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01/07/2022 | FRANCE | N°21NT00415

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 01 juillet 2022, 21NT00415


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat Sud Santé sociaux d'Ille-et-Vilaine a demandé au tribunal administratif de Rennes de reconnaitre le droit des agents du centre hospitalier Guillaume Régnier de bénéficier de l'indemnité au titre de la 1ère catégorie au 3/4 du taux prévu par l'arrêté du 18 mars 1981 relatif aux primes et indemnités du personnel relevant du IX du code de la santé publique et ce depuis le 1er janvier 2013 à l'exception du personnel informatique, de direction et médical.

Par un jugement n° 1806420 du

17 décembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a reconnu le droit au bénéfic...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat Sud Santé sociaux d'Ille-et-Vilaine a demandé au tribunal administratif de Rennes de reconnaitre le droit des agents du centre hospitalier Guillaume Régnier de bénéficier de l'indemnité au titre de la 1ère catégorie au 3/4 du taux prévu par l'arrêté du 18 mars 1981 relatif aux primes et indemnités du personnel relevant du IX du code de la santé publique et ce depuis le 1er janvier 2013 à l'exception du personnel informatique, de direction et médical.

Par un jugement n° 1806420 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a reconnu le droit au bénéfice de cette indemnité aux agents exerçant leurs fonctions à titre principal, de manière effective et continue, d'une part, au sein des services d'admission de malades mentaux conventionnels et de jour, d'autre part, dans des services accueillant des malades agités et difficiles, les exposant à un risque d'accidents corporels ou de lésions organiques : les Centres Médico-Psychologiques (CMP) - Centre d'Accueil Thérapeutique à temps partiel (CATTP), les Centres de Soins d'Accompagnement et de prévention (CSAPA), le Service Médico-Psychologique Régional (SMPR), les services de séjours thérapeutiques, les services du centre socio thérapeutique et culturel (CSTC), les unités de soins de longue durée (USLD), les Etablissements d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD) et les Maisons d'Accueil Spécialisées (MAS) à compter de leur affectation dans l'un de ces services et au plus tôt à compter du 1er janvier 2013. Le tribunal a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 15 février, 6 octobre et 12 novembre 2021 et 7 février 2022, le centre hospitalier Guillaume Régnier de Rennes, représenté par

Me Champenois, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du 17 décembre 2020 ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler ce jugement en tant qu'il a reconnu le droit à perception de l'indemnité pour travaux dangereux insalubres incommodes de 1ère catégorie au 3/4 du taux prévu par l'arrêté du 18 mars 1981 pour les agents affectés dans certains services ;

3°) à titre plus subsidiaire, de ne reconnaître ce droit que pour les agents affectés de manière permanente dans certains services ou unités ;

4°) d'annuler le jugement en tant qu'il a jugé que la reconnaissance du droit à perception de l'indemnité est fixée au 1er janvier 2013 et de fixer cette date au 24 août 2018.

Il soutient que :

- le recours du syndicat Sud Santé Sociaux est irrecevable dès lors que l'action en reconnaissance de droit se heurte à l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif de Rennes le 7 juin 2012 ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit :

. tous les personnels affectés dans les services et unités d'hospitalisation conventionnelles ne peuvent bénéficier du versement de la prime ;

. il ne peut être fait usage de la notion de " malade mental " qui ne recouvre pas une catégorie particulière de patients en psychiatrie ;

. c'est à tort qu'il a été fait application de l'article R. 6121-24 du code de la santé publique inapplicable en l'espèce relatif à l'hospitalisation à domicile laquelle n'existe pas en psychiatrie ;

. c'est à tort qu'il a été considéré que les résidents en EHPAD et en MAS sont des malades agités et difficiles ; ces structures sont médico-sociales et non sanitaires ;

. le jugement est entaché d'une erreur d'appréciation : le tribunal ne pouvait raisonner en termes de nature de service mais devait raisonner service par service en tenant compte de la prévalence d'une exposition à un risque de lésion ;

. il doit être fait application de l'article L. 77-12-3 du code de justice administrative compte tenu des conséquences excessives susceptibles de découler de l'entrée en vigueur des droits reconnus.

