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17/12/2021 | FRANCE | N°21NT00031

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 17 décembre 2021, 21NT00031


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 28 juin 2019 par laquelle le Conseil national de l'ordre des médecins a refusé de renvoyer le docteur A... D... devant la chambre disciplinaire de première instance.

Par un jugement n° 1901837 du 4 novembre 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2021, Mme B..., représentée par Me Agostini, demande à la cour :
r>1°) d'annuler le jugement n° 1901837 du tribunal administratif de Caen du 4 novembre 2020 ;

2°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 28 juin 2019 par laquelle le Conseil national de l'ordre des médecins a refusé de renvoyer le docteur A... D... devant la chambre disciplinaire de première instance.

Par un jugement n° 1901837 du 4 novembre 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2021, Mme B..., représentée par Me Agostini, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901837 du tribunal administratif de Caen du 4 novembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 28 juin 2019 du Conseil national de l'ordre des médecins ;

3°) d'enjoindre au président du Conseil national de l'ordre des médecins de transmettre sa plainte à la chambre disciplinaire de première instance, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier si la minute de cette décision n'a pas été signée par le président de la formation de jugement, par le rapporteur et par le greffier d'audience ;

- la décision du 28 juin 2019 a été prise par une autorité incompétente dès lors que c'est l'organe délibérant du CNOM et non son président qui a pris la décision contestée ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit, le président du Conseil national de l'ordre des médecins ou, à défaut, le Conseil national de l'ordre des médecins ayant compétence liée pour transmettre sa plainte ;

- elle est entachée dans l'application des dispositions de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique d'une erreur manifeste d'appréciation car les faits étaient détachables de la fonction publique exercée par le docteur D....

