en l'absence de faute du centre hospitalier, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à verser :

- à Mme E... M'Bokolo la somme totale de 1 018 600 euros en réparation de ses préjudices,

- à M. C... M'Bokolo et à Mme H... M... la somme de 30 000 euros chacun en réparation de leur préjudices extra-patrimoniaux et la somme de 2 500 euros en réparation de leurs frais de déplacement,

- à Mme K... M'Bokolo, à M. B... M'Bokolo et à M. L... M'Bokolo la somme de 6 000 euros chacun en réparation de leurs préjudices extra-patrimoniaux ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Carhaix à verser aux consorts M'Bokolo la somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice moral ;

4°) dire que ces sommes porteront intérêts à compter de la réclamation préalable et capitalisation des intérêts ;

5°) de condamner, à titre principal, le centre hospitalier de Carhaix ou, subsidiairement, l'ONIAM aux dépens ;

6°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Carhaix, ou subsidiairement de l'ONIAM, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le dossier médical produit par le centre hospitalier de Carhaix est trop succinct pour apprécier la conduite tenue par l'équipe médicale quant à la procédure d'extraction par forceps qui a été suivie lors de l'accouchement de Mme E... M'Bokolo, le 29 août 1995, dans cet l'établissement hospitalier ;

- l'expertise réalisée par le Dr N... le 12 septembre 2003, qui met en avant l'extrême pauvreté du dossier médical, retient plusieurs fautes à l'encontre du centre hospitalier de Carhaix ; il en est de même de la deuxième expertise du Dr I..., qui a pour objet de se prononcer sur les préjudices, dont il résulte que la responsabilité du centre hospitalier de Carhaix est pleine et entière ; la troisième expertise du 14 octobre 2019, réalisée par le Dr F..., ne saurait être prise en compte faute pour l'expert d'avoir répondu aux questions posées par le tribunal et d'avoir dénaturé les termes de sa mission ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, qui a fait abstraction des deux premières expertises, différentes fautes ont été commises lors de l'accouchement, de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Carhaix et tenant à :

* la tenue insuffisante du dossier médical qui ne respecte pas les recommandations de la Haute autorité de santé, ce qui établit la mauvaise qualité des soins et ne leur permet pas de prouver l'existence d'une faute ; du fait du caractère incomplet de ce dossier, la charge de la preuve est dès lors renversée ;

* l'absence d'examen préalable afin de prévenir un risque de dystocie des épaules en cas de suspicion d'une macrosomie ;

* l'absence d'appel à l'obstétricien par la sage-femme dès le début du travail dès lors qu'il s'agissait d'un accouchement dystocique, ce qui a empêché l'obstétricien de pouvoir apprécier le choix thérapeutique adapté à mettre en œuvre, notamment la réalisation d'une césarienne ;

* l'absence de soins conformes aux données acquises de la science dès lors que la maternité ne disposait pas des effectifs suffisants pour suivre en toute sécurité l'accouchement qui présentait un risque ;

- les fautes ainsi relevées présentent un lien de causalité direct et certain avec la lésion du plexus brachial par étirement lors de l'extraction au forceps alors que cette lésion aurait pu être évitée en procédant à une césarienne ;

- aucune perte de chance ne peut être retenue, la responsabilité du centre hospitalier étant pleine et entière ;

- à titre subsidiaire, si aucune faute ne devait être retenue à l'encontre du centre hospitalier, l'ONIAM devra indemniser leur préjudice au titre de la solidarité nationale dès lors que l'expert Chevron-Breton a fixé le déficit fonctionnel permanent à 33 % ;

- les préjudices dont il est demandé l'indemnisation, à titre principal par le centre hospitalier de Carhaix et à titre subsidiaire par l'ONIAM, concernent :

* pour Mme E... M'Bokolo, l'assistance à tierce-personne avant et après consolidation (pour une montant total de 772 496,41 euros), les frais d'un véhicule (35 019,24 euros), l'incidence professionnelle (40 000 euros), les frais divers exposés lors des opérations d'expertise (600 euros), le déficit fonctionnel temporaire (43 950 euros), le déficit fonctionnel permanent (120 000 euros), les souffrances endurées (10 000 euros), le préjudice esthétique temporaire et permanent (15 000 euros) et le préjudice d'agrément (12 000 euros) ;

