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10/06/2022 | FRANCE | N°20NT03428

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 10 juin 2022, 20NT03428


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EURLD... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour les périodes du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2011, du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012 et du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013.

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels

il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012.

Par un jugement nos 180...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EURLD... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour les périodes du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2011, du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012 et du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013.

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012.

Par un jugement nos 1801470, 1802395 du 2 septembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 novembre 2020 et 18 février 2022 l'EURL D... et M. C..., représentés par Me Maidagi, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer les décharges sollicitées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 3 mars 2017 est insuffisamment motivé dès lors que la commission n'a pas pris en compte les pertes de quantités de bières lors du nettoyage des colonnes de bières ;

- l'exercice clos en 2011 était prescrit dès lors que l'entreprise a justifié son adhésion dans un centre de gestion ;

- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est radicalement viciée, alors que l'entreprise a fourni tous les documents comptables obligatoires ; l'administration fiscale n'a pas pris en compte les conditions réelles d'exploitation, ni les pertes et quantités de boissons volées par les salariés, ni les quantités de bière perdues lors du nettoyage des colonnes de bières ;

- il en est de même lorsque le vérificateur a imputé une minoration de caisse de 449,90 euros alors que la caisse présentait un excédent de 81 euros ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée puisque l'intention d'éluder l'impôt n'est pas établie.

Par des mémoires en défense enregistrés les 10 mai 2021 et 15 avril 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'EURL D... et M. C... ne sont pas fondés.

Un mémoire présenté pour l'EURL D... et M. C... a été enregistré le 22 mai 2022 n'a pas été communiqué à la partie adverse, mémoire intervenu entre la clôture automatique de l'instruction et la date de l'audience.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique,

- et les observations de Me Maidagi, représentant l'EURL D... et M. C....

Une note en délibéré a été produite le 07 juin 2022 par l'EURL D...

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL D..., qui exploite un débit de boissons à Rennes et dont le gérant et unique associé est M. C..., a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos entre 2011 et 2013, à l'issue de laquelle l'administration a procédé à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à l'encontre de l'EURL D... et à des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux à l'égard de M. C.... L'EURL D... et M. C... ont demandé au tribunal administratif de Rennes la décharge de ces rappels et cotisations supplémentaires. Par un jugement du 2 septembre 2020, le tribunal a rejeté leur demande. L'EURL D... et M. C... relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. / Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 ". Aux termes de l'article R. 60-3 du même livre : " L'avis ou la décision de la commission départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires doit être motivé. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que si l'insuffisance de motivation de l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'affecte pas la régularité de la procédure d'imposition et n'est pas de nature à entraîner la décharge de l'imposition contestée, cette irrégularité a pour effet de modifier la dévolution de la charge de la preuve.

4. En l'espèce, l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires d'Ille-et-Vilaine du 3 mars 2017, qui au demeurant a été suivi par l'administration, est suffisamment motivé même s'il ne fait pas état de pertes sur les colonnes de bières lors de leur entretien. Ainsi, la motivation de l'avis étant suffisante la charge de la preuve ne pèse pas sur l'administration.

Sur le bien-fondé des rappels et impositions supplémentaires :

En ce qui concerne la prescription :

5. Aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales, alors applicable en 2014 : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la deuxième année qui suit celle au titre de laquelle la taxe est devenue exigible conformément au 2 de l'article 269 du code général des impôts pour les contribuables dont les revenus bénéficient des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 169 et pour les périodes pour lesquelles le service des impôts des entreprises a reçu une copie du compte rendu de mission prévu aux articles 1649 quater E et 1649 quater H du même code. Cette réduction de délai ne s'applique pas aux contribuables pour lesquels des pénalités autres que les intérêts de retard auront été appliquées sur les périodes d'imposition non prescrites visées au présent alinéa. (...). ". Il résulte de ces dispositions que la réduction du délai de reprise de trois ans à deux ans ne s'applique pas aux contribuables pour lesquels des pénalités autres que des intérêts de retard ont été appliquées sur les périodes d'imposition non prescrites.

