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02/12/2022 | FRANCE | N°21NT02457

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 02 décembre 2022, 21NT02457


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Les Moulins a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la délibération du 2 août 2018 par laquelle la commune de La Guérinière a institué une régie dotée de la seule autonomie financière pour l'exploitation du camping municipal de la Court.

Par un jugement n° 1901160 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 août 2021, la SAS Les Moulins, représentée par Me Benjami

n, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 juin 2021 ;

2°) d'annuler la délibération...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Les Moulins a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la délibération du 2 août 2018 par laquelle la commune de La Guérinière a institué une régie dotée de la seule autonomie financière pour l'exploitation du camping municipal de la Court.

Par un jugement n° 1901160 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 août 2021, la SAS Les Moulins, représentée par Me Benjamin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 juin 2021 ;

2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de La Guérinière du 2 août 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de La Guérinière une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le rapporteur public a conclu à un rejet pour irrecevabilité alors qu'il avait annoncé un rejet au fond comme étant le sens de ses conclusions à venir ;

- sa requête de première instance était recevable car elle justifie de son intérêt pour agir ;

- la délibération contestée méconnaît les dispositions de l'article R. 2221-79 du code général des collectivités territoriales qui imposent que la délibération instituant la régie détermine les conditions du remboursement des sommes mises à sa disposition ;

- la dotation initiale votée n'a pas été versée, en méconnaissance des articles R. 2221-1 et R. 2221-13 du code général des collectivités territoriales ;

- la commune n'a pas adopté les statuts de la nouvelle régie concomitamment à sa création, en méconnaissance des articles R. 2221-1 et R. 2221-13 du code général des collectivités territoriales ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article R. 2221-9 du code général des collectivités territoriales, dès lors qu'elle désigne le président du conseil d'exploitation, alors que cette désignation relevait de la compétence du conseil d'exploitation lui-même, et non de celle du conseil municipal ;

- la délibération instituant la régie est illégale en ce que la commune n'était pas compétente pour créer un camping municipal, service public à caractère industriel et commercial, dès lors qu'il n'existe pas de carence ni d'insuffisance de l'initiative privée en la matière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2022, la commune de La Guérinière, représentée par Me Marchand, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à l'abrogation de la délibération du 2 août 2018 à compter de l'expiration d'un délai de trois mois suivant la date de mise à disposition de l'arrêt à venir et à ce que la cour mette à la charge de la SAS Les Moulins une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la SAS Les Moulins ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange, président assesseur,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Liebeaux pour la SAS les Moulins et de Me Marchand pour la commune de La Guérinière.

Une note en délibéré, enregistrée le 23 novembre 2022, a été présentée pour la SAS Les Moulins.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de La Guérinière a confié à la SAS Les Moulins la gestion d'un terrain de camping situé sur son territoire, par une convention de délégation de service public conclue le 27 décembre 2007. Par une décision du 13 février 2015, la commune a résilié la convention aux torts exclusifs de la SAS Les Moulins. Par une délibération du 1er avril 2015, le conseil municipal a confié l'exploitation du camping à une régie autonome non dotée de la personnalité morale, a accepté que les membres du conseil municipal composent le conseil d'exploitation de la régie, a confié au maire la présidence du conseil d'exploitation et l'a autorisé à signer tout document à intervenir. Par des délibérations du 13 avril 2015, le conseil municipal a fixé à 100 000 euros le montant de la dotation initiale accordée à la régie puis a voté son budget et fixé les tarifs applicables aux usagers du service. Enfin, par des délibérations du 24 avril 2015, le conseil municipal a fixé les statuts de la régie, complété les tarifs du service, créé six emplois d'agents affectés à l'exploitation du camping et créé une régie d'avances et de recettes. Par un jugement n°1505197 du 20 juin 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé les délibérations des 1er, 13 et 24 avril 2015, à compter de l'expiration d'un délai de deux mois courant de la date lecture du jugement, et rendu définitifs les effets antérieurement produits par ces délibérations. Par une délibération n° 2018-60 du 2 août 2018 le conseil municipal de La Guérinière a approuvé la création du budget annexe d'un service public à caractère industriel et commercial dénommé " camping municipal de La Court ", exploité sous la forme d'une régie dotée de la seule autonomie financière, approuvé les statuts de cette régie, fixé le montant de la dotation initiale de la régie à la somme de 300 000 euros, confié au conseil municipal les fonctions de conseil d'exploitation de la régie et désigné le maire en qualité de président du conseil d'exploitation. La SAS Les Moulins a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette délibération. Par un jugement du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en considérant qu'elle ne justifiait pas d'un intérêt pour agir. La SAS Les Moulins relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité de l'intervention du rapporteur public :

2. Aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ".

3. La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions citées au point 2, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.

4. Par ailleurs, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir. La communication de ces informations n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision.

5. Dans le cas mentionné au point 3 comme dans celui indiqué au point 4, le rapporteur public qui, après avoir communiqué le sens de ses conclusions, envisage de modifier sa position doit, à peine d'irrégularité de la décision, mettre les parties à même de connaître ce changement.