* pour M. C... M'Bokolo et Mme H... M..., ses parents : les frais divers pour accompagner leur enfant à l'hôpital Necker à Paris (3 015 euros) et la souffrance morale (30 000 euros chacun)

* pour Mme K... M'Bokolo, M. B... M'Bokolo et M. L... M'Bokolo, ses frères et sa sœur : le préjudice d'affection (6 000 euros chacun) ;

* le centre hospitalier de Carhaix devra, en outre, être condamné à verser à M. C... M'Bokolo et à Mme H... M..., une somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice moral résultant de la tenue insuffisante du dossier médical.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2021, le centre hospitalier de Carhaix, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002,

- le code de la santé publique,

- le code de la sécurité sociale,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. L'hirondel,

- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Le 29 août 1995, Mme H... M... a donné naissance au centre hospitalier de Carhaix à une enfant dénommée E... M'Bokolo, atteinte d'une paralysie du plexus brachial droit. Imputant cette paralysie aux conditions de l'accouchement, les parents de l'intéressée ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rennes afin que soit ordonnée une expertise. Le docteur N..., gynécologue obstétricien, a été désigné en qualité d'expert et a déposé son rapport. Une nouvelle expertise a été organisée à la demande des requérants afin de réévaluer les préjudices de Mme E... M'Bokolo, laquelle a été confiée au Dr J..., rhumatologue qui a remis son rapport le 21 avril 2015. Les consorts M'Bokolo ont saisi le 18 novembre 2015, le centre hospitalier de Carhaix d'une réclamation préalable indemnitaire qui a été rejetée le 7 janvier 2016. Ils ont saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande, enregistrée le 19 janvier 2016, tendant à la condamnation du centre hospitalier de Carhaix à les indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis à la suite de la prise en charge de Mme H... M... lors de son accouchement le 29 août 1995 en raison de la survenance de la lésion du plexus brachial de l'enfant. Le tribunal administratif, par un jugement avant-dire droit du 5 juillet 2018, a ordonné une expertise complémentaire confiée au docteur F..., gynécologue-obstétricien. Le Dr F... a remis son rapport le 18 octobre 2019. Par un jugement du 30 juillet 2020, dont les consorts M'Bokolo relèvent appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La seule circonstance qu'un rapport d'expertise, à l'initiative de l'expert, se prononce sur des questions excédant le champ de l'expertise ordonnée par la juridiction, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher cette expertise d'irrégularité. Elle ne fait pas obstacle à ce que, s'ils ont été soumis au débat contradictoire en cours d'instance, les éléments de l'expertise par lesquels l'expert se prononce au-delà des termes de sa mission soient régulièrement pris en compte par le juge, soit lorsqu'ils ont le caractère d'éléments de pur fait non contestés par les parties, soit à titre d'éléments d'information dès lors qu'ils ne sont pas infirmés par d'autres éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige. Par suite, alors que, de plus, le Dr F... n'a pas excédé les termes de sa mission, les consorts M'Bokolo ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal administratif aurait entaché sa décision d'irrégularité en prenant en compte, pour juger qu'aucune faute n'avait été commise par le centre hospitalier, les seuls éléments du rapport d'expertise du Dr F....

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Carhaix :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute médicale et dans l'organisation du service :

3. En dehors des actes de soins courants où la faute peut être présumée lorsque ceux-ci ont des conséquences anormales sur l'état de santé de la personne, la responsabilité d'un établissement public de santé ne peut être engagée que sur le terrain de la faute prouvée. Lorsque la perte, l'insuffisance ou l'absence de production de la part de l'établissement d'éléments essentiels du dossier médical, place le patient ou ses ayants droit dans l'impossibilité d'accéder aux informations de santé concernant celui-ci et, le cas échéant, d'établir l'existence d'une faute dans sa prise en charge, il appartient au juge, après avoir invité l'établissement à produire tous les éléments médicaux en sa possession de nature à justifier les modalités de la prise en charge, de former sa conviction sur la conformité des soins aux règles de l'art médical au vu des éléments versés ou non versés au dossier.

4. En premier lieu, aux termes du second alinéa de l'article L. 369 du code de la santé publique dans sa rédaction alors applicable et qui concerne les règles propres à l'exercice de la profession de sages-femmes " En cas d'accouchement dystocique ou de suites de couches pathologiques, elles doivent faire appeler un docteur en médecine ".

5. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du Dr F..., qu'en cas de dystocie des épaules intervenant au cours de l'accouchement, des manœuvres obstétricales particulières, telles la manœuvre dite de Mac Roberts ou, en cas d'échec de cette dernière, des manœuvres de retournement du fœtus pour extraire l'enfant sont réalisées, lesquelles ne peuvent échapper à la parturiente. Lors des opérations expertales, Mme M... a indiqué que l'accouchement, après la mise en place du forceps, a été facile, sans faire état de l'exécution de manœuvres particulières. En outre, selon l'expert, l'enfant est née sans séquelle traumatique, avec un score d'Apgar à 10 et un cri immédiat, de sorte qu'il n'a pas rencontré de difficultés d'adaptation à la vie extra-utérine, ce qui est pourtant, en général, le cas après avoir usé de ces manœuvres. Enfin, si le dossier médical indique le recours au forceps, il ne fait, en revanche, aucune mention de manœuvres pour faire face à un cas de dystocie. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la sage-femme a été confrontée à une situation d'accouchement dystocique et a par suite méconnu les dispositions de l'article L. 369 du code de la santé publique en ne faisant pas appel immédiatement à un docteur en médecine. Au surplus, si l'obstétricien n'a pas été prévenu dès l'entrée en travail, il était néanmoins présent lors de l'expulsion, de même que la sage-femme et l'anesthésiste. Tant l'expert F... que l'expert N... sont concordants pour retenir que l'absence de coordination entre la sage-femme et le gynécologue n'a eu aucune incidence quant à la réalisation du préjudice subi par l'enfant et dont les requérants demandent la réparation.

6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise du Dr N... et du Dr F..., que, la littérature médicale recommande, en général, une épreuve de travail pour tous les fœtus estimés à plus de 4 000 grammes et que, le bassin de la parturiente, qui avait déjà accouché d'enfants macrosomes, était " excellent ". Ils estiment ainsi que l'accouchement par voie basse était parfaitement fondé. Si, compte tenu du poids de l'enfant, certaines mesures de sécurité devaient être prises, cette seule circonstance ne pouvait, en aucun cas, justifier le recours à une césarienne qui est réservée en cas de fœtus supérieur à 4 500 grammes et de diabète gestationnel ou de fœtus supérieur à 5 000 grammes lorsqu'il n'y a pas de diabète, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. En outre, l'utilisation du forceps était, selon l'expert F..., " la seule solution pour extraire cet enfant étant donné les efforts expulsifs inefficaces et il n'y avait pas de solution de remplacement ". Enfin, selon les rapports d'expertise du Dr J... et du Dr F..., la paralysie du bras du plexus brachial peut se produire dans le cadre d'un mécanisme naturel de propulsion fœtale, du fait des contractions utérines et des efforts expulsifs, entravée par l'accrochage de l'épaule antérieur sur la symphyse. Selon le Dr F..., tel semble être le cas en l'espèce, au regard des pièces du dossier, compte tenu de la position du nouveau-né au moment de l'expulsion alors même que l'extraction a nécessité l'utilisation du forceps. Il s'ensuit que lors de la réalisation de l'accouchement, aucune faute technique de nature à être à l'origine des lésions du plexus brachial de l'enfant, notamment pour ne pas avoir privilégié le recours à la césarienne, ne peut être retenue. L'intervention d'un kinésithérapeute à l'issue de l'accouchement n'est également pas de nature à révéler qu'une faute qui aurait été commise par le centre hospitalier.

7. En troisième lieu, il résulte du rapport d'expertise du Dr F... que

Mme M... a consulté le 28 août 1995 à 9 heures, son obstétricien qui est celui-là même qui interviendra lors de l'accouchement. Il est constant, qu'à l'issue de l'examen auquel il a procédé et alors qu'il était à même d'apprécier les conditions d'accouchement d'un bébé macrosome, il a noté, notamment, " conditions favorables " et " est en pré-travail ". Il ne résulte pas, dans ces conditions, de l'instruction que lors de la prise en charge par la sage-femme, dix heures seulement après cet examen, des radiographies complémentaires étaient indispensables. De plus, compte tenu de ce qui a été dit ci-avant, l'absence d'examen complémentaire est sans lien avec le dommage pour lequel il est demandé réparation.