6. La proposition de rectification du 15 décembre 2014, relative à l'exercice clos en 2011, faisant application de la majoration pour manquement délibéré, qui est justifiée, ainsi qu'il sera dit au point 11, et ayant été notifiée le 17 décembre 2014, soit avant l'expiration le 31 décembre 2014 du délai de reprise de trois ans, il en résulte que le droit de reprise à l'égard de cet exercice a été régulièrement exercé par l'administration.

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :

7. Le rejet de la comptabilité comme non probante n'est pas contesté par l'EURL D... et M. C..., qui au demeurant ne l'ont pas contesté devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et le tribunal administratif.

8. L'EURL D... et M. C... soutiennent que le vérificateur aurait dû prendre en compte dans la reconstitution du chiffre d'affaires les quantités de bière perdues lors du nettoyage des colonnes de bières et versent une attestation d'un fournisseur de bières indiquant que la désinfection de ces colonnes, qui a lieu toutes les cinq semaines, génère une perte d'environ 2 litres de bière sur chacune des vingt machines, soit une perte de 400 litres par an. Toutefois, si une telle quantité perdue de bière était ajoutée aux pertes de bières spéciales et ordinaires et des bières de marque Kriek et Kwak mentionnées dans les propositions de rectifications des 17 décembre 2014 et 28 mai 2015, à raison deux litres de bières par fût lors de l'ouverture et de la fin de chaque fût, soit 5,5 % sur 6 436 000 centilitres de bières achetés entre le 1er octobre 2010 et le 30 septembre 2011, 6,16 % sur 4 898 000 centilitres de bières achetés entre le 1er octobre 2011 et le 30 septembre 2012 et 6,74 % sur 3 551 500 centilitres de bières achetés pour la dernière période, elle ne représenterait respectivement que des pourcentages supplémentaires de 0,68 %, 0,82 % et 1,12 %. Cette perte supplémentaire est donc marginale et n'est, par suite, pas de nature à vicier radicalement la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires. La circonstance que l'éventualité des pertes dues au nettoyage des colonnes de bières ne figure pas dans le questionnaire technique de l'administration auquel a répondu l'EURL D... au début de la vérification de comptabilité est, par voie de conséquence, sans incidence.

9. Si l'EURL D... soutient que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est radicalement viciée dès lors que le vérificateur n'a pas pris en compte les quantités de boissons volées par les salariés, elle se contente de verser une main-courante, au demeurant postérieure aux années d'imposition, et n'apporte aucun élément précis, chiffré et fondé sur la réalité de ces faits permettant de modifier les résultats de la méthode.

10. Enfin, la circonstance que le vérificateur a imputé une minoration de caisse de 449,90 euros alors que la caisse présentait un excédent de 81 euros, à la supposer établie, n'est pas suffisante en elle-même pour regarder la méthode de reconstitution comme radicalement viciée.

Sur la majoration pour manquement délibéré :

11. L'administration fait valoir l'existence d'une pratique consistant à appliquer un cumul forfaitaire du nombre de consommations sur un même ticket par multiples de 10 en dehors des heures d'affluence en soirée, des enregistrements forfaitaires de consommations ou encore des ouvertures fréquentes du tiroir-caisse sans enregistrement de recettes. Elle démontre ainsi que l'EURL D... ne pouvait ignorer que ses manquements graves à ses obligations comptables du fait d'une absence de sincérité des enregistrements des recettes et de l'absence du caractère probant de la comptabilité lui permettaient de diminuer le montant de l'impôt. Ainsi, elle justifie l'intention d'éluder l'impôt par dissimulation des bases d'imposition, et apporte la preuve, qui lui incombe, de l'existence d'un manquement délibéré justifiant la pénalité au taux de 40 % infligée à la société requérante sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts.

12. Il résulte de ce qui précède que l'EURL D... et M. C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'EURL D... et de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL D..., à M. A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Brasnu, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2022.

Le rapporteur

J.E. B...La présidente

I. PerrotLa greffière

S. Pierodé

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°20NT03428


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03428
Date de la décision : 10/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : CHEVALIER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-10;20nt03428 ?
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