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08/07/2022 | FRANCE | N°22NT00728

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 08 juillet 2022, 22NT00728


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2018 par lequel le préfet de la Mayenne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et l'a astreint à se présenter au commissariat de police de Laval afin d'y justifier de ses diligences dans la préparation de son départ.

Par un jugement n°1

811025 du 18 avril 2019, le président du tribunal administratif de Nantes a annulé l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2018 par lequel le préfet de la Mayenne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et l'a astreint à se présenter au commissariat de police de Laval afin d'y justifier de ses diligences dans la préparation de son départ.

Par un jugement n°1811025 du 18 avril 2019, le président du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté contesté en tant qu'il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B..., a enjoint au préfet de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de l'intéressé dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus de sa demande.

Par un arrêt n°19NT01824 du 5 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur un appel formé par le préfet de la Mayenne, annulé les articles 1er, 2 et 3 de ce jugement et rejeté la demande de M. B....

Par une décision n°451598 du 9 mars 2022 le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et a renvoyé devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n°22NT00728.

Procédure devant la cour avant cassation :

Par une requête enregistrée le 14 mai 2019 le préfet de la Mayenne a demandé à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 avril 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant ce tribunal par M. B... ;

3°) de rembourser les frais liés au litige de première instance.

Il soutenait que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est entaché d'un vice de procédure lié à la longueur de l'instruction ; la demande de première instance a été enregistrée le 18 novembre 2018 et le jugement prononcé le 18 avril 2019, soit six mois après l'enregistrement au lieu des six semaines prévues par l'article R. 776-13-3 du code de justice administrative ;

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne l'annulation du refus de séjour au regard du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- son arrêté est suffisamment motivé au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- contrairement à ce qu'a décidé le tribunal administratif, il n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indépendamment de la production d'un visa d'entrée de long séjour en France ;

- compte tenu du rejet du surplus de la demande de M. B... en première instance, l'Etat n'est pas la partie perdante pour l'essentiel ; sa demande de remboursement des frais liés au litige en première instance est justifiée.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 novembre 2019 M. B..., représenté par Me Gouedo, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour après cassation :

Par un mémoire enregistré le 30 mars 2022 le préfet de la Mayenne maintient les conclusions de sa requête initiale, invoque les mêmes moyens et fait valoir en outre que :

- son refus de délivrance d'une carte de séjour temporaire était parfaitement légal ;

- faute de documents permettant d'attester d'une entrée régulière en France il a pu sans commettre d'erreur de droit rejeter la demande de visa long séjour sur place de M. B... ainsi que sa demande de carte de séjour temporaire en qualité de conjoint d'une ressortissante française sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entré et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'a pas subordonné l'octroi du titre de séjour sollicité au titre des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 à la production d'un visa long séjour et partant, à la preuve de l'entrée régulière en France ;

- il n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les faits et pièces du dossier quant à la motivation de l'arrêté contesté sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

M. B... a produit un mémoire, enregistré le 20 juin 2022 après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juin 2022.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique ;

- le rapport de Mme Perrot, présidente rapporteure,

- et les conclusions de Mme Cholet, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C... B..., ressortissant pakistanais, a sollicité le 7 mai 2018 auprès de la préfecture de la Mayenne un visa long séjour en tant que conjoint de Français, et des titres de séjour " conjoint de Français " et " liens personnels et familiaux " respectivement sur le fondement des 4° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, ainsi que son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code. Par un arrêté du 6 novembre 2018, le préfet de la Mayenne, a, en vertu du 1° du I de l'article L. 511-1 du même code, refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours. M. B... a formé un recours contre cet arrêté devant le tribunal administratif de Nantes. Par un jugement du 18 avril 2019, le président de ce tribunal a annulé l'arrêté litigieux et enjoint au préfet de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de M. B... dans le délai de deux mois. Par un arrêt du 5 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Nantes, sur un appel formé par le préfet de la Mayenne, a annulé ce jugement et rejeté les demandes de M. B.... Par une décision n°451598 du 9 mars 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 776-10 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à la date d'introduction de la demande de première instance : " Les dispositions de la présente sous-section sont applicables aux recours formés, en application du I ou du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, contre les décisions d'obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou de l'article L. 511-3-1 du même code et les autres décisions mentionnées à l'article R. 776-1 du présent code, lorsque l'étranger n'est pas placé en rétention, assigné à résidence ou en détention. ". Aux termes de l'article R. 776-13-1 de ce code : " Les dispositions de la présente sous-section sont applicables aux recours formés, en application du I bis ou du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, contre les décisions d'obligation de quitter le territoire français prises sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 du même code et les décisions mentionnées à l'article R. 776-1 du présent code notifiées simultanément, lorsque l'étranger n'est pas placé en rétention, assigné à résidence ou en détention. ". Aux termes de l'article R. 776-13-3 de ce code : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné statue dans le délai de six semaines prévu au troisième alinéa du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. ".