. c'est à tort que l'annulation prononcée par le jugement ne l'a pas été avec un effet différé ;

. par dix décisions prises le 16 décembre 2021, le centre hospitalier a défini les catégories de personnel exposés à des risques éligibles à l'indemnité en litige.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 avril, 27 octobre, 2 et 29 décembre 2021 et le 28 janvier 2022, le syndicat Sud Santé Sociaux d'Ille-et-Vilaine, représenté par Me Bon-Julien, conclut :

- au rejet de la requête en tant que le jugement a reconnu le droit à perception de l'indemnité pour travaux dangereux insalubres incommodes de 1ère catégorie pour les agents exerçant leurs fonctions dans certains services ;

- à l'annulation du jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à la demande de reconnaissance de droit pour les agents exerçant des fonctions administratives, logistiques ou d'entretien, dans des unités autres que celles dans lesquelles le droit a été reconnu ou dans des unités transversales et à la reconnaissance du droit au bénéfice de l'indemnité pour travaux dangereux incommodes, insalubres pour ces agents ;

- à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier Guillaume Régnier le versement de la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son recours est recevable ;

- aucun moyen n'est fondé s'agissant de la demande de reconnaissance de droits pour les CMP, CATTP, CSAPA, SMPR les services de séjours thérapeutique, CSTC, USLD, EHPAD et MAS ;

- le tribunal a ajouté au droit s'agissant des agents affectés dans d'autres services que ceux susmentionnés ou dans des unités transversales ;

- par la voie de, l'appel incident le droit au bénéfice de l'indemnité doit être reconnu, à compter du 1er janvier 2013, aux agents affectés à des métiers administratifs, logistiques ou d'agents de service hospitaliers dans d'autres unités ou les unités Visite à domicile, les équipes mobiles et les éducateurs spécialisés ;

- le risque financier faisant obstacle à une mise en œuvre du droit au bénéfice de la prime à compter de l'affectation ou au plus tôt à compter du 1er janvier 2013 n'est pas établi.

Le 22 décembre 2021, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il n'y avait plus lieu pour la cour de se prononcer sur la déclaration de droits dont elle a été saisie en tant qu'elle concerne les agents affectés au sein du CSAPA l'Envol ainsi que les personnels infirmiers et aides-soignants travaillant à l'UHSA et au SMPR (décision 2020-2207) et au DIHPESEA (décision 2020-2208).

Le 9 février 2022, les parties ont été informées en application des dispositions de l'article

R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il n'y avait plus lieu pour la cour de se prononcer sur la déclaration de droits dont elle a été saisie en tant qu'elle concerne les agents exerçant certaines fonctions dans les unités définies par les décisions prises par le centre hospitalier dans ses décisions n° 2021-2379 à 2021-2388 du 16 décembre 2021.

Une note en délibéré a été présentée le 7 avril 2022 pour le syndicat Sud Santé Sociaux d'Ille-et-Vilaine.

Le 13 avril 2022, les parties ont été informées en application des dispositions de l'article

R. 611-7 du code de justice administrative de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en ce qu'il a omis de prononcer un non-lieu à statuer s'agissant des conclusions à fin de déclaration de droit concernant les agents exerçant les fonctions visées par les décisions n° 2020-2206 ; 2020-2207 et 2020-2208 prises le 1er septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 67-624 du 23 juillet 1967 ;

- l'arrêté du 18 mars 1981 relatif aux primes et indemnités du personnel relevant du livre IX du code de la santé publique dont les taux et les montants sont déterminés par des textes applicables aux agents de l'Etat ;

- l'arrêté du 30 août 2001 fixant les taux de base des indemnités pour travaux dangereux, insalubres, incommodes ou salissants ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

etles observations de M. A... pour le CHU de Caen et de Me Bon-Julien représentant le syndicat Sud Santé Sociaux.

Considérant ce qui suit :

