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08/03/2022 | FRANCE | N°20NT03573

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 08 mars 2022, 20NT03573


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Clet a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la délibération du 17 octobre 2006 par laquelle le conseil municipal de Groix (Morbihan) a approuvé le plan local d'urbanisme communal en tant qu'elle classe en zone Nds les parcelles n° 85, 332 et 806, ainsi que l'arrêté du 30 juin 2017 par lequel le maire de la commune de Groix a fait opposition à la déclaration préalable déposée par la SCI pour la construction d'une annexe sur un terrain situé au lieu

dit Kerlivio.

Par un jugement n° 1703817 du 16 octobre 2020, le tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Clet a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la délibération du 17 octobre 2006 par laquelle le conseil municipal de Groix (Morbihan) a approuvé le plan local d'urbanisme communal en tant qu'elle classe en zone Nds les parcelles n° 85, 332 et 806, ainsi que l'arrêté du 30 juin 2017 par lequel le maire de la commune de Groix a fait opposition à la déclaration préalable déposée par la SCI pour la construction d'une annexe sur un terrain situé au lieudit Kerlivio.

Par un jugement n° 1703817 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 novembre 2020, les 25 mai et 16 septembre 2021 et 9 février 2022 (ces deux derniers non communiqués), la SCI Clet, représentée par Me Briand, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 16 octobre 2020 ;

2°) d'annuler la délibération du 17 octobre 2006 par laquelle le conseil municipal de Groix a approuvé le plan local d'urbanisme communal en tant qu'elle classe en zone Nds les parcelles n° 85, 332 et 806 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 30 juin 2017 par lequel le maire de la commune de Groix a fait opposition à la déclaration préalable qu'elle a déposée pour la construction d'une annexe sur un terrain situé au lieudit Kerlivio.

4°) de mettre à la charge de la commune de Groix le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le classement des parcelles n°85, 332 et 806 est illégal, en ce qu'une construction habitable est déjà implantée sur deux de ces parcelles ;

- le rapport de présentation du plan local d'urbanisme était insuffisant et n'a pas pris en compte la construction existante ;

- la commune a méconnu substantiellement les règles de l'enquête publique ; l'avis émis par la SCI Clet le 19 septembre 2005 n'a pas figuré au sein du dossier soumis à enquête ;

- le classement en zone Nds méconnaît son droit de propriété et son droit à mener une vie familiale normale, garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 avril et 8 juin 2021, la commune de Groix, représentée par Me Rouhaud, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge des requérants le versement de la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Par un courrier du 14 février 2021, la cour a informé les parties qu'elle était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant a` l'annulation partielle de la délibération du 17 octobre 2006, présentées après l'expiration du délai de recours contentieux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frank,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me Rougier substituant Me Briand, représentant la SCI Clet, et de Me Oueslati substutant Me Rouhaud, représentant la commune de Groix.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Clet a déposé le 15 juin 2017 une déclaration préalable de travaux afin de régulariser l'extension d'un blockhaus existant à usage d'habitation par un abri de jardin attenant de 15 m² sur un terrain situé au lieudit Kerlivio à Groix. Par un arrêté du 30 juin 2017 le maire de la commune de Groix s'est opposé à cette déclaration préalable au motif que le plan local d'urbanisme communal classe le terrain concerné en zone Nds, laquelle correspond aux espaces remarquables du littoral à préserver au sens de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme. La SCI Clet relève appel du jugement du 16 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté ainsi que de la délibération du 17 octobre 2006 par laquelle le conseil municipal de Groix a approuvé le plan local d'urbanisme communal en tant qu'elle classe en zone Nds les parcelles d'assiette du projet n°85, 332 et 806.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions en annulation de la délibération du 17 octobre 2006 :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. Aux termes de l'article R. 153-20 du code de l'urbanisme, la délibération qui approuve, révise, modifie ou abroge un plan local d'urbanisme fait l'objet des mesures de publicité et d'information prévues à l'article R. 153-21. Aux termes des dispositions de l'article R. 153-21 du même code, " Tout acte mentionné à l'article R. 153-20 est affiché pendant un mois (...) en mairie. Mention de cet affichage est insérée en caractères apparents dans un journal diffusé dans le département. (...) Chacune de ces formalités de publicité mentionne le ou les lieux où le dossier peut être consulté. L'arrêté ou la délibération produit ses effets juridiques dès l'exécution de l'ensemble des formalités prévues au premier alinéa, la date à prendre en compte pour l'affichage étant celle du premier jour où il est effectué. ". Il résulte de ces dispositions que le délai de recours contentieux à l'encontre d'une délibération approuvant un plan local d'urbanisme court à compter de la plus tardive des deux dates correspondant, l'une au premier jour d'une période d'affichage en mairie d'une durée d'un mois, l'autre à la mention de cet affichage dans un journal diffusé dans le département.

3. Il ressort des pièces du dossier que le plan local d'urbanisme de la commune de Groix a été approuvé par une délibération du 17 octobre 2006, dont il n'est pas contesté qu'elle a fait l'objet d'un affichage en mairie durant un mois, dont la mention a été insérée dans un journal diffusé dans le département. Par suite, les conclusions de la demande de la SCI Clet tendant à l'annulation partielle du plan local d'urbanisme de la commune, présentées plusieurs années après l'expiration du délai de recours contentieux, sont tardives et ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées comme irrecevables.

En ce qui concerne les conclusions en annulation de l'arrêté du 30 juin 2017 :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme : " L'illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ne peut être invoquée par voie d'exception, après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document en cause. (...) / Les deux alinéas précédents ne sont pas applicables lorsque le vice de forme concerne : / -soit la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l'enquête publique sur les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales ; / -soit l'absence du rapport de présentation ou des documents graphiques ".