3. Contrairement à ce que soutient le préfet de la Mayenne, le délai de six semaines mentionné à l'article R.776-13-3 du code de justice administrative ne présente pas un caractère impératif et n'est pas prescrit à peine d'irrégularité du jugement. Par suite, le moyen tiré par l'administration de l'irrégularité dont serait entaché le jugement attaqué en ce qu'il n'a pas été statué sur la demande de M. B... dans un délai de six semaines ne peut qu'être écarté.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

4. Aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) /4°A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ;(...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...). ". Aux termes de l'article L. 313-2 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. (...). ". Enfin, aux termes du sixième alinéa de l'article L. 211-2-1 de ce code : " Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour. ".

5. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier des termes de l'arrêté contesté, qu'en se bornant à rappeler, en page 3 de son arrêté, que la situation familiale de l'intéressé en tant qu'il est marié à une ressortissante française ne pouvait être prise en compte au titre du 4° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faute de visa de long séjour, le préfet n'a pas subordonné la demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à la détention d'un tel visa et n'a pas davantage combiné, pour refuser un titre sur ce fondement, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et celles de l'article L. 211-2-1 du même code. Par suite, c'est à tort que le juge de première instance s'est fondé sur le motif tiré de l'erreur de droit pour annuler la décision portant refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté du 6 novembre 2018 du préfet de la Mayenne, lequel a fait une application correcte des textes rappelés ci-dessus.

6. Il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... à l'encontre de cette décision.

Sur les autres moyens invoqués à l'encontre de l'arrêté contesté :

7. En premier lieu, et contrairement à ce que soutient M. B..., l'arrêté contesté est suffisamment motivé, y compris en ce qu'il porte refus de titre de séjour sur le fondement de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si M. B... a fait valoir que le préfet avait à tort mentionné qu'il pouvait retourner seul au Pakistan pour y solliciter un visa de long séjour, un tel argument relève de l'appréciation au fond de la légalité de l'arrêté contesté et non de sa légalité externe.

8. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que le préfet de la Mayenne aurait à tort renversé la charge de la preuve alors qu'il lui appartenait d'établir l'absence de communauté de vie entre M. B... et sa partenaire, qui relève là aussi de l'appréciation au fond de la légalité de l'arrêté contesté, n'est pas de nature à entacher l'arrêté contesté d'irrégularité en la forme.

9. En troisième lieu, il ne ressort pas des termes de l'arrêté contesté que le préfet aurait, outre l'erreur de droit qui a été écartée au point 5 ci-dessus, commis une erreur de droit en subordonnant l'octroi d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à la détention par l'étranger d'un visa de long séjour.

10. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré en France depuis 2010, n'établit pas y être resté de manière continue et y a séjourné en situation irrégulière pour l'essentiel des années concernées. Si l'intéressé invoque sa communauté de vie avec une ressortissante française qu'il a épousée en septembre 2017, il n'établit par aucun élément l'ancienneté de cette communauté de vie avant le mois d'avril 2018, soit quelques mois avant l'édiction de l'arrêté contesté. Par ailleurs, M. B... ne justifie pas parler correctement le français, et la production de trois promesses d'embauche dans des secteurs professionnels très différents, pour lesquels il ne précise pas ses compétences, ne suffit pas à établir qu'il serait particulièrement intégré dans la société française. Par suite, le préfet de la Mayenne n'a, en prenant l'arrêté contesté, pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

11. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Mayenne est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a annulé la décision de refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté du 6 novembre 2018.

Sur les frais de l'instance :

12. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1, 2 et 3 du jugement n°1811025 du 18 avril 2019 du tribunal administratif de Nantes sont annulés.

Article 2: Les conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif de Nantes par M. B... tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté du 6 novembre 2018, ainsi que les conclusions présentées par lui devant la cour, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C... B....

Une copie en sera transmise au préfet de la Mayenne.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente,

- Mme Gélard, première conseillère ,

- M. Branu, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2022.

La présidente rapporteure

I. PerrotL'assesseur

V. Gélard

La greffière

S Pierodé

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°22NT00728 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00728
Date de la décision : 08/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: Mme la Pdte. Isabelle PERROT
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : CABINET GOUEDO

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-07-08;22nt00728 ?
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