1. Se prévalant des dispositions du décret du 23 juillet 1967 et de l'article 8 de l'arrêté du 18 mars 1981, le syndicat Sud Santé Sociaux d'Ille-et-Vilaine a présenté, par une lettre du 24 août 2018, auprès du directeur du centre hospitalier Guillaume Régnier (CHGR) de Rennes, une réclamation préalable de reconnaissance du droit pour les agents de cet établissement hospitalier, à l'exception du personnel informatique, de direction et médical, à bénéficier de l'indemnité, au titre de la 1ère catégorie, pour travaux dangereux, insalubres, incommodes ou salissants, et ce depuis le 1er janvier 2013. L'absence de réponse à cette réclamation préalable a fait naître, le 27 décembre 2018, une décision implicite de rejet. Se plaçant dans le cadre de la procédure d'action en reconnaissance de droit prévue aux articles L. 77-12-1 et suivants du code de justice administrative, le syndicat a demandé au tribunal administratif de Rennes la reconnaissance de ce droit. Aux termes du jugement n° 1806420 du 17 décembre 2020, le tribunal a reconnu le droit au bénéfice de l'indemnité pour travaux dangereux insalubres, incommodes ou salissants de 1ère catégorie, au 3/4 du taux prévu par l'arrêté du 18 mars 1981, relatif aux primes et indemnités du personnel relevant du livre IX du code de la santé publique au bénéfice des agents du centre hospitalier Guillaume Reigner, en tant qu'il concerne ceux exerçant leurs fonctions à titre principal, de manière effective et continue, d'une part, au sein des services d'admission de malades mentaux conventionnels et de jour, d'autre part, dans des services accueillant des malades agités et difficiles, les exposant à un risque d'accidents corporels ou de lésions organiques, à savoir les Centres Médico-Psychologiques (CMP), les Centres d'Accueil Thérapeutique à temps partiel (CATTP), les Centres de Soins d'Accompagnement et de prévention (CSAPA), le Service Médico-Psychologique Régional (SMPR), les services de séjours thérapeutiques, les services du centre socio thérapeutique et culturel (CSTC), les unités de soins de longue durée (USLD), les Etablissements d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD) et les Maisons d'Accueil Spécialisées (MAS). Le droit à perception de l'indemnité de 1ère catégorie pour travaux insalubres, incommodes ou salissants a été reconnu par le tribunal aux agents du CHGR à compter de leur date d'affectation dans l'un de ces services et au plus tôt, à compter du 1er janvier 2013. Le centre hospitalier Guillaume Régnier relève appel de ce jugement en tant qu'il a reconnu un tel droit.

Sur l'exception de non-lieu à déclaration de droits :

2. Par dix décisions portant les n° 2021-2379 à 2021-2388, édictées le 16 décembre 2021, le centre hospitalier Guillaume Régnier a décidé d'attribuer l'indemnité pour travaux dangereux, insalubres, incommodes ou salissants au 3/4 du taux de 1ère catégorie au bénéfice :

a) des infirmiers, aides-soignants, agents de service hospitaliers qualifiés affectés dans les unités relevant du pôle addiction et précarité les Iris (décision 2021-2379) ;

b) des infirmiers, aides-soignants, agents de service hospitaliers qualifiés affectés dans les unités de travail relevant du pôle G07-FIHP : pool du pôle G07-FIHP, John Cade, Ste Marie, Daumezon, Falret et Laennec (décision 2021-2380) ;

c) des infirmiers, aides-soignants, agents de service hospitaliers qualifiés affectés dans les unités de travail relevant du pôle G08 : pool du pôle G08, Jean Wier, Racamier et Henri Laborit (décision 2021-2381) ;

d) des infirmiers, aides-soignants, agents de service hospitaliers qualifiés affectés dans les unités de travail relevant du pôle G09 : pool du pôle G09, Georges Canguilhem, Gladys Swain, Botrel et Pussin (décision 2021-2382) ;

e) des infirmiers, aides-soignants, aides médico-psychologiques et agents de service hospitaliers qualifiés affectés dans les unités de travail relevant du géronto-pôle : (USLD 1er et 2ème étage, EHPAD de Châteaugion, de Bruz Laroque, de Bruz Vignalou et du pool du géronto-pôle (décision 2021-2383) ;

f) des infirmiers, aides-soignants, agents de service hospitalier qualifiés affectés dans les unités de travail relevant du pôle G04-G06 : pool de G04, pool de G06, Regain, Brocéliande, Anne de Bretagne et Muchielli (décision 2021-2384) ;

g) du pool, aux infirmiers, aides-soignants, aide médico-psychologiques, accompagnants éducatif et social, moniteurs éducateurs, agents de service hospitaliers qualifiés affectés dans les unités de travail relevant du pôle handicap physique et mental : Hortensias, Dauphins, Bruyères, Fougères, Camélias, Bambis, Furets, Ajoncs, pool de la MAS (décision 2021-2385) ;