6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le sens des conclusions du rapporteur public devant le tribunal administratif de Nantes, tendant au " rejet au fond " de la demande de la SAS Les Moulins, a été porté à la connaissance des parties au moyen de l'application Télérecours le 31 mai 2021 à 16h30, en vue d'une audience devant se tenir le 2 juin 2021 à 9h00. Il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de la note en délibéré que, comme elle le soutient, le rapporteur public aurait conclu uniquement au rejet pour irrecevabilité de la requête lors de cette audience. Il ressort des écritures de la commune de La Guérinière, non sérieusement contestées et d'ailleurs corroborées par la note en délibéré produite par la SAS Les Moulins en première instance, que, lors de l'audience, le rapporteur public a conclu au rejet au fond de la demande, en indiquant également que la requête pourrait être rejetée en raison de son irrecevabilité. Dès lors que ces considérations supplémentaires n'ont ni contredit ni modifié le sens des conclusions qui avait été communiqué aux parties dans les conditions prévues par l'article R. 711-3 du code de justice administrative, la circonstance que le rapporteur public ait, en l'espèce, non seulement conclu au rejet au fond, mais encore indiqué que la demande pourrait être rejetée en raison de son irrecevabilité est restée sans incidence sur la régularité du jugement du tribunal administratif. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en raison de celle de l'intervention du rapporteur public doit être écarté.

En ce qui concerne l'intérêt à agir de la SAS Les Moulins :

7. Pour justifier de son intérêt à contester la délibération du 2 août 2018, la SAS Les Moulins soutient d'abord qu'elle a besoin que le tribunal administratif de Nantes tranche la question de la validité de la régie, qui serait au cœur de la question de la légalité des titres exécutoires qu'elle a contestés devant le juge judiciaire, émis par la commune de La Guérinière pour le recouvrement de sommes correspondant à l'indemnisation de pertes d'exploitation, à hauteur de 2 millions d'euros, pour les années 2015 à 2019. Toutefois, le litige dont a été saisi le juge judiciaire porte sur un objet distinct dont le rapport avec l'objet de la délibération ici contestée n'est pas suffisamment direct pour conférer à la requérante un intérêt à agir contre cette délibération, alors surtout que la décision de résiliation de la convention de délégation de service public prise par la commune le 13 février 2015 est devenue définitive. La SAS Les Moulins ne peut pas davantage se prévaloir d'une quelconque autorité de la chose jugée par le jugement n° 1505197 du tribunal administratif de Nantes du 20 juin 2018, qui a admis la recevabilité de sa demande d'annulation des délibérations des 1er, 13 et 24 avril 2015 mentionnées au point 1, dès lors que le litige portait sur un objet distinct, dans un contexte où la décision de résiliation du 13 février 2015 n'était pas encore devenue définitive.

8. Par ailleurs, si la SAS Les Moulins se prévaut de ce qu'elle est encore susceptible d'exercer des activités économiques dans le périmètre géographique de la régie du camping municipal de La Court en soutenant qu'elle possède toujours le bâtiment situé immédiatement en face du camping, qu'elle louerait pour des séminaires et autres évènements et qui dispose d'un parking qui a été sous-loué tout l'été à un food-truck de pizzas, elle n'établit ni la réalité de ses allégations, contestées par la commune de La Guérinière, ni en quoi une telle situation lui donnerait un intérêt direct et certain à contester la création et les modalités d'organisation de la régie dotée de l'autonomie financière par la délibération du 2 août 2018. Si elle soutient, en outre, que son activité serait suspendue au fait que la commune de La Guérinière ne lui verserait pas les sommes auxquelles elle estime pouvoir prétendre, elle n'apporte là encore aucun élément probant permettant de caractériser l'existence d'un lien direct entre l'objet de la délibération litigieuse et cette situation alléguée.

9. Dans ces conditions, la SAS Les Moulins, dont le siège social, par ailleurs, est situé à Paris et qui n'apporte pas plus de précisions sur ses activités, ne justifie pas que la délibération contestée était susceptible, à la date d'introduction de sa demande de première instance, de léser de manière suffisamment directe et certaine ses intérêts, notamment économiques, alors qu'eu égard à son objet, relatif au fonctionnement de la régie dotée de l'autonomie financière, cette délibération n'a pas d'impact direct sur sa situation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Les Moulins n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de La Guérinière, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SAS Les Moulins demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la SAS Les Moulins le versement à la commune de La Guérinière de la somme de 1 500 euros que celle-ci sollicite sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Les Moulins est rejetée.

Article 2 : La SAS Les Moulins versera la somme de 1 500 euros à la commune de La Guérinière sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de La Guérinière et à la SAS Les Moulins.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 décembre 2022.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

La greffière

S. LEVANT

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT02457


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02457
Date de la décision : 02/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : SELARL CORNET VINCENT SEGUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-12-02;21nt02457 ?
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