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17/12/2021 | FRANCE | N°21NT01854

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 17 décembre 2021, 21NT01854


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les décisions du 16 juin 2021 par lesquelles le préfet du Calvados lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à défaut de se conformer à cette obligation et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2101333 du 25 juin 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par un

e requête, enregistrée le 9 juillet 2021, M. C... D..., représenté par Me Bara Carré, demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les décisions du 16 juin 2021 par lesquelles le préfet du Calvados lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à défaut de se conformer à cette obligation et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2101333 du 25 juin 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2021, M. C... D..., représenté par Me Bara Carré, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2101333 du tribunal administratif de Caen du 25 juin 2021 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 16 juin 2021 par lesquelles le préfet du Calvados lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à défaut de se conformer à cette obligation et l'a assigné à résidence ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de deux mille cinq cents euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat, ou subsidiairement à son profit s'il ne bénéficie pas de l'aide juridictionnelle, tant pour la première instance que l'appel.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il a omis de répondre à un moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

. en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 611-3 5° et 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, article applicable aux ressortissants de l'Union européenne en vertu de l'article L. 253-1 du code ; la réserve d'ordre public ne peut être opposée aux personnes entrant dans l'une des catégories de cet article ;

- les dispositions de l'article R. 79 du code de procédure pénale ne permettaient pas au préfet d'avoir accès au bulletin n° 2 du casier judiciaire, la liste des cas dans lesquels le préfet pouvait avoir accès à ce registre étant limitativement énumérés à l'article 776 du code de procédure pénale ne prévoit pas la matière du droit au séjour ; en application de l'article R. 142-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et du 7° de son annexe 3, le préfet ne pouvait avoir légalement accès qu'à l'information selon laquelle le volet n° 2 du casier judiciaire est néant ou non néant ;

- le préfet s'est fondé sur des informations ne figurant pas au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sans démontrer la manière dont il a eu accès à ces informations ; le tribunal administratif n'a pas visé le texte fondant le pouvoir du préfet de se fonder sur des condamnations ne figurant pas au casier judiciaire mais ayant vocation à y figurer ; le préfet a méconnu le principe du contradictoire consacré à l'article L. 5 du code de justice administrative ;

- l'obligation de quitter le territoire français présente un caractère disproportionné et méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est intégré dans la société française depuis longtemps et a travaillé ; dans le cas des ressortissants européens, la notion de menace pour l'ordre public exige un seuil de gravité plus important :

o les infractions pour conduite d'un véhicule sans permis de 2006 et 2017 ne présentent pas un caractère de gravité suffisant ;

o la condamnation pour association de malfaiteurs en vue de commettre un délit en 2008 est prescrite en application des dispositions de l'article 8 du code de procédure pénale ;

o la condamnation pour travail dissimulé en 2017 ne présente pas un caractère de gravité suffisant ;

o la condamnation pour violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours sur un mineur de quinze ans ne figure pas encore sur son casier judiciaire et ne présente pas un caractère de gravité suffisant ;

o en ce qui concerne la condamnation pour des menaces de mort et non-respect de l'ordonnance de protection prononcée par le juge aux affaires familiales à son encontre, il n'avait pas connaissance de cette ordonnance de protection et il n'a pas eu pour but de menacer son ex-compagne ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnait les stipulations de l'article 3.1 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

. en ce qui concerne le refus d'octroyer un délai de départ volontaire ;

- la décision présente un caractère disproportionné et méconnait les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

. en ce qui concerne la décision fixant le pays d'éloignement :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

. en ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet n'a pas pris en compte sa situation personnelle ;

- la décision est manifestement disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2021, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Par décision du 15 octobre 2021, le président du bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle formée par M. D....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Béria-Guillaumie, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... D..., ressortissant moldave né en février 1986, est entré en France en décembre 2002 et a été alors pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance. Après la naissance, en novembre 2005, de son fils A... D... G..., M. D... s'est vu délivrer, en janvier 2006, une carte de séjour temporaire en qualité de parent d'enfant français. Ce titre de séjour a été renouvelé jusqu'en janvier 2019, date à laquelle l'intéressé n'a pas sollicité son renouvellement. Par un arrêté du 16 juin 2021, le préfet du Calvados a notifié à M. D..., qui avait obtenu la nationalité roumaine en juillet 2019, une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à défaut de se conformer à cette obligation et l'a assigné à résidence. M. D... relève appel du jugement du 25 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 16 juin 2021.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que, dans sa requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Caen, M. D... a invoqué, à l'encontre de l'arrêté du 16 juin 2021 par lequel le préfet du Calvados l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, un moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-3 5° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les premiers juges ont visé ce moyen mais n'y ont pas répondu alors qu'il ne s'agit pas d'un moyen inopérant. Par suite, le jugement de première instance est entaché d'irrégularité et doit être annulé pour ce motif.

3. Il y a lieu, en conséquence, de statuer, par la voie de l'évocation sur les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, et par la voie de l'effet dévolutif, sur les autres conclusions de la requête.