h) des infirmiers, aides-soignants, agents de service hospitalier qualifiés des unités de travail relevant du pôle hospitalo-universitaire de psychiatrie adulte : pool du PHUPA, Clérembault, Pierre Denicker, Pinel, Jules Seglas, Kraepelin, SAU, SPAO , UHCD (décision 2021-2386) ;

i) des infirmiers, aides-soignants, agents de service hospitalier qualifiés des unités de travail relevant du pôle rennais de psychiatrie adulte centre et sud : pool de G05, pool de G10, Magnan, Morel, Paul Bernard (UMA), Paumelle, Jean Delay (décision 2021-2387) ;

j) des infirmiers, aides-soignants, agents de service hospitalier qualifiés des unités de travail affectés dans les unités de travail relevant du pôle de psychiatrie en milieu pénitentiaire : Menez Hom, Molène, SMPR (décision 2021-2389).

3. Par suite, il n'y a plus lieu pour la cour de se prononcer sur les conclusions de la requête en tant qu'elle tend à la reconnaissance du droit à perception de l'indemnité en litige pour les personnels visés par les décisions mentionnées au point ci-dessus à compter de l'entrée en vigueur de ces décisions par leur publication par voie d'affichage dans l'établissement ou à compter de leur publication au recueil des actes administratifs de la préfecture d'Ille-et-Vilaine.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Par une décision n° 2020-2206 du 1er septembre 2020, consécutive à l'arrêt de la cour n° 16NT00342 du 24 novembre 2017, le directeur du centre hospitalier Guillaume Régnier a décidé d'allouer l'indemnité spécifique pour travaux dangereux, insalubres, incommodes ou salissants au 3/4 du taux de 1ère catégorie à l'ensemble du personnel affecté au sein du centre de soin d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) l'Envol.

5. En outre, par la décision n° 2020-2207 du 1er septembre 2020, le centre hospitalier a décidé de verser la même indemnité à 3/4 de taux au personnel infirmier et aide-soignant affecté en Unité hospitalière spécialement aménagée et au service médico-psychologique régional. Par une décision n° 2020-2208 du même jour, le centre hospitalier a également décidé de verser la même indemnité au même taux au personnel infirmier et aide-soignant affecté en DIHPSEA.

6. Il s'ensuit que la demande présentée par le syndicat requérant devant le tribunal était, dans la mesure de ces trois décisions, devenue sans objet. En omettant de prononcer un non-lieu à statuer dans cette même mesure, les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité.

7. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande tendant à la reconnaissance de droits en tant qu'elle concerne les agents affectés dans les unités relevant des pôles mentionnés aux points 4 et 5 ci-dessus.

8. Il y a également lieu pour la cour de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur le surplus des conclusions de la demande présentée par le syndicat Sud Santé Sociaux devant le tribunal administratif de Rennes.

Sur l'exception tirée de l'autorité de la chose jugée :

9. Aux termes de l'article R. 77-12-19 du code de justice administrative : " Est irrecevable l'action tendant à la reconnaissance de droits déjà reconnus par une décision passée en force de chose jugée ".

10. L'autorité relative de la chose jugée peut être invoquée à l'encontre de toutes les personnes qui ont été parties en la même qualité dans l'instance qui a donné lieu à une décision passée en force de chose jugée, quelle qu'ait été par ailleurs leur situation dans cette instance, pour autant que les demandes aient le même objet et reposent sur la même cause juridique.

11. Le centre hospitalier Guillaume Régnier soulève l'exception de l'autorité de la chose jugée au regard du jugement n° 1004425 du 7 juin 2012 du tribunal administratif de Rennes. Toutefois, ce jugement se prononçait sur les conclusions à fin d'annulation d'une part, de décisions prises par le directeur général de l'ARS le 29 avril 2010 demandant au directeur du centre hospitalier Guillaume Régnier d'appliquer les textes en vigueur en ce qui concerne l'attribution de l'indemnité pour travaux dangereux, insalubres, incommodes ou salissants et, d'autre part, au président du conseil d'administration de ce même établissement de retirer la délibération de ce conseil du 9 avril 2010 concernant cette indemnité, ainsi que sa décision du 20 septembre 2010 rejetant le recours gracieux présenté contre ces actes ainsi que de celles du directeur du centre hospitalier procédant au retrait de cette délibération et fixant les conditions d'attribution de l'indemnité en cause et de la décision du 31 août 2010 rejetant le recours administratif formé contre ces actes.

