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11/03/2022 | FRANCE | N°21NT02762

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 11 mars 2022, 21NT02762


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 11 juin 2019 du préfet de la Loire-Atlantique lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et fixant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1908012 du 16 avril 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enr

egistrée le 1er octobre 2021, M. A..., représenté par Me Chaumette, demande à la cour :

1°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 11 juin 2019 du préfet de la Loire-Atlantique lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et fixant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1908012 du 16 avril 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er octobre 2021, M. A..., représenté par Me Chaumette, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 avril 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 11 juin 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, le tout dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 800 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en raison de l'erreur de fait et de l'insuffisance de motivation dont il est entaché ;

- la décision de refus titre de séjour est entachée d'incompétence de son auteur ;

- cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation ;

- il a suffisamment justifié de son identité et de sa nationalité ;

- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des stipulations du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du même code ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi a été prise en méconnaissance de ces mêmes stipulations.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 décembre 2021, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que le moyen invoqué par le requérant relatif à la justification de son identité n'est pas fondé et s'en rapporte pour le surplus à ses écritures de première instance.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 août 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique le rapport de Mme Brisson et les observations de Me Chaumette, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen se disant né le 25 mai 2001, est entré irrégulièrement en France en 2017, selon ses déclarations. L'intéressé a été confié à la tutelle du président du conseil départemental de la Loire-Atlantique par ordonnance du 6 avril 2017 du juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Nantes. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 4 mars 2019. Par un arrêté du 11 juin 2019, le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du

16 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, d'une part : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée (...) ". Aux termes de l'article R. 311-2-2 du même code, alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. (...) ".

3. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité (...) ". Enfin aux termes du II de l'article

16 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : " Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet. / La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a fourni à l'appui de sa demande de titre de séjour un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance n° 2719 rendu le 29 janvier 2017 par le tribunal de grande instance de Conakry II sur requête du même jour, un justificatif de la transcription, le 2 février 2018, dans le registre de l'état civil de la commune de Ratoma pour l'année en cours, d'un jugement supplétif daté du 29 janvier 2018 ainsi qu'une carte consulaire comportant sa photo, établie le 9 novembre 2018. Le jugement supplétif, devenu définitif, et son acte de transcription ayant fait l'objet d'avis défavorables de la part de la cellule fraude documentaire et identité de la direction interdépartementale de la police aux frontières de Nantes et des services de l'ambassade de France en Guinée, le préfet de la Loire-Atlantique les a écartés en raison de leur caractère apocryphe. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, ces documents ont fait l'objet, postérieurement aux avis précités, d'une légalisation par l'autorité consulaire guinéenne en France. Si le préfet fait valoir que ces actes ne comportent pas les dates de naissance des parents de l'intéressé, conformément aux exigences de l'article 175 du code civil guinéen, il n'établit pas que ces dispositions seraient applicables aux jugements supplétifs régis par l'article 193 de ce code, M. A... produisant en outre un certificat par lequel le président de la première section civile, économique et administrative du tribunal de première instance de Dixin atteste que " l'article 175 du code civil guinéen ne s'applique pas à ce cas précis qui ne concerne que les déclarations de naissance dans le délai prescrit par la loi ". En outre, si le préfet relève que le jugement supplétif a été rendu le jour même de l'introduction de la requête présentée par un tiers supposé non habilité, ces circonstances ne suffisent pas à établir le caractère frauduleux de cette décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, dont les autorités administratives françaises ne peuvent utilement mettre en doute le bien-fondé. Il en va de même de la divergence concernant l'année d'établissement de ce jugement dans les mentions respectives de ce dernier et de l'acte de transcription, l'erreur ainsi relevée ne suffisant pas, à elle seule, à faire douter de l'identité de M. A.... Enfin, le constat d'un contexte général de fraude généralisée à l'état civil guinéen ne peut suffire à permettre de douter de l'authenticité des actes d'état civils produits par l'intéressé. Dans ces conditions, M. A... doit être regardé comme ayant justifié de son état civil et de sa nationalité, comme l'exigent les dispositions précitées de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en rejetant sa demande de titre de séjour au motif qu'il ne justifiait pas de son état civil par des documents probants, le préfet de la Loire-Atlantique a fait une inexacte application de ces dispositions.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin ni de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, ni d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. L'exécution du présent jugement implique que le préfet de la Loire-Atlantique réexamine la demande d'admission au séjour de M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et le munisse, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés au litige :

7. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat, le versement de la somme de 1 200 euros à Me Chaumette dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 avril 2021 et l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 11 juin 2019 sont annulés.

Article 2 Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer la demande d'admission au séjour de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3: L'Etat versera à Me Chaumette la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 11 mars 2022.

La rapporteure,

C. Brisson

Le président,

D. Salvi

La greffière,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT027622


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02762
Date de la décision : 11/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CHAUMETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-03-11;21nt02762 ?
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