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2021, le Conseil national de l'ordre des médecins, représenté par la SCP Matuchansky-Poupot et Valdelièvre, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête de Mme B... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guéguen, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Pons, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... B... chirurgienne-dentiste, ancienne chirurgienne-dentiste-conseil ayant exercé à l'échelon local de Caen du service du contrôle médical de l'assurance maladie, a saisi le 21 avril 2015 l'agence régionale de santé de Basse-Normandie afin que soit transmise à la section disciplinaire du conseil régional de l'ordre des médecins une plainte dirigée contre son chef de service, Mme A... D..., médecin-conseil et chef de service médical au sein de la direction du service médical à l'échelon local de Caen de la caisse régionale d'assurance maladie de Normandie. Par un courrier du 2 juin 2015, la directrice générale de l'agence régionale de santé a informé l'intéressée de son refus de transmettre la plainte au conseil régional de l'ordre au motif que les griefs formulés à l'encontre de Mme D... étaient détachables de l'exercice de sa fonction de contrôle. Par un courrier du 19 juin 2015, Mme B... a saisi le conseil départemental de l'ordre des médecins en vue de la transmission de sa plainte à la chambre disciplinaire de première instance. Après tenue d'une réunion de conciliation, par une décision du 15 octobre 2015, le conseil départemental de l'ordre des médecins de Seine-Maritime a décidé de ne pas saisir la chambre disciplinaire de Haute-Normandie d'une plainte contre Mme D.... Par un courrier du 28 octobre 2016, Mme B... a saisi le président du Conseil national de l'ordre des médecins d'une demande tendant à la transmission de sa plainte contre Mme D... à la chambre disciplinaire de première instance. Par un courrier du 12 janvier 2017, le président du Conseil national de l'ordre des médecins a invité Mme B... à saisir une des autorités mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique, les faits reprochés à Mme D... étant rattachables à ses fonctions de médecin-conseil régional de l'assurance maladie. Mme B... a exercé un recours gracieux contre cette décision par un courrier du 24 janvier 2017 et ce recours a été rejeté par une décision du président du Conseil national de l'ordre des médecins du 14 février 2017. Par un jugement n° 1801340 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Caen a annulé les décisions par lesquelles le Conseil national de l'ordre des médecins a refusé de transmettre la plainte de Mme B... à la chambre disciplinaire de première instance, au motif que les faits reprochés à Mme D... ne relevaient pas de l'exercice, par cette dernière, de sa mission de contrôle et a enjoint au Conseil national de réexaminer la demande de l'intéressée dans un délai d'un mois. Ce jugement a été confirmé par un arrêt n° 19NT02895 du 20 novembre 2020 de la cour administrative d'appel de Nantes. Le Conseil national de l'ordre des médecins, à la suite de cette annulation, a pris le 28 juin 2019 une décision se fondant cette fois sur les dispositions du premier alinéa de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique, par laquelle il a, de nouveau, refusé de transmettre la plainte de Mme B... à la chambre disciplinaire de première instance. Par un jugement n° 1901837 du 4 novembre 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 28 juin 2019 du Conseil national de l'ordre des médecins. Mme B... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué est, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, signée du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier de l'audience qui s'est tenue le 14 octobre 2020. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait entaché d'une irrégularité, faute d'être revêtu des signatures prévues par cet article, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. L'article L. 4123-2 du code de la santé publique dispose que : " (...) Lorsqu'une plainte est portée devant le conseil départemental, son président en accuse réception à l'auteur, en informe le médecin, le chirurgien-dentiste ou la sage-femme mis en cause et les convoque dans un délai d'un mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte en vue d'une conciliation. En cas d'échec de celle-ci, il transmet la plainte à la chambre disciplinaire de première instance avec l'avis motivé du conseil dans un délai de trois mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte, en s'y associant le cas échéant. / (...) En cas de carence du conseil départemental, l'auteur de la plainte peut demander au président du conseil national de saisir la chambre disciplinaire de première instance compétente. Le président du conseil national transmet la plainte dans le délai d'un mois. ". L'article R. 4126-1 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée, dispose que : " L'action disciplinaire contre un médecin, un chirurgien-dentiste ou une sage-femme ne peut être introduite devant la chambre disciplinaire de première instance que par l'une des personnes ou autorités suivantes : / 1° Le conseil national ou le conseil départemental de l'ordre au tableau duquel le praticien poursuivi est inscrit à la date de la saisine de la juridiction, agissant de leur propre initiative ou à la suite de plaintes, formées notamment par les patients, les organismes locaux d'assurance maladie obligatoires, les médecins-conseils chefs ou responsables du service du contrôle médical placé auprès d'une caisse ou d'un organisme de sécurité sociale, les associations de défense des droits des patients, des usagers du système de santé ou des personnes en situation de précarité, qu'ils transmettent, le cas échéant en s'y associant, dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 4123-2 ; / 2° Le ministre chargé de la santé, le préfet de département dans le ressort duquel le praticien intéressé est inscrit au tableau, le directeur général de l'agence régionale de santé dans le ressort de laquelle le praticien intéressé est inscrit au tableau, le procureur de la République du tribunal de grande instance dans le ressort duquel le praticien est inscrit au tableau ; / 3° (...) / Les plaintes sont signées par leur auteur et, dans le cas d'une personne morale, par une personne justifiant de sa qualité pour agir. Dans ce dernier cas, la plainte est accompagnée, à peine d'irrecevabilité, de la délibération de l'organe statutairement compétent pour autoriser la poursuite ou, pour le conseil départemental ou national, de la délibération signée par le président et comportant l'avis motivé du conseil (...) ".

4. Par ailleurs, par dérogation aux dispositions de l'article L. 4123-2, l'article L. 4124-2 du code de la santé publique prévoit que " Les médecins, les chirurgiens-dentistes ou les sages-femmes chargés d'un service public et inscrits au tableau de l'ordre ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l'occasion des actes de leur fonction publique, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l'Etat dans le département, le directeur général de l'agence régionale de santé, le procureur de la République, le conseil national ou le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit. / Lorsque les praticiens mentionnés à l'alinéa précédent exercent une fonction de contrôle prévue par la loi ou le règlement, ils ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l'occasion des actes commis dans l'exercice de cette fonction, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l'Etat dans le département, le directeur général de l'agence régionale de santé ou le procureur de la République ". Les personnes et autorités publiques mentionnées à cet article ont seules le pouvoir de traduire un médecin chargé d'un service public devant la juridiction disciplinaire à raison d'actes commis dans l'exercice de cette fonction publique. En particulier, un conseil départemental ou le Conseil national de l'ordre des médecins exerce, en la matière, une compétence propre et les décisions par lesquelles il décide de ne pas déférer un médecin devant la juridiction disciplinaire peuvent faire directement l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative.