12. Eu égard à l'absence d'identité d'objet de cette action avec celle en déclaration de droit engagée par le syndicat Sud Santé sociaux d'Ille-et-Vilaine, l'exception d'autorité de la chose jugée par le tribunal dans le jugement du 7 juin 2012, invoquée par l'intimé, ne peut être accueillie.

Sur les conclusions à fin de reconnaissance de droits :

13. Aux termes de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative : " L'action en reconnaissance de droits permet à une association régulièrement déclarée ou à un syndicat professionnel régulièrement constitué de déposer une requête tendant à la reconnaissance de droits individuels résultant de l'application de la loi ou du règlement en faveur d'un groupe indéterminé de personnes ayant le même intérêt, à la condition que leur objet statutaire comporte la défense dudit intérêt. (...). / Le groupe d'intérêt en faveur duquel l'action est présentée est caractérisé par l'identité de la situation juridique de ses membres. Il est nécessairement délimité par les personnes morales de droit public ou les organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public mis en cause. / L'action collective est présentée, instruite et jugée selon les dispositions du présent code, sous réserve du présent chapitre. ". Aux termes de l'article L. 77-12-3 dudit code: " Le juge qui fait droit à l'action en reconnaissance de droits détermine les conditions de droit et de fait auxquelles est subordonnée la reconnaissance des droits. / S'il lui apparaît que la reconnaissance de ces droits emporte des conséquences manifestement excessives pour les divers intérêts publics ou privés en présence, il peut déterminer les effets dans le temps de cette reconnaissance./ Toute personne qui remplit ces conditions de droit et de fait peut, sous réserve que sa créance ne soit pas prescrite ou son action forclose, se prévaloir, devant toute autorité administrative ou juridictionnelle, des droits reconnus par la décision ainsi passée en force de chose jugée. ".

14. Aux termes de l'article 20 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire (...). Aux termes de l'article 1er du décret du 23 juillet 1967 fixant les modalités d'attribution et les taux des indemnités pour travaux dangereux, insalubres, incommodes ou salissants : " Des indemnités spécifiques peuvent être allouées à certains personnels chargés d'effectuer des travaux pour l'exécution desquels des risques ou des incommodités subsistent malgré les précautions prises et les mesures de protection adoptées. Ces indemnités spécifiques sont classées en trois catégories : / 1ère catégorie : indemnités spécifiques pour des travaux présentant des risques d'accidents corporels ou de lésions organiques. / 2ème catégorie : indemnités spécifiques pour des travaux présentant des risques d'intoxication ou de contamination. / 3ème catégorie : indemnités spécifiques pour des travaux incommodes ou salissants. ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " Les indemnités spécifiques pour travaux dangereux, insalubres, incommodes ou salissants ne sont pas cumulables entre elles, ni avec les indemnités de risques et de sujétions spéciales. Toutefois les bénéficiaires d'une indemnité de risques et de sujétions spéciales appelés à effectuer des travaux ouvrant droit à une indemnité spécifique de 1er catégorie servie à raison d'au moins un taux de base par demi-journée peuvent prétendre pour chacun de ces travaux à l'indemnité spécifique correspondante dont le taux est alors réduit de moitié. ". Aux termes enfin de l'article 8 de l'arrêté susvisé du 18 mars 1981 relatif à l'indemnité pour travaux dangereux, incommodes, insalubres ou salissants : " Des indemnités spécifiques sont allouées aux agents chargés d'effectuer des travaux pour l'exécution desquels des risques ou des incommodités subsistent malgré les précautions prises et les mesures de protection adoptées. Les travaux ouvrant droit aux indemnités spécifiques sont rangés dans les trois catégories ci-après : 1ère catégorie : travaux présentant des risques d'accidents corporels ou de lésions organiques ;(...). Il ne peut être attribué plus d'un taux de base par demi-journée de travail effectif, sauf pour les indemnités de 1ère catégorie pour lesquelles il ne peut être alloué plus de deux taux de base par demi-journée de travail effectif. La classification des travaux ouvrant droit aux indemnités spécifiques ainsi que le nombre ou la fraction de taux de base qu'il convient d'allouer par demi-journée de travail effectif sont déterminés par le tableau figurant à l'annexe II.B du présent arrêté ". Et ce dernier tableau classe dans les travaux ouvrant droit à l'indemnité pour travaux dangereux, incommodes, insalubres ou salissants, en catégorie 1, ceux réalisés dans le cadre d'une affectation dans les services de malades agités et difficiles ou d'une affectation dans les services d'admission de malades mentaux.

