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18/11/2022 | FRANCE | N°22NT00212

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 18 novembre 2022, 22NT00212


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la délibération n°10.1 du conseil municipal de la commune de Sainte-Luce- sur-Loire du 17 septembre 2019 portant acquisition d'actions du capital de la société Loire-Atlantique Développement - SPL (LAD-SPL) et désignant par conséquent le maire de la commune comme membre de l'assemblée générale spéciale de la société LAD-SPL.

Par un jugement n° 1911179 du 4 janvier 2022, le tribunal administratif de Nantes

a rejeté la demande de M. et Mme D... et a mis à leur charge une somme de 1 500 euro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la délibération n°10.1 du conseil municipal de la commune de Sainte-Luce- sur-Loire du 17 septembre 2019 portant acquisition d'actions du capital de la société Loire-Atlantique Développement - SPL (LAD-SPL) et désignant par conséquent le maire de la commune comme membre de l'assemblée générale spéciale de la société LAD-SPL.

Par un jugement n° 1911179 du 4 janvier 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. et Mme D... et a mis à leur charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 janvier 2022 et le 6 octobre 2022, M. et Mme D..., représentés par Me Plateaux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 janvier 2022 ;

2°) de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Nantes ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Sainte-Luce-sur-Loire la somme de 2 000 euros au titre de l'article L .761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il ne vise pas leur note en délibéré en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- l'affaire doit être renvoyée devant le tribunal administratif de Nantes compte-tenu de cette irrégularité ;

- leur demande est recevable dans la mesure où les effets financiers de la délibération en litige ne se limitent pas à la seule valeur faciale de l'action acquise ; il ne peut être exigé le seuil d'une importance suffisante des effets financiers d'une décision pour conditionner l'intérêt à agir d'un contribuable local ; la société LAD-SPL connaît un déficit constant et exponentiel et l'un des actionnaires majoritaires a du procédé à une augmentation substantielle de son capital social de sorte que la valeur initiale des actions achetées par la commune en a été multipliée ; la commune de Sainte-Luce-sur-Loire connaît un déficit public important de telle sorte qu'il ne peut être pris en compte sa capacité d'autofinancement ; la délibération en litige a des effets financiers indirects de telle sorte qu'ils ont intérêt à agir en qualité de contribuable local ;

- la commune de Sainte-Luce-sur-Loire a méconnu les dispositions de l'article L. 2112-12 du code général des collectivités territoriales en ce qu'elle a informé de manière erronée les membres du conseil municipal que, du simple fait de l'intégration de la société LAD-SPL, il pourrait être procédé à la signature de contrats valant concession d'aménagement sans mise en concurrence préalable ;

- la commune a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses capacités financières.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 14 juin 2022 et le 14 octobre 2022, la commune de Sainte-Luce-sur-Loire, représentée par Me Marchand, conclut au rejet de la requête d'appel, au rejet de la demande présentée par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Nantes et à ce que soit mis à la charge de M. et Mme D... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la note en délibéré n'aurait eu aucune influence sur le sens du jugement ;

- dans l'hypothèse où le jugement attaqué serait irrégulier, M. et Mme D... n'ont pas intérêt à agir et leur demande était irrecevable ;

- les autres moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.

Par deux interventions, enregistrées le 14 juin 2022 et le 14 octobre 2022, la société Loire-Atlantique Développement- SPL, représentée par Me Marchand, demande que la requête de M. et Mme D... soit rejetée pour les mêmes motifs que ceux exposés par la commune de Sainte-Luce-sur-Loire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Plateaux, représentant M. et Mme D..., et E..., se substituant à Me Marchand, représentant la commune de Sainte-Luce-sur-Loire et la société LAD-SPL.

Considérant ce qui suit :

1. La société Loire Atlantique Développement - SPL (LAD-SPL) est une société publique locale, regroupant le département de la Loire-Atlantique et dix-sept établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), dont l'objet est de conseiller et d'accompagner les collectivités publiques et les porteurs de projets privés, en matière de développement touristique, d'aménagement et de renouvellement urbain. Cette société étant régulièrement sollicitée par les communes et leurs groupements, le département de la Loire-Atlantique a proposé de céder à ces personnes publiques 600 de ses actions, représentant 10% du capital, afin de leur permettre de bénéficier du panel de prestations d'ingénierie publique proposé par la société LAD-SPL dans le cadre juridique de la " quasi-régie ". Par une délibération du 17 septembre 2019, le conseil municipal de la commune de Sainte-Luce-sur-Loire a approuvé l'acquisition de trois actions de la société LAD-SPL d'une valeur unitaire de cent euros. M. et Mme D..., en invoquant leur qualité de contribuables de la commune, ont demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de cette délibération. Ils relèvent appel du jugement du 4 janvier 2022 par lequel ce tribunal a rejeté leur demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...)./ Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont il est fait application / Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du deuxième alinéa de l'article R. 731-3 ont été entendus. / Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. / La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée ".

