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02/12/2022 | FRANCE | N°22NT02086

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 02 décembre 2022, 22NT02086


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 2 juin 2022 du préfet d'Ille-et-Vilaine l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite et l'informant de son signalement aux fins de non-admission dans l'espace Schengen.

Par un jugement n° 2202916 du 28 juin 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par

une requête enregistrée le 30 juin 2022, Mme A... B..., représentée par Me Boezec, demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 2 juin 2022 du préfet d'Ille-et-Vilaine l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite et l'informant de son signalement aux fins de non-admission dans l'espace Schengen.

Par un jugement n° 2202916 du 28 juin 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 juin 2022, Mme A... B..., représentée par Me Boezec, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 juin 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 2 juin 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

- n'étant pas domiciliée au centre pénitentiaire des femmes de Rennes mais chez un tiers dans le Val-de-Marne, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'était pas compétent pour édicter l'arrêté contesté ;

- cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire enregistré le 3 août 2022, le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...

- et les observations de Me Beaudouin, représentant Mme A... B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante camerounaise née le 27 décembre 1987, déclare être entrée en France à l'âge de neuf ans. Elle a bénéficié d'une carte de séjour temporaire en qualité de parent d'enfant français valable du 27 mai 2011 au 26 mai 2012. Un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français a été pris à son encontre le 20 juillet 2019 par le préfet de la Loire-Atlantique. Par un arrêté du 2 juin 2022, le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite et l'a informée de son signalement aux fins de non-admission dans l'espace Schengen. Mme A... B... relève appel du jugement du 28 juin 2022 du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ". Aux termes de l'article R. 613-1 du même code : " L'autorité administrative compétente pour édicter la décision portant obligation de quitter le territoire français, la décision fixant le délai de départ volontaire et l'interdiction de retour sur le territoire français est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police ". En application de ces dispositions, le préfet du département dans lequel a été constatée l'irrégularité de la situation d'un étranger au regard de son droit au séjour est compétent pour prendre à l'encontre de celui-ci une obligation de quitter le territoire français.

3. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté qu'à la date de l'arrêté contesté Mme A... B... était incarcérée depuis le 13 janvier 2022 au centre pénitentiaire pour femmes de Rennes, où elle a été entendue par les services de la police aux frontières, notamment le 18 mai 2022, aux fins de vérification de son droit au séjour sur le territoire français, permettant ainsi au préfet d'Ille-et-Vilaine de constater l'irrégularité du séjour de l'intéressée. Dans ces conditions, alors même que l'intéressée se prévaut d'une attestation d'hébergement établie le 22 juin 2022 par une tante domiciliée dans le Val-de-Marne, le moyen tiré de ce que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'était pas compétent pour prendre l'arrêté contesté ne peut qu'être écarté.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. Mme A... B..., ressortissante camerounaise née en 1987, fait valoir qu'elle est entrée à l'âge de neuf ans en France, où se trouvent sa mère, présente depuis 1990, ainsi qu'une tante, qu'elle est mère d'une enfant française née en 2005 qui réside avec son père et sur lequel elle exerce l'autorité parentale conjointe. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée, qui ne justifie pas de l'ancienneté alléguée de sa présence sur le territoire français, s'y est maintenue irrégulièrement, à l'exception d'une période d'une année pendant laquelle elle a été titulaire d'une carte de séjour temporaire et en dépit de la mesure d'éloignement dont elle a fait l'objet en 2019. En outre, l'intéressée n'établit entretenir des liens étroits ni avec sa mère avec laquelle elle a peu vécu, ni avec les autres membres de sa famille. Alors qu'elle ne vit plus depuis 2014 avec sa propre fille qui a sa résidence habituelle à Cannes chez son père, ainsi que l'a décidé le juge aux affaires familiales dans son ordonnance du 19 mai 2015, Mme A... B... ne justifie pas davantage de ce qu'elle aurait exercé le droit de visite qui lui a été reconnu, ni qu'elle contribuerait à l'entretien et à l'éducation de sa fille, ni même qu'elle entretiendrait avec elle des liens d'une particulière intensité. Si la requérante soutient également qu'elle a repris une relation de couple avec un ancien concubin, la stabilité et l'ancienneté de cette relation ne sont pas établies. Par ailleurs, l'intéressée, qui ne justifie d'aucune insertion sociale et professionnelle, a été interpellée et incarcérée le 3 octobre 2019 pour des faits de tentative de meurtre aggravée. Si elle a été acquittée de cette accusation par la cour d'assises de la Loire-Atlantique, cette dernière l'a toutefois condamnée le 19 octobre 2021 pour délit de violences volontaires par conjoint à une peine de quatre ans d'emprisonnement. Mme A... B... ne conteste pas être également défavorablement connue des services de police pour des faits délictueux d'atteintes aux biens et aux personnes commis entre 2012 et 2019. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des conditions de séjour en France de la requérante, ainsi que de ses agissements, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, en prenant cet arrêté, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

6. En vertu des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris en méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme A... B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins de mise à la charge de l'Etat des frais liés au litige doivent également être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : La requête de Mme A... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 2 décembre 2022.

La rapporteure,

C. D...

Le président,

D. Salvi

La greffière,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22NT02086

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02086
Date de la décision : 02/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SELARL BOEZEC CARON BOUCHE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-12-02;22nt02086 ?
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