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28/10/2022 | FRANCE | N°21NT00912

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 28 octobre 2022, 21NT00912


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2020 du préfet d'Ille-et-Vilaine lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2005262 du 3 mars 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er avril 2021, Mme A..., représentée par



Me Tourbier , demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Ren...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2020 du préfet d'Ille-et-Vilaine lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2005262 du 3 mars 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er avril 2021, Mme A..., représentée par

Me Tourbier , demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 mars 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 26 octobre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " ou " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- en ne répondant pas au moyen tiré de l'erreur de fait, le tribunal a insuffisamment motivé son jugement ;

- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance du droit d'être entendu tel que protégé par le droit de l'Union européenne la privant ainsi de la possibilité de produire des pièces ;

- cet arrêté a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- en refusant de renouveler son titre de séjour en qualité d'étudiante, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation ;

- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article

L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée le 17 juin 2022 au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention franco-togolaise du 13 juin 1996 relative à la circulation et au séjour des personnes ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante togolaise née le 26 septembre 1992, est entrée en France le 24 septembre 2015 sous couvert d'un visa de type étudiant valable jusqu'au 23 septembre 2016. Une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" lui a été délivrée à compter du 24 septembre 2016 et renouvelée jusqu'au 19 mai 2020. L'intéressée a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour avant de demander, par courriers des 18 août et 9 septembre 2020, un changement de statut et la délivrance d'un titre de séjour

portant la mention "vie privée et familiale". Par un arrêté du 26 octobre 2020, le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai. Mme A... relève appel du jugement du 3 mars 2021 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué et notamment de son point 8, que les premiers juges ont, contrairement à ce que soutient Mme A..., expressément et suffisamment répondu au moyen invoqué devant eux et tiré de l'erreur de fait qu'aurait commise le préfet d'Ille-et-Vilaine quant à la condition relative au caractère réel et sérieux des études suivies par l'intéressée. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité au motif qu'en ne se prononçant pas sur ce moyen, le tribunal administratif de Rennes aurait insuffisamment motivé son jugement.

Sur la légalité de l'arrêté du 26 octobre 2020 :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 9 de la convention franco-togolaise du

13 juin 1996 : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation dans des disciplines spécialisées qui n'existent pas dans l'État d'origine sur le territoire de l'autre État doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. / Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants ".

4. En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour présentée en qualité d'étudiant, d'apprécier, sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études poursuivies en tenant compte de l'assiduité, de la progression et de la cohérence du cursus suivi.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été inscrite en master 1 de psychologie à l'université de Rennes 2 au titre des années universitaires 2015-2016 et

2016-2017. En l'absence de progression dans son cursus, elle a ensuite été réorientée vers une troisième année de licence dans la même discipline afin de lui permettre de consolider ses connaissances et a été inscrite en licence pendant les trois années suivantes. Si Mme A... fait valoir qu'elle a obtenu en juin 2020 le diplôme de licence en psychologie, délivré avec la mention passable et qu'elle s'est montrée assidue dans ses études en dépit des difficultés rencontrées, notamment dans la recherche d'un stage en master 1, ces circonstances ne sauraient, à elles seules, expliquer le manque de progression dans ses études de l'intéressée, qui était déjà titulaire d'une licence délivrée dans son pays d'origine avant son inscription en master de psychologie. Dans ces conditions, alors qu'au demeurant la requérante ne justifie ni n'allègue vouloir poursuivre ses études, le préfet d'Ille-et-Vilaine a pu, sans commettre d'erreur de fait ni d'erreur d'appréciation, estimer que la requérante, qui a sollicité à l'été 2020 un changement de statut afin d'obtenir la délivrance d'une carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale", ne justifiait pas du caractère réel et sérieux de ses études et refuser pour ce motif de renouveler son titre de séjour en qualité d'étudiante.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /(...)". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".

7. Mme A... fait valoir qu'elle réside en France depuis le mois de septembre 2015, qu'elle occupe un emploi à temps partiel en marge de ses études et qu'elle élève seule son enfant né en 2019 de son union avec un compatriote qui réside en Italie et qu'elle souhaiterait rejoindre. Toutefois, l'intéressée, qui ne justifie ni de l'existence de liens d'une particulière intensité sur le territoire français ni d'une particulière insertion socio-professionnelle, n'établit pas davantage être dépourvue de toute attache dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de près de vingt-trois ans et ne précise pas en quoi la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ferait obstacle à un rapprochement avec le père de sa fille. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, cette décision n'a pas porté au droit de Mme A..., au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En dernier lieu, c'est au terme d'une exacte motivation, qu'il y a lieu d'adopter, que les premiers juges ont écarté, aux points 2 à 6 de leur jugement, les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté aurait été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration et du droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 octobre 2022.

La rapporteure,

C. B...

Le président,

D. Salvi

La greffière,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT009122


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00912
Date de la décision : 28/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : QUENNEHEN-TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-10-28;21nt00912 ?
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