3. Après l'audience publique, qui a eu lieu le 8 décembre 2021, M. et Mme D... ont adressé par télérecours au tribunal administratif de Nantes une note en délibéré datée du 23 décembre 2021, qui a été enregistrée au greffe du tribunal le même jour. Le jugement attaqué, dont les visas ne font pas mention de la production de cette note, est ainsi entaché d'irrégularité. Par suite, M. et Mme D... sont fondés à en demander l'annulation.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur l'intervention de la société Loire-Atlantique Développement en première instance :

5. Toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige est recevable à former une intervention. La société LAD- SPL, au capital de laquelle la prise de participation de la commune de Sainte-Luce-sur-Loire est contestée, est directement concernée par la demande de M. et Mme D... et justifie ainsi d'un intérêt suffisant à intervenir. Son intervention au soutien des conclusions de la commune de Sainte-Luce-sur-Loire, doit, dès lors, être admise devant la cour statuant par voie d'évocation après annulation du jugement attaqué.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense par la commune de Sainte-Luce-sur-Loire en première instance :

6. Lorsque la délibération d'un conseil municipal emporte une perte de recettes ou des dépenses supplémentaires, un contribuable de la commune n'est recevable à en demander l'annulation pour excès de pouvoir que si les conséquences directes de cette délibération sur les finances communales sont d'une importance suffisante pour lui conférer un intérêt pour agir.

7. M. et Mme D... établissent par les pièces qu'ils produisent leur qualité de contribuables de la commune de Sainte-Luce-sur-Loire. Toutefois, la délibération du 17 septembre 2019, qui autorise l'acquisition par la commune de Sainte-Luce-sur-Loire de trois actions au sein du capital de la société LAD-SPL pour un montant total de 300 euros, est par elle-même, au regard de la modicité de la dépense résultant directement de cette décision, insusceptible d'avoir des répercussions significatives sur le budget de la commune de Sainte-Luce-sur-Loire, dont la perspective de recettes est de plus de 16 millions d'euros au titre de l'année 2019 et dont le montant des dépenses est évalué pour la même année à 13 617 663 euros.

8. M. et Mme D... soutiennent en outre que cette prise de participation présente un risque pour les finances de la commune de Sainte-Luce-sur-Loire dans la mesure où la société LAD-SPL présenterait un déficit caractérisé et que la commune pourrait, en qualité d'actionnaire, être conduite à devoir rembourser la dette de la société. Toutefois, la production d'un extrait du site internet " société.com ", où il apparaît que la société LAD-SPL présente un résultat net négatif au titre des années 2019 et 2020, ne justifie pas avec suffisamment de certitude le risque allégué. Au demeurant, la commune ne saurait répondre de ces dettes qu'au prorata de sa participation, soit de manière infime et très en-deçà de sa capacité d'autofinancement, dès lors qu'elle n'est désormais titulaire que de trois parts sociales sur 2 878, ce qui représente 0,001 % du capital social de la société LAD-SPL. De même, par ailleurs, leur allégation selon laquelle la passation de contrats entre la commune de Sainte-Luce-sur-Loire et la société LAD-SPL dans le cadre juridique de la " quasi régie ", c'est-à-dire sans formalités de publicité et de mise en concurrence préalable, aurait pour effet, en raison de la dérogation aux principes régissant la commande publique, d'en renchérir le coût n'est assortie d'aucune précision ni d'aucune justification de nature à établir son bien-fondé comme ses conséquences sur le niveau réel des dépenses de la commune. Dans ces conditions, les requérants ne démontrent pas que les conséquences directes de la délibération contestée sur les finances communales seraient d'une importance suffisante pour leur conférer un intérêt à agir.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. et Mme D... tendant à l'annulation de la délibération du 17 septembre 2019 doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Sainte-Luce-sur-Loire, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. et Mme D... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. et Mme D..., sur le fondement des mêmes dispositions, le versement à la commune de Sainte-Luce-sur-Loire d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par celle-ci à l'occasion du présent litige.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 janvier 2022 est annulé.

Article 2 : L'intervention de la société Loire-Atlantique Développement- SPL est admise.

Article 3 : La demande présentée par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus des conclusions de leur requête d'appel sont rejetés.

Article 4 : M. et Mme D... verseront à la commune de Sainte-Luce-sur-Loire une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., Mme C... D..., à la commune de Sainte-Luce-sur-Loire et à la société Loire-Atlantique Développement - SPL.

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2022.

La rapporteure,

L. B...

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00212


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00212
Date de la décision : 18/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : SELARL CORNET VINCENT SEGUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-11-18;22nt00212 ?
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