La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/04/2022 | FRANCE | N°21NT01350

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 08 avril 2022, 21NT01350


Vu la G... suivante :

G... contentieuse antérieure :

Mme H... E..., épouse C..., et M. I... C... J..., agissant en leur nom propre, en qualité d'ayants droit F... E... et en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs D... et B... C... E..., ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier (CH) de Redon ou, à titre subsidiaire, l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à leur verser une somme globale de 76 019,20 euros, en réparation de

s conséquences dommageables de la prise en charge F... E... par cet éta...

Vu la G... suivante :

G... contentieuse antérieure :

Mme H... E..., épouse C..., et M. I... C... J..., agissant en leur nom propre, en qualité d'ayants droit F... E... et en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs D... et B... C... E..., ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier (CH) de Redon ou, à titre subsidiaire, l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à leur verser une somme globale de 76 019,20 euros, en réparation des conséquences dommageables de la prise en charge F... E... par cet établissement à compter du 12 mars 2015.

Par un jugement n°1805650 du 18 mars 2021, rectifié par une ordonnance de rectification d'erreur matérielle du 6 avril 2021, le tribunal administratif de Rennes a condamné le centre hospitalier de Redon à verser à la succession F... E..., la somme de 2 100 euros en réparation des préjudices de cette dernière, et à Mme E... et M. C... J... la somme globale de 24 447,94 euros en réparation de leurs préjudices et de ceux de leurs deux enfants mineurs.

G... devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 mai et 28 octobre 2021, Mme E..., et M. C... J..., agissant en leur nom propre, en qualité d'ayants droit F... E... et en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs D... et B... C... E..., représentés par Me L'Hostis, demandent à la cour :

1°) de porter à 4 900 euros la somme à verser par le centre hospitalier de Redon à la succession F... E... et à 49 802,92 euros la somme à leur verser, assorties des intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2018 et de leur capitalisation ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Redon la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les souffrances endurées par la victime doivent être réparées par le versement d'une somme de 4 900 euros ;

- l'indemnisation de leurs préjudices patrimoniaux doit être portée à la somme de 4 965 euros, compte tenu notamment des frais de transport pour se rendre à l'expertise, de 444 euros, des frais d'assistance par un médecin conseil, d'un montant de 3 000 euros, et de frais de consultation d'un psychologue par Mme E..., d'un montant de 1 521 euros ;

- leur préjudice d'affection en lien avec le décès F... E... doit être évalué à 20 000 euros pour Mme E..., sa fille, à 10 000 euros chacun pour Eliot et D... C... E..., ses petits-fils, et à 5 000 euros pour M. C... J..., son gendre ;

- ils ont subi un préjudice d'accompagnement qui doit être évalué aux sommes de 10 000 euros pour Mme E... et de 5 000 euros pour M. C... J....

Par un mémoire en défense enregistré le 6 juillet 2021, l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Birot, conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il l'a mis hors de cause.

Il soutient que la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Redon est engagée et qu'aucun accident médical n'est établi.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 juillet 2021, le centre hospitalier de Redon, représenté par Me Boizard, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête des consorts E... ;

2°) par la voie de l'appel incident, de ramener à 1 400 euros la somme à verser à la succession F... E..., en réparation des souffrances endurées par cette dernière, et à 14 447,94 euros, ou à 14 797,94 euros à titre infiniment subsidiaire, les sommes à verser aux requérants en réparation de leurs préjudices et de ceux de leurs deux enfants.

A... soutient que :

- la somme allouée au titre des souffrances endurées par Gisèle E... doit être ramenée à 1 400 euros ;

- le tribunal a fait une exacte appréciation des frais de déplacement des requérants en les fixant sur la base du barème kilométrique 2017 pour un véhicule de six chevaux jusqu'à

5 000 km, soit 0,568 euro par kilomètre ;

- les frais d'assistance par un médecin conseil de 3 000 euros ne devront être pris en charge qu'à hauteur de 70% ;

- les requérants ne justifient pas des frais allégués au titre des séances de Mme E... chez un psychologue, ni de leur lien avec le décès F... E... ;

- les sommes allouées au titre du préjudice d'affection devront être ramenées à de plus justes proportions : 3 500 euros pour Mme E..., 2 800 euros pour ses deux fils et la demande de M. C... J... à ce titre devra être rejetée ou, à titre infiniment subsidiaire, ramenée à un montant n'excédant pas 350 euros ;

- compte tenu de la faible durée de l'hospitalisation de la victime, qui était en tout état de cause rendue nécessaire par sa chute, aucun préjudice d'accompagnement n'est établi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Catroux,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me L'Hostis, représentant Mme E... et M. C... J..., et de Me Menuel, représentant le centre hospitalier de Redon.

Considérant ce qui suit :

