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03/11/2022 | FRANCE | N°20NT03025

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 03 novembre 2022, 20NT03025


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 23 septembre 2020, la SARL Année Distribution, la SAS Govelomat, la SAS Guidis, la SAS Guijardy, la SAS Guivadis et la SAS Utilia, représentées par Me Cazin, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2020 par lequel le maire de la commune de Guignen (Ille-et-Vilaine) a délivré à la SARL Guignen Dis II, un permis de construire sur les parcelles cadastrées à la section ZP sous les n°s 478, 479, 481, 484, 486 et 489, en vue de créer un ensemble commercial, exploité sous l'enseigne " Leclerc

", d'une surface de vente de 2 125 m², ainsi qu'un point permanent de retrait...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 23 septembre 2020, la SARL Année Distribution, la SAS Govelomat, la SAS Guidis, la SAS Guijardy, la SAS Guivadis et la SAS Utilia, représentées par Me Cazin, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2020 par lequel le maire de la commune de Guignen (Ille-et-Vilaine) a délivré à la SARL Guignen Dis II, un permis de construire sur les parcelles cadastrées à la section ZP sous les n°s 478, 479, 481, 484, 486 et 489, en vue de créer un ensemble commercial, exploité sous l'enseigne " Leclerc ", d'une surface de vente de 2 125 m², ainsi qu'un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile (" drive ") comportant quatre pistes de ravitaillement, en tant que ce permis vaut autorisation d'exploitation commerciale.

2°) de mettre à la charge de la commune de Guignen et de la société Guignen Dis II une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le permis de construire attaqué méconnaît l'article L. 752-21 du code de commerce ; le nouveau projet de la société Guignen Dis II présente des similitudes importantes avec un ancien projet refusé ; la société n'a pas pris en compte la motivation de la décision initiale de refus et l'avis défavorable de la CNAC ;

- le permis de construire attaqué est incompatible avec les dispositions du document d'aménagement artisanal et commercial (DAAC) du schéma de cohérence territoriale du Pays des Vallons de Vilaine applicable ;

- le permis est entaché d'erreur d'appréciation au regard des articles L. 750-1 à L. 750-6 du code de commerce ; l'impact du projet sur l'animation urbaine et commerciale est négatif ; le projet emporte une augmentation des flux de circulation ; l'insertion paysagère du projet est médiocre ; le projet emporte une consommation excessive de l'espace, et ne comporte aucun effet positif en matière de protection des consommateurs ;

- le permis de construire attaqué méconnaît les articles R. 431-16 et R. 122-2 du code de l'environnement.

Des mémoires en production de pièces, enregistrés les 4 et 18 janvier 2021, ont été présentés par la Commission nationale d'aménagement commercial.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2020, la commune de Guignen, représentée par Me Coudray, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge des sociétés requérantes le versement de la somme globale de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les requérantes n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2021, la SARL Guignen Dis II, représentée par Me Courrech, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge des sociétés requérantes le versement de la somme globale de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les requérantes n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me Cazin, représentant les sociétés Année distribution, Govelomat, Guidis, Guijardy, Guivadis et Utilia, de Me Lapprand, représentant la commune de Guignen, et de Me Carteret, représentant la société Guignen Dis II.

Une note en délibéré, enregistrée le 18 octobre 2022, a été présentée pour les sociétés Année distribution, Govelomat, Guidis, Guijardy, Guivadis et Utilia.

Considérant ce qui suit :