15. Il ressort de la combinaison de ces dispositions que seuls les agents affectés dans des services accueillant des malades agités ou difficiles ou dans les services d'admission des malades mentaux et qui sont exposés à un risque d'accidents corporels ou de lésions organiques peuvent prétendre au versement de la prime en cause.

16. Au regard d'une part, des fiches d'évènements indésirables et des déclarations d'accidents du travail observés depuis 2013, des dangers graves et imminents signalés ainsi que des compte rendus de retour d'expérience, du document unique d'évaluation des risques professionnels élaboré par le centre hospitalier aux fins d'examen par le CHSCT en juin 2019 à fin d'intégration dans un plan annuel de prévention des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail mis à jour annuellement, et d'autre part, des mesures prises par le centre hospitalier afin de minimiser l'exposition au risque des agents comme l'installation de postes téléphoniques internes dans les différentes structures et de caméras de surveillance, la mise en place d'un plan de formation qui, pour 2019, prévoit des modules de prévention des situations à risque, de gestion des situations de crise et de prévention des risques psycho-sociaux ou la conclusion d'une convention, en mai 2018, avec les services de maintien de l'ordre mettant en œuvre diverses mesures de nature à faciliter l'accès et l'intervention de ces services, des diagnostics réguliers de sécurité, des escortes de certains patients, de recueil des plaintes des agents victimes d'infraction, le centre hospitalier a mandaté un bureau d'études afin de procéder à l'analyse des risques pour les personnels affectés dans des services susceptibles d'être à l'origine de risques d'accidents corporels ou de lésions organiques.

17. Le bureau d'études Apave, dont la méthodologie a consisté, après avoir analysé les documents évoqués ci-dessus établis depuis 2013, à évaluer le degré d'exposition aux risques (graduée d'exceptionnelle à constante), la gravité de l'exposition au risque allant des " impacts mineurs ou lésions bénignes " aux séquelles graves, irréversibles voire au décès, et à procéder à l'étude des fonctions professionnelles les plus exposées aux risques visés par les dispositions mentionnées ci-dessus, a déposé son rapport en septembre 2021.

18. Ce document, produit pour la première fois devant la cour, permet de constater que les métiers les plus exposés au risque d'accidents corporels ou de lésions organiques sont les infirmiers, les aides-soignants et les agents de service hospitaliers.

19. Il résulte également de l'instruction et notamment des constatations opérées par ce bureau d'études quant aux services ou unités du centre hospitalier dans lesquels peuvent être observées à la fois une fréquence au moins occasionnelle de l'exposition au risque de violence physique avec dommage corporel et d'un degré de gravité de cette exposition emportant un risque au moins de blessures significatives ou de lésions moyennes, que les infirmiers de l'unité de Clérembault et les aides-soignants de l'unité Pierre Denicker dépendant du pôle PHUPA, les aides-soignants de l'unité Botrel dépendant du pôle G09, les aides-soignants de l'USLD 1er étage du Gérontopôle, les aides-soignants des unités Fougères et Veille Mas dépendant du pôle Mas, les infirmiers de l'unité Pen Duick du pôle DIHPSEA ainsi que les aides-soignants de l'équipe de prévention et d'intervention dépendant du pôle Direction sont les agents du centre hospitalier Guillaume Régnier les plus exposés aux risques d'accidents corporels ou de lésions organiques.

Sur les conclusions relatives aux modalités de versement de l'indemnité :

20. L'affectation d'un agent exerçant des fonctions d'infirmiers, d'aide-soignant ou d'agent des services hospitaliers, dans l'un des services mentionnés au point 19 doit être regardée comme effective lorsque cet agent y travaille de manière continue et à titre principal, selon une quotité égale ou supérieure à la moitié de son temps de travail, depuis son affection dans ce service ou au plus tôt, à compter du 1er janvier 2014.