8. En quatrième lieu, si la " pauvreté " du dossier médical de Mme M... par le centre hospitalier de Carhaix est susceptible de constituer une faute, celle-ci est sans lien de causalité direct avec le préjudice tiré de la lésion du plexus brachial dont est atteinte Mme E... M'Bokolo et dont les requérants demandent la réparation.

9. En cinquième et dernier lieu, si les requérants entendent soutenir que la maternité du centre hospitalier de Carhaix ne disposait pas des effectifs suffisants pour prendre en charge en toute sécurité un accouchement à risque, il ne résulte pas de ce qui précède que des manquements dans la prise en charge dont Mme M... et son enfant ont fait l'objet dans cet établissement seraient à l'origine des préjudices dont les requérants sollicitent la réparation.

10. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité pour faute médicale ou dans l'organisation et le fonctionnement du centre hospitalier de Carhaix ne saurait être engagée.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute du centre hospitalier :

11. Le dommage dont se plaint les requérants est apparu à la suite de la prise en charge de Mme H... M... lors de son accouchement le 29 août 1995, soit antérieurement à l'entrée en vigueur, le 5 septembre 2001, des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, issues de la loi du 4 mars 2002. Cette situation relève, dès lors, des principes selon lesquels lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité.

12. Il ne résulte pas de l'instruction, ainsi qu'il a été dit aux points 5 et 6, que la lésion du plexus brachial dont est atteinte Mme E... M'Bokolo puisse être imputée à un acte médical. En outre, ainsi qu'il résulte des rapports des experts N... et J..., la fonction de la main, du poignet et du coude est préservée. Même si la fonction motrice de l'épaule est perturbée et que l'intéressée est gênée lors d'activités bi-manuelles, Mme E... M'Bokolo reste autonome pour tous les actes de base de la vie quotidienne. Le préjudice pour lequel il est demandé réparation ne présente pas, dans ces conditions, un caractère d'extrême gravité. Par suite, la responsabilité sans faute du centre hospitalier de Carhaix ne saurait être engagée.

Sur l'indemnisation au titre de la solidarité nationale :

13. Aux termes de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dans sa rédaction issue de l'article 3 de la loi du 30 décembre 2002 : " Les dispositions du titre IV du livre 1er de la première partie du code de la santé publique issues de l'article 98 de la présente loi, à l'exception du chapitre 1er de l'article L. 1142-2 de la section 5 du chapitre II, s'appliquent aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées à compter du 5 septembre 2001, même si ces accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales font l'objet d'une instance en cours, à moins qu'une décision de justice irrévocable n'ait été prononcée ".

14. Il résulte de ces dispositions, qui sont intervenues pour préciser les modalités d'entrée en vigueur de l'article 98 de la loi du 4 mars 2002, que le régime de réparation des préjudices des patients, et, en cas de décès, de leurs ayants droit au titre de la solidarité nationale, institué par les articles L. 1142-1 et suivants du code de la santé publique, ne s'applique qu'aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des actes réalisés à compter du 5 septembre 2001, même s'ils font l'objet d'une instance en cours. Il n'est, en revanche, pas applicable aux procédures en cours relatives à des accidents médicaux consécutifs à des actes réalisés avant cette date. Les soins auxquels est imputé le dommage subi par Mme E... M'Bokolo ont été dispensés en 1995. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à demander la mise en cause de l'ONIAM pour obtenir la réparation de leur préjudice au titre de la solidarité nationale.

Sur les frais liés au litige :

15. D'une part, il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de maintenir à la charge du centre hospitalier de Carhaix les frais d'expertise du Dr F... tels que taxés et liquidés par l'ordonnance du 9 mars 2020 du président du tribunal administratif de Rennes à la somme de 2 000 euros.

16. D'autre part, les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Carhaix et de l'ONIAM, qui n'ont pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que les consorts M'Bokolo demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des consorts M'Bokolo est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... M'Bokolo, à Mme H... G...-Nongo, à Mme K... M'Bokolo, à M. C... M'Bokolo, à M. B... M'Bokolo, à M. L... M'Bokolo, au centre hospitalier de Carhaix, à la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- M. L'hirondel, premier conseiller,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.

Le rapporteur

M. L'HIRONDELLe président

D. SALVI

Le greffier

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 20NT03083


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03083
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET MOR

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-17;20nt03083 ?
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