1. La société Guignen Dis a déposé à la mairie de Guignen (Ille-et-Vilaine), le 5 juin 2018, une demande de permis de construire, valant autorisation d'exploitation commerciale, sur des terrains situés rue Jean de Saint-Amadour à Guignen, en vue de la création d'un magasin à l'enseigne " E. Leclerc " d'une surface de vente totale de 2 500 m², d'un point permanent de retrait, par la clientèle, d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès automobile avec 4 pistes de ravitaillement, ainsi que d'une surface affectée au retrait des marchandises de 292 m² de surface de plancher. Le 12 juillet 2018, la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) d'Ille-et-Vilaine a émis un avis favorable au projet. Les sociétés Année distribution, Govelomat, Guidis, Guijardy, Guivadis, Utilia et Valma ont formé un recours contre cet avis, le 6 août 2018, devant la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC). Le 8 novembre 2018, la CNAC a émis un avis défavorable au projet. En décembre 2018, la société Guignen Dis a sollicité un nouveau permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour un projet modifié, d'une surface de vente réduite à 2 125 m². Les sociétés Année distribution, Govelomat, Guidis, Guijardy, Guivadis et Utilia demandent l'annulation du permis de construire du 31 juillet 2020, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, par lequel le maire de Guignen a délivré, après un nouvel examen et un avis favorable de la CNAC du 8 juillet 2020, le permis de construire sollicité.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 752-21 du code de commerce :

2. Aux termes de l'article L. 752-21 du code de commerce : " Un pétitionnaire dont le projet a été rejeté pour un motif de fond par la Commission nationale d'aménagement commercial ne peut déposer une nouvelle demande d'autorisation sur un même terrain, à moins d'avoir pris en compte les motivations de la décision ou de l'avis de la commission nationale ".

3. La société Guignen Dis a déposé en 2018 une première demande de permis de construire portant sur la réalisation d'un magasin E. Leclerc, et consistant à construire, sur la même parcelle, un ensemble commercial d'environ 2 500 m² de surface de vente ainsi qu'un point " drive ". La Commission nationale d'aménagement commercial avait émis un avis défavorable par un avis du 8 novembre 2018, fondé sur la taille excessive du projet au regard de la population de la commune d'implantation, l'atteinte potentielle au tissu commercial des centre-bourgs des communes voisines, l'insuffisante accessibilité du site par les transports collectifs et les modes alternatifs de déplacements et l'insuffisante insertion architecturale et paysagère du projet.

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la demande d'autorisation d'exploitation commerciale, que le nouveau projet de la société pétitionnaire porte désormais sur une surface de vente de 2 125 m², au lieu de 2 500 m², soit une diminution d'environ 15%. La capacité de l'aire de stationnement a également été réduite de 221 à 188 places. Seize emplacements " pré-câblés " sont par ailleurs envisagés pour y accueillir des voitures électriques. Le projet modifié prévoit encore la plantation de 110 arbres de haute tige, au lieu de 80, et de haies bocagères. Les façades du bâtiment seront désormais vêtues de bardage " méta nervuré vertical " de couleur brun clair, et de bardage bois vertical d'aspect à claire-voie. La surface des panneaux photovoltaïques insérés dans la toiture a été légèrement étendue. Le projet est desservi par la ligne 10 du réseau Ileeno, arrêt " bourg ", et une aire de co-voiturage est située à environ 100 mètres. La société pétitionnaire soutient, sans être sérieusement contredite, qu'une voie piétonne sera aménagée depuis la voie publique et les quartiers d'habitation de la zone d'aménagement concertée " de la Vigne " jusqu'au parvis d'entrée en façade principale du bâtiment, garantissant désormais la sécurité des consommateurs et l'accessibilité des personnes à mobilité réduite. Il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 26 septembre 2018, le conseil municipal de Guignen s'est prononcé en faveur de la création de voies piétonnes et cyclables en rive Nord et rive Sud de la rue Jean de St-Amadour afin de permettre un autre accès au piéton et aux cyclistes. Dans ces conditions, et en dépit des similitudes avec le projet précédent, la demande présentée par la société Guignen Dis II doit être regardée comme ayant pris en compte la motivation résultant de l'avis émis par la commission nationale le 8 novembre 2018, dans le respect des dispositions précitées de l'article L. 752-21 du code de commerce.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale (SCOT) du Pays des Vallons de Vilaine :