5. En l'espèce, pour contester l'arrêté du 30 juin 2017, la société requérante se prévaut, d'une part, de ce que le plan local d'urbanisme de la commune de Groix a été approuvé le 17 octobre 2006 en méconnaissance des règles substantielles de l'enquête publique, d'autre part, de ce qu'il comporte un rapport de présentation insuffisant. Toutefois, en se bornant à soutenir que les règles substantielles de l'enquête publique ont été méconnues, sans préciser la nature ou la teneur de ces règles, la requérante n'assortit pas son moyen des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, la seule circonstance que l'avis émis par la SCI Clet le 19 septembre 2005 n'aurait pas figuré au sein du dossier soumis à enquête, à la supposer établie, n'est pas de nature à démontrer que les règles substantielles de l'enquête publique ont été méconnues. Par ailleurs, il est constant que le plan local d'urbanisme de la commune de Groix avait pris effet depuis plus de six mois à la date de la demande, et comporte un rapport de présentation. Dès lors, en application des dispositions citées au point 4, la SCI Clet n'est pas recevable à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de ce plan local d'urbanisme.

6. En deuxième lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme alors en vigueur, désormais repris au L. 121-23 du même code : " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. (...) ". Aux termes de l'article R. 146-1 du même code alors en vigueur, désormais repris à l'article R. 121-4 de ce code : " (...) sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral et sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : (...) 7° Les parties naturelles des sites inscrits ou classés (...). ".

7. D'autre part, l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme, dans sa version alors applicable, prévoit, d'une part, que les plans locaux d'urbanisme doivent être compatibles avec les schémas de cohérence territoriale (SCOT) et les schémas de secteur. En l'absence de SCOT, ils doivent notamment être compatibles, s'il y a lieu, avec les dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral prévues aux articles L. 145-1 à L. 146-6. Ce même article prévoit, d'autre part, que les SCOT et les schémas de secteur doivent être compatibles, s'il y a lieu, avec ces mêmes dispositions.

8. S'il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, il résulte des dispositions citées au point précédent, désormais reprises aux articles L. 131-4 et L. 131-7 du code de l'urbanisme, que, s'agissant d'un plan local d'urbanisme, il appartient à ses auteurs de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de sa compatibilité avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral. Dans le cas où le territoire concerné est couvert par un SCOT, cette compatibilité s'apprécie en tenant compte des dispositions de ce document relatives à l'application des dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, sans pouvoir en exclure certaines au motif qu'elles seraient insuffisamment précises, sous la seule réserve de leur propre compatibilité avec ces dernières.

9. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et notamment des plans et photographies produits, que les parcelles d'assiette du projet sont situées en bordure nord-est du lieudit Kerlivio, sur le territoire de la commune de Groix. Les terrains, d'une superficie d'environ 8 000 m², sont dépourvus de toute habitation, à l'exception d'un blockhaus à usage d'habitation appartenant à la requérante. Ils se situent au sein d'un secteur resté pour l'essentiel à l'état naturel, en bordure du littoral, couvert par le site inscrit de Groix, par une zone Natura 2000 (directive Habitats) et par deux zones naturelles d'intérêt écologique faunistique et floristique de types 1 et 2. Le site présente ainsi un intérêt esthétique et écologique significatif. La circonstance que les parcelles en litige accueillent un blockhaus à usage d'habitation ne fait pas obstacle à la qualification du secteur en espace remarquable. En outre, la circonstance que la commune aurait légalement pu retenir un autre classement, laquelle n'est en tout état de cause pas établie, ne peut être utilement invoquée à l'encontre du classement contesté. Dans ces conditions, et alors qu'en tout état de cause, la SCI Clet n'invoque aucune disposition du SCOT du pays de Lorient, qui couvre le territoire de la commune, qui mettrait en œuvre les dispositions particulières de la loi dite " Littoral ", la requérante n'est pas fondée à soutenir que les auteurs du plan local d'urbanisme auraient inexactement appliqué les dispositions précitées du code de l'urbanisme en classant en zone naturelle les parcelles d'assiette du projet cadastrées n°85, 332 et 806, conformément à leur souhait d'assurer la préservation des espaces naturels et remarquables. Dès lors, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de ce classement par le plan local d'urbanisme, doit être écarté.

10. En troisième lieu, si l'article 1er du protocole additionnel n°1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales énonce que " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ", cette stipulation ne porte pas atteinte au droit que détient chaque Etat, conformément aux termes mêmes du second alinéa de cet article, de mettre en œuvre les dispositions qu'il juge nécessaires pour réglementer l'usage des biens dans l'intérêt général. Par suite, le classement litigieux, qui ne prive pas la SCI Clet de son droit de propriété, est fondé sur des considérations d'urbanisme ainsi qu'il a été dit ci-dessus, répond au motif d'intérêt général attaché à la création et à la préservation des espaces naturels.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. La SCI Clet, personne morale, soutient que le classement des parcelles d'assiette du projet en zone Nds méconnaît son droit à mener une vie familiale normale tel qu'il est garanti par les stipulations précitées. Toutefois, et en tout état de cause, elle n'assortit pas son moyen des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Groix, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SCI Clet demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans dépens.

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Clet une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Groix au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Clet est rejetée.

Article 2 : La SCI Clet versera une somme de 1 500 euros à la commune de Groix au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Clet et à la commune de Groix.

Délibéré après l'audience du 21 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente-assesseure,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 mars 2022.

Le rapporteur,

A. FRANKLe président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT03573


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03573
Date de la décision : 08/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : BRIAND

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-03-08;20nt03573 ?
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