Sur l'obligation de quitter le territoire français du 16 juin 2021 :

4. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé par délégation du préfet du Calvados, par M. E... H... F..., chef de service de l'immigration. Par un arrêté du 23 février 2021, publié au Recueil des actes administratifs de la préfecture du Calvados du même jour, le préfet a donné délégation de signature à M. F... pour signer " tous les arrêtés, décisions, pièces et correspondances en toutes matières ressortissant aux attributions du service de l'immigration ". Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 16 juin 2021 n'est donc pas fondé et doit être écarté.

5. En deuxième lieu, l'article R. 79 du code de procédure pénale dispose que : " Outre le cas prévu aux 1°, 2° et 4° de l'article 776, le bulletin n° 2 du casier judiciaire est délivré : / 1° Aux administrations publiques de l'Etat chargées de la police des étrangers (...) ". Par ailleurs, l'article 40-29 du même code dispose que : " I. - Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, aux articles L. 114-1, L. 114-2, L. 211-11-1, L. 234-1 et L. 234-2 du code de la sécurité intérieure et à l'article L. 4123-9-1 du code de la défense, les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l'exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par : (...) / 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat. L'habilitation précise limitativement les motifs qui peuvent justifier pour chaque personne les consultations autorisées. Lorsque la consultation révèle que l'identité de la personne concernée a été enregistrée dans le traitement en tant que mise en cause, l'enquête administrative ne peut aboutir à un avis ou une décision défavorables sans la saisine préalable, pour complément d'information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents et, aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, du ou des procureurs de la République compétents. Le procureur de la République adresse aux autorités gestionnaires du traitement un relevé des suites judiciaires devant figurer dans le traitement d'antécédents judiciaires et relatif à la personne concernée. Il indique à l'autorité de police administrative à l'origine de la demande si ces données sont accessibles en application de l'article 230-8 du présent code. (...) ". Par ailleurs, l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité : " Il est procédé à la consultation prévue à l'article L. 234-1 du code de la sécurité intérieure pour l'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité française et de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers ainsi que pour la nomination et la promotion dans les ordres nationaux. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que l'obligation de quitter le territoire français contestée est fondée sur les condamnations de M. D... figurant au bulletin n° 2 de son casier judiciaire et sur des condamnations prononcées à son encontre mais ne figurant pas encore dans ce même bulletin. Les dispositions de l'article R. 79 du code de procédure pénale citées ci-dessus, qui ajoutent aux cas prévus par l'article 776 du code de procédure pénale auquel elles renvoient explicitement, conféraient au préfet du Calvados, chargé de la police des étrangers dans son département par l'intermédiaire de ses agents habilités, le droit de demander la délivrance du bulletin n° 2 du casier judiciaire d'un étranger en situation irrégulière, ainsi qu'il l'a fait avant de prendre sa décision. Par ailleurs, en ce qui concerne les autres condamnations prononcées à l'encontre de M. D..., il ressort des pièces du dossier que les informations ont été apportées au préfet du Calvados par la consultation du fichier du traitement des antécédents judiciaires sur le fondement des dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale. M. D... n'apporte aucun élément de nature à établir ou même à faire présumer que le préfet aurait fondé sa décision sur des informations recueillies en méconnaissance de ces mêmes dispositions. Il suit de là que l'appelant, à l'égard duquel les services de la préfecture n'étaient tenus d'aucune obligation d'information quant aux documents obtenus, n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait obtenu des informations relatives à sa situation en méconnaissance de la confidentialité du casier judiciaire et sans y être habilité.