5. L'article L. 142-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2015-1174 du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l'urbanisme et applicable au schéma de cohérence (SCOT) du Pays des Vallons de Vilaine approuvé le 7 mars 2017, dispose que les autorisations d'aménagement commercial doivent être compatibles avec les schémas de cohérence territoriale. L'article L. 142-2 du même code prévoit que le projet d'aménagement et de développement durables du schéma fixe les objectifs des politiques publiques concernant, notamment, l'implantation commerciale. Selon les articles L. 141-16 et L. 141-17 de ce code, le document d'orientation et d'objectifs précise les orientations relatives à l'équipement commercial et artisanal, définit les localisations préférentielles des commerces et comprend un document d'aménagement artisanal et commercial (DAAC) déterminant les conditions d'implantation des équipements commerciaux qui, en raison de leur importance, sont susceptibles d'avoir un impact significatif sur l'aménagement du territoire, le commerce de centre-ville et le développement durable. Il appartient aux autorités administratives, non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale (SCOT), mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent pris dans leur ensemble, y compris ceux se présentant formellement comme régissant des actes distincts des autorisations d'exploitation commerciale, tels que par exemple des documents d'urbanisme.

6. Le document d'aménagement artisanal et commercial (DAAC) du SCOT du Pays des Vallons de Vilaine indique que la commune de Guignen est un pôle secondaire, " de rayonnement communal (et communes limitrophes peu équipées commercialement) destiné à répondre à une population de 3 000 à 6 500 habitants. (...) En cohérence avec sa population, ces pôles ont vocation à proposer une offre commerciale alimentaire complète (achats quotidiens ou hebdomadaires - avec notamment un équipement commercial de type supermarché -), associée à une offre commerciale non alimentaire axée sur les services (coiffure, ...) ". Ce document mentionne également que " les espaces de développement commercial de périphérie ou en tissu aggloméré sont privilégiés pour la création et le développement des plus grands commerces, dont le fonctionnement et la dimension peuvent être incompatibles avec les centralités ". Il identifie le tissu aggloméré de la commune de Guignen, dans lequel est situé le projet litigieux, comme secteur d'implantation préférentiel pour le développement commercial. Il prévoit enfin que " Les espaces de développement commercial de périphérie ou en tissu aggloméré, privilégiés pour la création et le développement des plus grands commerces, dont le fonctionnement et la dimension peuvent être incompatibles avec les centralités. Afin de conforter les activités de proximité dans les centralités, les espaces de périphérie ou en tissu aggloméré n'ont pas vocation à accueillir des activités commerciales de moins de 300 m² de surface de plancher ", que " " sont exclues du champ d'application de ces règles les activités de bars, restauration, hôtellerie ou de loisirs (permettant d'affirmer l'attractivité touristique du territoire) ainsi que les stations de distribution de carburants et les concessionnaires automobiles, garages, motocycles et motoculture (qui répondent à des logiques d'implantation différentes et considérées comme ayant moins d'impact en termes d'aménagement du territoire) " et que " pour les projets mixant plusieurs cellules commerciales, la surface de plancher associée à chaque cellule commerciale (au sens de cellule avec accès différencié à l'intérieur ou à l'extérieur du bâtiment) devra respecter ce seuil ".

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le projet, dont la surface de vente a été réduite à 2 125 m², a pour objet de répondre aux besoins d'une population en très forte expansion démographique, et de s'intégrer, d'une part, dans un projet urbain global mené par la commune en vue de l'aménagement concerté de la zone " de la Vigne ", avec une perspective de création de 400 à 430 logements, d'autre part, dans un vaste programme routier porté par le conseil général d'Ille-et-Vilaine (création d'une voie express Rennes-Redon). Le centre-bourg de la commune de Guignen comporte 15 commerces, dont deux boulangeries et une supérette, qui représentent les seuls commerces dits " de bouche ". Si la commune voisine de Guichen comporte une offre commerciale importante, il n'est pas établi que tel serait le cas des autres communes limitrophes. Par suite, et contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, la circonstance que le projet ne vise pas une clientèle appartenant à la seule commune de Guignen ne suffit pas à établir une incompatibilité du projet avec les dispositions précitées du DAAC du SCOT.

