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11/03/2022 | FRANCE | N°21NT01520

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 11 mars 2022, 21NT01520


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, à titre principal, d'ordonner une expertise avant dire droit et, à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes à lui verser la somme de 47 030 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite de l'intervention chirurgicale réalisée dans cet établissement le 28 février 2014. La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme lui a demandé de condamner le centre hospitalier univers

itaire (CHU) de Nantes à lui verser la somme de 2 401,20 euros au titre des...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, à titre principal, d'ordonner une expertise avant dire droit et, à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes à lui verser la somme de 47 030 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite de l'intervention chirurgicale réalisée dans cet établissement le 28 février 2014. La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme lui a demandé de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes à lui verser la somme de 2 401,20 euros au titre des débours.

Par un jugement n°1805708 du 7 avril 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 juin 2021, M. B... A..., représenté par Me Maudet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n°1805708 du 7 avril 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) à titre principal, d'ordonner une expertise avant dire droit ou, à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier universitaire de Nantes à verser à M. A..., la somme de 47 030 euros assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts à compter du

21 juin 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le rapport de l'expert désigné par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) des Pays de la Loire est peu documenté et ne comporte pas de démonstration de son allégation selon laquelle ses douleurs sont liées à son état de santé antérieur ; il ne comporte pas d'éléments, notamment en ce qui concerne l'indication opératoire, l'absence d'alternatives, le respect des règles de l'art, permettant d'apprécier si une faute a été commise par l'établissement public ; il est trop succinct quant au respect de l'obligation d'information ;

- en tout état de cause, le CHU de Nantes a manqué à son obligation d'information, ce dernier n'apportant pas la preuve de la délivrance claire, précise et complète, des informations exigées par les dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, ni du recueil de son consentement ;

- son préjudice physique doit être évalué à la somme de 15 000 euros et son préjudice moral à celle de 5 000 euros;

- son besoin d'assistance par tierce personne doit être évaluée à la somme de

27 030 euros.

Par un mémoire enregistré le 19 octobre 2021, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme venant aux droits de la Caisse déléguée pour la Sécurité sociale des travailleurs indépendants, représentée par Me Tinot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 avril 2021 ;

2°) de condamner le CHU de Nantes à lui verser la somme de 2 401,20 euros en remboursement de ses débours, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation et celle de 800,40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Nantes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en vertu de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, elle est fondée à demander le remboursement des sommes exposées pour le compte de son assuré ;

- la caisse RSI Auvergne intervient aux lieux et place de la caisse RSI de la région Pays de la Loire ;

- la responsabilité du CHU est engagée en raison d'un défaut d'information ;

- sa créance s'élève à 2 401,20 euros en raison des dépenses de santé liées à l'hospitalisation de M. A....

Par un mémoire en défense enregistré le 21 octobre 2021, le centre hospitalier universitaire de Nantes, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- une nouvelle expertise médicale n'aurait pas de caractère utile à la solution du litige ;

- le requérant a reçu, conformément aux dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, les informations lui permettant de donner un consentement éclairé à l'intervention, qui a consisté en une laminectomie lombaire associée à une arthrectomie L4 L5 gauche et à une discectomie L4 L5 du côté gauche, notamment au vu du risque d'échec de celle-ci ;

- à supposer même l'existence d'un éventuel manquement du centre hospitalier à son devoir d'information quant au risque d'échec, ce manquement n'aurait privé le requérant d'aucune chance de se soustraire au risque d'échec qui se serait aussi réalisé s'il avait renoncé à l'opération, en l'absence de toute autre alternative thérapeutique ;

- en tout état de cause, les préjudices invoqués découlent, à la suite d'un échec thérapeutique, d'une aggravation progressive de l'état antérieur du requérant et sont donc sans lien direct et certain avec un éventuel manquement de l'établissement public à son obligation d'information.