1. Gisèle E..., née le 26 avril 1933, a été admise aux urgences du centre hospitalier (CH) de Redon le 12 mars 2015, après avoir fait deux chutes à son domicile les jours précédents. Les examens réalisés aux urgences ont mis en évidence un syndrome inflammatoire. L'intéressée a été transférée dans le service de gériatrie, qui a constaté une infection bactérienne par staphylocoque doré méti-S. Son état de santé s'est rapidement aggravé avec un état septique sévère le 15 mars, conduisant à l'administration d'une antibiothérapie en fin d'après-midi, mais qui n'a pas permis d'éviter son décès, survenu le 16 mars 2015. Se fondant sur un rapport d'expertise médicale du 29 juillet 2017, concluant à un retard thérapeutique fautif entraînant une perte de chance de survie à un an de 70%, les requérants ont sollicité, par une réclamation reçue le 23 mai 2018, la réparation de leurs préjudices. Leur demande ayant été rejetée, ils ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le CH de Redon ou, à titre subsidiaire, l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à les indemniser des conséquences dommageables de la prise en charge de leur parente par le CH de Redon. Par un jugement du 18 mars 2021, dont les consorts E... relèvent appel en tant qu'il ne leur a pas donné entière satisfaction, le tribunal administratif de Rennes a, après avoir mis hors de cause l'ONIAM, condamné le centre hospitalier de Redon à verser à la succession F... E..., la somme de 2 100 euros en réparation des préjudices de cette dernière, et à Mme E... et M. C... J... la somme globale de 24 447,94 euros en réparation de leurs préjudices et de ceux de leurs deux enfants mineurs. Les parties à l'instance qui ne contestent ni l'engagement de la responsabilité du centre hospitalier sur le fondement du retard fautif dans la prise en charge F... E..., ni le taux de perte de chance retenu par le tribunal, se limitent à contester l'évaluation des préjudices subis.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices F... E... :

2. Il résulte de l'instruction que les souffrances endurées par la victime en lien avec le retard thérapeutique imputable au CH de Redon doivent être évaluées à 2 sur une échelle de

1 à 7. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre par l'intéressée, en le fixant à la somme de 3 000 euros. Par suite, compte-tenu du taux de perte de chance de 70% retenu par le tribunal, il y a lieu de mettre à la charge du CH de Redon une somme de 2 100 euros à verser à la succession F... E....

En ce qui concerne les préjudices des proches F... E... :

S'agissant des préjudices à caractère patrimonial :

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les requérants ont effectué un trajet d'environ 720 kilomètres aller-retour depuis leur domicile pour assister à la réunion d'expertise du 29 juillet 2017. Compte tenu du barème kilométrique fiscal applicable en 2017 pour un véhicule de 6 chevaux fiscaux, comme en l'espèce, il serait fait une exacte appréciation des frais ainsi exposés en les fixant à la somme de 410 euros, qu'il y a lieu de condamner le CH de Redon à leur verser.

4. En deuxième lieu, les requérants justifient avoir réglé les honoraires du médecin conseil, présent utilement à la réunion d'expertise, d'un montant 3 000 euros. Par suite, il y a lieu de leur allouer une telle somme, dès lors que cette dépense est entièrement imputable à la faute de l'établissement et qu'il n'y a pas lieu d'y appliquer le taux de perte de chance retenu.

5. En dernier lieu, si Mme E... soutient qu'elle a exposé des frais pour des séances chez un psychologue à la suite du décès de sa mère, elle ne l'établit pas. Par suite, sa demande à ce titre doit être rejetée.

En ce qui concerne les préjudices à caractère extrapatrimonial des proches :

S'agissant du préjudice d'accompagnement :

6. Il résulte de l'instruction que l'hospitalisation F... E... a été très brève. Cette dernière aurait, de plus, été hospitalisée du seul fait de sa chute. Par suite, il n'est pas établi que les requérants auraient subi un préjudice d'accompagnement directement imputable à la faute en litige.

S'agissant du préjudice d'affection :

7. En premier lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection de

Mme E..., du fait du décès brutal de sa mère, avec laquelle elle n'habitait pas mais qu'elle voyait très régulièrement, en l'évaluant à la somme de 10 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance retenu, il y a lieu de lui allouer à ce titre la somme de 7 000 euros.

8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. C... J..., gendre F... E..., voyait régulièrement cette dernière. Son préjudice d'affection doit, dès lors, être évalué à la somme de 2 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance retenu, il y a lieu de mettre à la charge de l'établissement public à ce titre la somme de 1 400 euros.

9. En troisième lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par D... et Eliot C... E... du fait du décès de leur grand-mère dont ils étaient proches, en l'évaluant pour chacun d'eux à la somme de 5 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance retenu, il y a lieu de condamner le centre hospitalier à leur verser les sommes de

3 500 euros chacun.

10. Il résulte de tout de ce qui précède que la somme que le centre hospitalier de Redon doit être condamné à verser à Mme E..., épouse C..., au titre de ses préjudices extrapatrimoniaux, doit être ramenée à 7 000 euros et la somme qu'il est condamné à verser à Mme E..., épouse C..., et M. C... J..., en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs D... et B... C... E..., doit être ramenée à la somme globale de 7 000 euros.

11. Les sommes mentionnées au point précédent doivent être assorties des intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2018, date de réception de la réclamation indemnitaire des requérants, et, la capitalisation des intérêts ayant été demandée le 22 septembre 2018, ces intérêts doivent être capitalisés à compter du 23 mai 2019, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêt, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, de maintenir à la charge du centre hospitalier de Redon les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 2 652 euros.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Redon, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que Mme E... et M. C... J... demandent aux titres des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que le centre hospitalier de Redon est condamné à verser à Mme E..., épouse C..., en réparation de ses préjudices extrapatrimoniaux est ramenée à 7 000 euros. La somme qu'il est condamné à verser à Mme E..., épouse C..., et M. C... J..., en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs D... et B... C... E..., est ramenée à 7 000 euros. Ces sommes sont assorties des intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2018, capitalisés à compter du 23 mai 2019, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 18 mars 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... E... épouse C..., M. I... C... J..., à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine, au centre hospitalier de Redon et à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- M. L'Hirondel, premier conseiller,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2022.

Le rapporteur,

X. CATROUXLe président,

D. SALVI

La greffière

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01350


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01350
Date de la décision : 08/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SELARL BIROT MICHAUD RAVAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-04-08;21nt01350 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award