8. D'autre part, la cellule commerciale de 50 m², comprise dans le projet et visant à accueillir un service de restauration rapide, n'entre pas dans le champ d'application des dispositions précitées du DAAC du SCOT du Pays des Vallons de Vilaine. Par ailleurs, l'espace de 6 m² visant à accueillir un distributeur automatique de billets ne sauraient être regardé comme une " cellule commerciale " au sens de ces mêmes dispositions.

9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale (SCOT) du Pays des Vallons de Vilaine doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des critères fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce :

10. D'une part, aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. (...) ".

11. D'autre part, aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat : " Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi ". Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine (...) ".

12. Enfin, aux termes de l'article L. 752-6 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. II.-A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. ".

13. Il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article

L. 752-6 du code de commerce.

S'agissant de l'aménagement du territoire :

14. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux vise à la création d'un magasin de 2 125 m², situé en continuité du tissu urbain aggloméré, à environ 350 mètres à l'ouest du centre-bourg de Guignen, dont il sera immédiatement accessible à pied. La superficie des parcelles d'assiette du projet, non artificialisées, représente environ 2 hectares.

15. D'autre part, l'offre commerciale au sein de la zone de chalandise représente 237 m² par habitant contre 371 m² sur l'ensemble du département d'Ille-et-Vilaine. Le projet s'inscrit dans un programme de développement commercial et résidentiel, au sein de la zone d'aménagement concerté " de la Vigne ", prévoyant notamment la construction d'environ 400 à 430 logements. Il n'est pas sérieusement contesté que la commune de Guignen ne dispose pas de commerce alimentaire, à l'exception de deux boulangeries et d'une " superette ", ni que la population communale réalise principalement ses achats au sein des grands pôles commerciaux de Rennes et Bain-de-Bretagne. La population résidant au sein de la zone de chalandise a par ailleurs augmenté de plus de 41% entre 1999 et 2016 (18, 76 % entre 2007 et 2017). Les supermarchés les plus proches sont situés à Mernel et à Guichen, soit respectivement à 7,6 km et 8,5 km du site d'accueil.

16. Enfin il ressort des pièces du dossier que le projet est situé à proximité immédiate du centre-bourg et de la zone d'aménagement concerté " de la Vigne ", laquelle accueillera 58 lots individuels, 29 lots intergroupés et 2 lots collectifs. Le projet se situe également à moins de 100 mètres des secteurs des Joncquières et de Cormier, qui comprennent respectivement 200 et 36 logements, et des lotissements des Bretellières et des Bretellières " bis ", qui comportent respectivement 30 et 36 lots. Le flux de véhicules supplémentaires généré par le projet, d'environ 150 par jour, n'aura pas d'impact notable sur les axes routiers environnants, compte tenu de leurs réserves de capacité. Ainsi qu'il a été dit au point 4 le projet, situé au sein de l'agglomération existante, sera desservi par les transports en commun et une aire de co-voiturage et demeurera accessible aux piétons et aux cyclistes.

17. Par conséquent, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet soit de nature à compromettre la réalisation de l'objectif énoncé par la loi en matière d'aménagement du territoire.

S'agissant du développement durable :

18. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit, sur une emprise foncière totale d'environ 2 hectares, la création de 188 places de parking, dont 60 seront perméables, 16 seront pré-cablées, et 4 équipées de bornes électriques. L'immeuble principal présentera des performances énergétiques nettement supérieures aux normes d'isolation, notamment " RT 2012 ". La société pétitionnaire a prévu l'installation de panneaux photovoltaïques d'une surface de 2 040 m² en toiture du futur bâtiment, dont l'électricité produite sera notamment utilisée pour alimenter l'intérieur du magasin, ainsi que la mise en place de dispositifs économes en eau.

19. D'autre part, si le projet impacte une zone humide d'une surface d'environ 6 530m², en raison de sa localisation le long du ruisseau de la Herbaudière, la société pétitionnaire a prévu des mesures de compensation tenant à la réhabilitation de zones humides existantes situées sur le site des anciennes lagunes de Guignen, d'une surface de 13 200 m². 110 arbres de haute tige et des haies seront par ailleurs plantés dans le cadre de l'aménagement paysager du projet, essentiellement sur les façades nord et ouest du terrain d'assiette. Il n'apparaît pas que la création du magasin principal et du " drive " génèrerait des nuisances sonores, olfactives ou visuelles significatives, ou aurait un impact sur les zones de protection de la faune et de la flore situées à proximité du projet.

20. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que le projet serait de nature à compromettre la réalisation de l'objectif énoncé par la loi en matière de développement durable doit être écarté.

S'agissant de la protection des consommateurs :

21. D'une part, et ainsi qu'il a été dit, le projet est situé sur le territoire de la commune de Guignen, à proximité immédiate de son centre-ville et des zones d'habitat. Il sera aisément accessible en voiture individuelle, mais également en transport en commun, à vélo et à pied. L'implantation du magasin principal permettra notamment de limiter les déplacements contraints vers des pôles commerciaux extérieurs à la zone de chalandise.

22. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le projet répond à un besoin des consommateurs, notamment de la population communale. Au demeurant une pétition visant à soutenir le projet a été signée par 1 804 habitants de la commune, y compris des commerçants du centre-ville. Le projet vise à contribuer à l'amélioration du confort d'achat et à la valorisation des filières de production locale, l'enseigne ayant déjà développé un partenariat avec plusieurs producteurs locaux. La commune présente dans son centre-bourg un faible taux net de cellules commerciales vacantes, limité à environ 8%. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet litigieux aura un impact négatif sur la pérennité des commerces du centre-bourg, ni sur l'animation de la vie urbaine. Enfin l'exploitation du magasin permettra la création d'environ 40 emplois.

23. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet litigieux soit de nature à compromettre la réalisation des objectifs énoncés par la loi en matière de protection des consommateurs.

24. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaît les critères fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 431-16 et R. 122-2 du code de l'environnement :

25. Aux termes de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. " Figurent notamment au nombre des personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du code de commerce, les professionnels dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour le projet, est susceptible d'être affectée par celui-ci. Seuls sont recevables à l'appui du recours formé par ces personnes les moyens relatifs à la légalité du permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.

26. Aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / a) L'étude d'impact ou la décision de l'autorité chargée de l'examen au cas par cas dispensant le projet d'évaluation environnementale lorsque le projet relève du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement. (...) ".

27. Les sociétés requérantes, qui font exclusivement état de leur qualité de professionnels dont l'activité est susceptible d'être affectée par le projet, soutiennent que l'arrêté attaqué aurait été pris au vu d'un dossier de permis de construire incomplet dès lors qu'il ne comporte ni étude d'impact ni décision de l'autorité chargée de l'examen au cas par cas dispensant le projet d'évaluation environnementale, en méconnaissance de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme et du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement. Ce moyen n'est toutefois relatif à la régularité du permis de construire qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire. Il est, par suite, inopérant.

28. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Année Distribution, Govelomat, Guidis, Guijardy, Guivadis et Utilia, ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté du 31 juillet 2020 du maire de Guignen en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les frais liés au litige :

29. D'une part les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Guignen et de la société Guignen Dis II, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que les sociétés requérantes demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans dépens.

30. D'autre part il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre solidairement à la charge des sociétés Année Distribution, Govelomat, Guidis, Guijardy, Guivadis et Utilia, une somme de 1 500 euros à verser à la société Guignen Dis II et une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Guignen au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des sociétés Année Distribution, Govelomat, Guidis, Guijardy, Guivadis et Utilia est rejetée.

Article 2 : Les sociétés Année Distribution, Govelomat, Guidis, Guijardy, Guivadis et Utilia verseront solidairement une somme de 1 500 euros à la société Guignen Dis II et une somme de 1 500 euros à la commune de Guignen au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Année Distribution, à la SAS Govelomat, à la SAS Guidis, à la SAS Guijardy, à la SAS Guivadis à la SAS Utilia, à la société Guignen Dis II, à la commune de Guignen et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique (Commission nationale d'aménagement commercial).

Délibéré après l'audience du 14 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 novembre 2022.

Le rapporteur,

A. A...Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT03025


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03025
Date de la décision : 03/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : CAZIN MARCEAU AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-11-03;20nt03025 ?
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