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les griefs formulés par Mme B... à l'encontre de Mme D... tenaient aux faits de lui avoir demandé, en sa qualité de supérieure hiérarchique, de travailler pendant son congé de maladie, d'avoir cherché à éliminer toute preuve de ce travail et d'avoir rapporté de manière mensongère au médecin- conseil régional, Mme C..., qu'elle aurait tenu des propos menaçants à son égard, ce qui a entraîné son licenciement. A l'époque de ces faits, le docteur D... exerçait les fonctions de médecin-conseil du service médical de la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados et, à ce titre, était donc chargée d'un service public au sens du premier alinéa de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique. Par ailleurs, de tels faits sont uniquement en lien avec le fonctionnement du service du contrôle médical régional, au sein duquel Mme D... était la supérieure hiérarchique de la requérante, et doivent donc être regardés comme intervenus à l'occasion des actes de sa fonction. Dans ces conditions, le Conseil national de l'ordre des médecins, mentionné parmi les autorités énumérées au premier alinéa de l'article L. 4124-2 qui peuvent saisir la chambre disciplinaire de première instance, était compétent pour prendre la décision contestée, contrairement à ce que soutient la requérante qui ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 4123-2 du même code.

6. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique que, lorsqu'il est saisi d'une plainte d'une personne qui ne dispose pas du droit de traduire elle-même un médecin devant la chambre disciplinaire de première instance, il appartient au Conseil national de l'ordre des médecins, après avoir procédé à l'instruction de cette plainte, de décider des suites à y donner. Il dispose, à cet effet, d'un large pouvoir d'appréciation et peut tenir compte notamment de la gravité des manquements allégués, du sérieux des éléments de preuve recueillis ainsi que de l'opportunité d'engager des poursuites compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Dans ces conditions, la requérante n'est fondée à soutenir ni que le Conseil national de l'ordre des médecins était en situation de compétence liée pour transmettre sa plainte à la chambre disciplinaire de première instance, ni que la décision du 28 juin 2019 serait entachée d'erreur de droit au motif que le Conseil national de l'ordre des médecins a considéré qu'il n'était pas tenu de transmettre la plainte.

7. En troisième et dernier lieu, Mme B... a saisi le Conseil national de l'ordre des médecins en sollicitant de celui-ci qu'il engage une action disciplinaire à raison des faits reprochés à Mme D..., énumérés au point 5 du présent arrêt. Il ressort des pièces du dossier qu'il entrait dans les fonctions du docteur D..., en sa qualité de supérieure hiérarchique immédiate, de contrôler le travail et le bien-fondé des congés de Mme B.... Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le Conseil national de l'ordre des médecins aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant que les comportements reprochés au docteur D... n'étaient pas détachables des fonctions de celle-ci, alors même que certains de ses actes n'auraient pas été justifiés, et en refusant de saisir la chambre disciplinaire de première instance d'une plainte dirigée contre le docteur D....

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt n'implique, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction de Mme B... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins, qui n'est pas la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par Mme B... ne peuvent dès lors être accueillies. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le Conseil national de l'ordre des médecins et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera la somme de 1 000 euros au Conseil national de l'ordre des médecins au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... et au Conseil national de l'ordre des médecins.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Guéguen, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.

Le rapporteur,

J.-Y. GUEGUEN

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 21NT00031


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00031
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Jean-Yves GUEGUEN
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : AGOSTINI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-17;21nt00031 ?
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