Par un mémoire enregistré le 2 novembre 2021, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Ravaut, conclut à ce qu'il soit mis hors de cause et s'en remet à l'appréciation de la cour quant au bien-fondé d'une nouvelle expertise.

Il soutient que le dommage invoqué par le requérant relève d'un échec thérapeutique et non d'un accident médical non fautif au sens de l'article L.1142-1 du code de la santé publique qui seul peut ouvrir droit à indemnisation par la solidarité nationale.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Catroux,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Le Rouzic, représentant M. A..., et de Me Demailly, substituant Me Le Prado, représentant le centre hospitalier universitaire de Nantes.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 18 février 1942, est suivi médicalement depuis 2002 pour une lombo-radiculalgie. Son état de santé s'est progressivement dégradé avec notamment une réduction du périmètre de la marche à 150 mètres. Une laminectomie lombaire associée à une arthrectomie L4-L5 gauche avec une éventuelle discectomie L5 gauche ont alors été indiquées par le chirurgien. Cette intervention chirurgicale a eu lieu le 28 février 2014 au centre hospitalier universitaire de Nantes. Après son retour à domicile, le 15 mars 2014, les douleurs ont persisté. Une imagerie par résonnance magnétique a été réalisée le 5 mai 2014, montrant une bonne décompression et l'absence d'instabilité vertébrale et de signe d'infection. Le 20 mai 2014, le requérant a été revu par le neurochirurgien ayant réalisé l'intervention chirurgicale, qui a proposé le port d'un corset et la prise d'antalgiques. En l'absence d'amélioration, ce médecin spécialiste l'a orienté par ailleurs vers une prise en charge en rhumatologie pour des infiltrations lors d'une consultation du 24 juin 2014. M. A... a été hospitalisé en rhumatologie au centre hospitalier universitaire de Nantes du 8 au 11 juillet 2014, hospitalisation au cours de laquelle a été diagnostiquée une probable chondrocalcinose. Une infiltration a été réalisée le 16 juillet 2014. Le 18 juillet 2014, M. A... a été hospitalisé dans le service d'endocrinologie du centre hospitalier universitaire de Nantes pour décompensation de son diabète. Il a ensuite été hospitalisé en cardiologie au centre hospitalier universitaire de Nantes du 2 au 5 octobre 2014 pour des douleurs coronariennes. Une sténose significative serrée de la coronaire droite proximale a été découverte, justifiant une angioplastie avec implantation d'un stent actif. Le

7 janvier 2015, il a été admis aux urgences du centre hospitalier universitaire de Nantes pour des douleurs thoraciques. Le 13 avril 2015, il a été revu par un rhumatologue du centre hospitalier universitaire de Nantes qui a constaté l'existence d'une hyperpathie avec persistance d'une douleur radiculaire impulsive à la toux et des irradiations. Le 26 mai 2015, l'intéressé a présenté une crise de goutte.

2. Estimant avoir subi des préjudices liés à sa prise en charge par le centre hospitalier universitaire de Nantes, notamment lors de l'intervention chirurgicale du 28 février 2014 dont il estime qu'elle a majoré ses douleurs, M. A... a saisi le 28 novembre 2014 la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) des Pays de la Loire. Après avoir ordonné, le 8 octobre 2015, une expertise, qui a eu lieu le 24 novembre suivant, cette commission a rendu un avis le 27 janvier 2016 aux termes duquel il n'existait aucun élément de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Nantes ou à mettre en œuvre la solidarité nationale. Par un courrier du 20 juin 2017, M. A... a adressé au centre hospitalier universitaire de Nantes une demande d'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis. Devant le silence gardé par l'administration, il a demandé au tribunal administratif de Nantes, le 20 juin 2018, qu'il ordonne une nouvelle expertise ou, en tout état de cause, qu'il condamne le centre hospitalier universitaire de Nantes à lui verser la somme de 47 030 euros. Par un jugement du 7 avril 2021, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'ordonner une nouvelle expertise médicale :