7. En troisième lieu, l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inséré dans le livre II " Dispositions applicables aux citoyens de l'Union européenne et aux membres de leur famille " dispose que : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : / (...) 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; (...) L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine ". L'article L. 253-1 du même code, inscrit dans le même livre, dispose que : " Outre les dispositions du présent titre, sont également applicables aux étrangers dont la situation est régie par le présent livre les dispositions de l'article L. 611-3, du second alinéa de l'article L. 613-3, de la première phrase de l'article L. 613-6, du chapitre IV du titre I du livre VI à l'exception de celles de l'article L. 614-5, et des articles L. 631-1 à L. 631-4, L. 632-1 à L. 632-7 et L. 641-1 à L. 641-3 ". Enfin, l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " (...) / 5° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est père de deux enfants, de nationalité française, nés de sa relation avec une ressortissante française, A... né en novembre 2005 et B... né en septembre 2013. Si par un jugement du 25 avril 2019, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Caen a reconnu l'exercice en commun de l'autorité parentale des deux parents sur les deux enfants et organisé un droit de visite de M. D... auprès de ses enfants dans un lieu neutre, il ressort des pièces du dossier que postérieurement aux faits de violence commis sur son fils ainé A..., les liens entre M. D... et son fils ainé sont brisés et par une ordonnance du 10 février 2020, le juge aux affaires familiales a confié à la mère des deux enfants à titre exclusif l'exercice de l'autorité parentale. Si par cette même ordonnance, le juge, qui a réservé les droits de M. D... quant à ses droits de visite à l'égard de A..., a organisé les droits de visite de M. D... à l'égard de son plus jeune fils B... dans un lieu neutre, il ressort des pièces du dossier qu'à la fin de l'année 2019, et jusqu'en juin 2020, les droits de visite de l'intéressé à l'égard de son plus jeune fils n'ont pas été exercés, les liens avec B... n'ayant été renoués par l'exercice du droit de visite en lieu neutre qu'en juin 2020. Dans ces conditions, en l'absence de toute autre manifestation d'une contribution effective à l'entretien et l'éducation de l'enfant que cet exercice très ponctuel d'un droit de visite en lieu neutre, M. D... n'est pas fondé à soutenir qu'il remplissait les conditions posées par le 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Par ailleurs, si M. D... est entré en France en 2002 à l'âge de seize ans, il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement postérieurement à sa majorité en février 2004. Il est constant que M. D... s'est vu délivrer à partir de l'année 2006 un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, renouvelé jusqu'à l'année 2019 soit une période continue de treize années. Toutefois, il ressort aussi des pièces du dossier que M. D... a été condamné à plusieurs peines d'incarcération pour une durée cumulée de trois années et trois mois. De telles périodes d'exécution de diverses peines d'emprisonnement ne sauraient être regardées comme des périodes de résidence régulière en France au sens des dispositions du 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, dès lors qu'il n'établit pas pouvoir justifier d'une période de dix années de présence régulière en France à la date de l'obligation de quitter le territoire français contestée, M. D... n'est pas fondé à soutenir qu'il remplissait les conditions posées par le 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Par ailleurs, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

11. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a été condamné à plusieurs reprises depuis l'année 2006, année de sa majorité, notamment à un an et demi d'emprisonnement en juin 2008 pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement et à huit mois d'emprisonnement pour exécution d'un travail dissimulé. Il ressort en outre des pièces du dossier qu'il a été condamné en mars 2019 pour des faits de violence commis sur son fils ainé A... à huit mois d'emprisonnement et que l'ancienne compagne de M. D... a obtenu, le 10 février 2020, du juge aux affaires familiales une protection contre son ancien conjoint qui lui adressait des menaces. Il ressort du jugement du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Caen du 1er décembre 2020 que M. D... n'a pas respecté l'ordonnance de protection de son ancienne compagne et a continué à lui adresser des menaces, faits pour lesquels il a d'ailleurs fait l'objet d'une procédure pénale. Dans ces conditions, compte tenu des multiples condamnations dont a fait l'objet de M. D..., et des procédures les plus récentes concernant son ancienne compagne et son fils ainé, le préfet du Calvados n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que le comportement de l'intéressé représentait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. Dans ces conditions, et alors au surplus que le requérant est séparé depuis 2018 de sa compagne, a rompu tous liens avec son fils ainé et n'a renoué des liens épisodiques avec son plus jeune fils que depuis le mois de juin 2020, le préfet du Calvados en obligeant M. D... à quitter le territoire français, n'a ni porté une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni méconnu l'intérêt de ses enfants en méconnaissance des stipulations de l'article 3.1 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :

12. L'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision (...) ". Par ailleurs, l'article L. 612-2 du même code dispose que : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) ", applicable à l'exclusion des dispositions de l'article L. 511-1 du même code qui ont été abrogées.

13. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 11 du présent arrêt, compte tenu des multiples condamnations dont a fait l'objet M. D..., et des procédures les plus récentes concernant son ancienne compagne et son fils ainé, le préfet du Calvados n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que le comportement de M. D... représentait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. Le préfet pouvait dès lors, en application des dispositions du 1° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile refuser de lui accorder un délai de départ volontaire et n'a pas, compte tenu des faits en cause, commis d'erreur d'appréciation sur ce point.

Sur la décision fixant le pays d'éloignement :

14. Aux termes de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3, à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ".

15. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 11 du présent arrêt que le moyen soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays d'éloignement tiré de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

Sur la décision portant assignation à résidence :

16. En premier lieu, le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit, pour les motifs rappelés aux points 4 à 11 du présent arrêt doit être écarté.

17. En deuxième lieu, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté du 16 juin 2021 portant assignation à résidence ni des autres pièces du dossier que le préfet du Calvados n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. D... avant de l'assigner à résidence.

18. En dernier lieu, la circonstance que M. D... a créé une entreprise postérieurement à sa sortie de prison en février 2021, et alors que l'arrêté contesté a pour objet de l'assigner à résidence au sein du département et ne l'empêche pas de travailler dans ces limites géographiques, ne permet pas, à elle seule, de considérer que le préfet du Calvados a commis une erreur d'appréciation en prononçant son assignation à résidence.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions du 16 juin 2021 portant à son encontre obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays d'éloignement et assignation à résidence.

Sur les frais du litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.

Une en copie sera adressée pour information au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.

La rapporteure,

M. BERIA-GUILLAUMIELe président,

L. LAINÉ

La greffière,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 21NT01854


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01854
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : BARA CARRE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-17;21nt01854 ?
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