21. Le droit ainsi ouvert aux agents visés au même point 19 du présent arrêt s'exerce sans préjudice des droits reconnus par le centre hospitalier Guillaume Régnier par ses décisions

n° 2020-2206 à 2020-2208 du 1er septembre 2020 et ses décisions n° 2021-2379 à 2021-2388 du 16 décembre 2021 aux agents exerçant les fonctions qui y sont définies et affectés dans les unités prévues dans ses décisions à compter des dates d'entrée en vigueur respectives de ces décisions.

22. Par ailleurs si le centre hospitalier fait valoir qu'une reconnaissance à effet rétroactif du droit à perception pour les agents en remplissant les conditions de l'indemnité pour travaux dangereux, insalubres, incommodes ou salissants serait de nature à faire obstacle au rétablissement de l'équilibre financier de l'EPHAD ou des maisons d'accueil spécialisées et à la réalisation de divers projets concernant ces structures, il ne justifie pas, par les pièces qu'il produit, que la mise en œuvre des droits ainsi reconnus, eu égard au périmètre retenu par le présent arrêt, aurait pour le centre hospitalier des conséquences manifestement excessives pour les divers intérêts publics ou privés en présence.

23. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier Guillaume Regnier est seulement fondé à demander la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a de contraire à ce qui précède.

Sur les frais liés au litige :

24. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du centre hospitalier Guillaume Régnier une somme de 1 500 euros qui sera versée au Syndicat Sud Santé Sociaux d'Ille-et-Vilaine au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu pour la cour de statuer sur les conclusions à fin de déclaration du droit au bénéfice de l'indemnité pour travaux dangereux, insalubres, incommodes ou salissants de 1ère catégorie, au 3/4 du taux prévue par l'arrêté du 18 mars 1981 relatif aux primes et indemnités du personnel relevant du livre IX du code de la santé publique, s'agissant des agents exerçant, dans les unités relevant des pôles visés par les décisions n° 2021-2379 à

2021-2389 du 16 décembre 2021, les fonctions qui y sont précisées.

Article 2 : Le jugement n°1806420 du 17 décembre 2020 du tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu'il a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de déclaration de droit au bénéfice de la même indemnité s'agissant des agents exerçant dans les services ou unités visés par les décisions n° 2020-2206, 2020-2207 et 2020-2208 du 1er septembre 2020 les fonctions qui y sont précisées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu pour la cour de statuer sur les conclusions à fin de déclaration de droit relatives aux agents exerçant dans les services ou unités visés par les décisions n° 2020-2206, 2020-2207 et 2020-2208 du 1er septembre 2020 les fonctions qui y sont précisées.

Article 4 : Le droit au bénéfice de l'indemnité pour travaux dangereux insalubres, incommodes ou salissants de 1ère catégorie, au 3/4 du taux prévu par l'arrêté du 18 mars 1981, relatif aux primes et indemnités du personnel relevant du livre IX du code de la santé publique est reconnu aux infirmiers de l'unité de Clérembault et aux aides-soignants de l'unité Pierre Denicker dépendant du pôle PHUPA, aux aides-soignants de l'unité Botrel dépendant du pôle G09 ; aux aides-soignants de l'USLD 1er étage du Gérontopôle ; aux aides-soignants des unités Fougères et Veille Mas dépendant du pôle Mas, aux infirmiers de l'unité Pen Duick du pôle DIHPSEA et aux aides-soignants de l'équipe de prévention et d'intervention dépendant du pôle Direction qui exercent leurs fonctions à titre principal et de manière effective et continue au sein de ces services.

Article 5 : Sous réserve des droits ayant pu être reconnus à certains agents affectés dans les unités de travail énoncées aux points 2, 4 et 5 du présent arrêt, les agents mentionnés au point 19 ont droit au versement de l'indemnité de 1ère catégorie pour travaux dangereux, insalubres, incommodes ou salissants.

Article 6 : Le jugement n° 1806420 du tribunal administratif de Rennes du 17 décembre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1 à 4 du présent arrêt.

Article 7 : Le centre hospitalier Guillaume Régnier versera au Syndicat Sud Santé Sociaux d'Ille-et-Vilaine une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Guillaume Régnier et au Syndicat Sud Santé Sociaux d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi président de chambre,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juillet 2022.

La rapporteure,

C. B...

Le président,

D. SALVI

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00415


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00415
Date de la décision : 01/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : BON-JULIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-07-01;21nt00415 ?
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