3. L'expertise du 24 novembre 2015, ordonnée par la CRCI des Pays de la Loire, qui avait été saisie par le requérant, a été réalisée par un médecin spécialisé en neurochirurgie. Ce dernier a estimé que l'intervention chirurgicale en cause était indiquée et avait été réalisée dans les règles de l'art et que le dommage invoqué par M. A..., consistant dans la persistance puis l'aggravation de douleurs lombaires et para-vertébrales gauches relativement basses, dans un contexte psychique et poly-pathologique, a résulté d'une évolution post-chirurgicale défavorable découlant d'un échec thérapeutique. Il a indiqué, de plus, qu'il existait une traçabilité dans les courriers de consultations de l'information sur le rapport bénéfice/risque du type de chirurgie pratiquée. Les conclusions de l'expert sur les éléments de nature à apporter une solution au présent litige sont donc claires et précises.

4. Si le requérant soutient que l'avis de l'expert serait insuffisamment motivé, une telle circonstance n'est pas en elle-même de nature à remettre en cause le bien-fondé de cet avis, alors que, par ailleurs, le requérant ne produit aucun élément de nature à remettre en cause les conclusions de cette expertise. Au demeurant, l'expert, qui avait reçu l'intéressé et consulté son dossier médical, a exposé de façon détaillée les circonstances, notamment médicales, ayant conduit aux séquelles en cause et a relevé, en particulier, que le type d'intervention pratiquée présentait en général un taux d'échec thérapeutique de 15%. Par suite, il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise, qui ne présenterait pas un caractère utile, la cour étant suffisamment éclairée sur les éléments du dossier nécessaires à la solution du litige.

Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Nantes :

En ce qui concerne le manquement à l'obligation d'information médicale :

5. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors en vigueur, d'autre part : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...). / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. / (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. ". Cette information doit porter, en particulier, sur les risques connus qui présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité.

6. Il résulte de l'instruction, eu égard notamment aux comptes-rendus des consultations des 12 février 2013 et 4 février 2014 auxquels se réfère l'expert missionné par la CCI de Pays de Loire, que M. A... a été informé du rapport bénéfices/risques de l'opération chirurgicale réalisée le 28 février 2014. Ainsi, le 12 février 2013, l'intéressé a été informé par le médecin qu'il a consulté que le résultat de cette opération sur les douleurs lombaires pouvait être modeste. Il est mentionné en particulier, dans le compte-rendu de cette consultation que M. A..., prévenu des risques de l'intervention envisagée qui était une laminectomie lombaire associée à une arthrectomie, c'est-à-dire une ablation partielle d'articulation, a souhaité réfléchir avec son médecin traitant. A cet égard, le fait que l'opération réalisée a comporté une facettectomie, c'est-à-dire l'ablation de certaines articulations vertébrales, n'implique pas que l'information délivrée à l'intéressée ait été incomplète. Le compte-rendu de la consultation du 28 janvier 2014 par le même médecin mentionne que l'information sur les risques de l'opération a, à nouveau, été délivrée au cours d'un entretien et que l'intéressé a donné son accord. Par suite, et alors même que le centre hospitalier universitaire de Nantes ne produit pas de document écrit signé par M. A... relativement à l'information prévue par les dispositions citées au point précédent, il doit être regardé comme établi que l'établissement public n'a pas manqué à son obligation d'informer l'intéressé des risques de l'intervention, et en particulier de la probabilité d'un échec thérapeutique et de recueillir son consentement éclairé.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande. Sa requête doit par suite être rejetée en toutes ses conclusions. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, les conclusions présentées par la CPAM ne peuvent être accueillies.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... et les conclusions présentées par la CPAM du Puy-de-Dôme sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au centre hospitalier universitaire de Nantes, à l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. L'hirondel, premier conseiller,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe 11 mars 2022.

Le rapporteur,

X. CATROUXLa présidente,

C. BRISSON

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01520


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01520
Date de la décision : 11/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SELARL THOMAS TINOT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-03-11;21nt01520 ?
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