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13/12/2022 | FRANCE | N°22NT02627

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 13 décembre 2022, 22NT02627


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 25 mai 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités bulgares et l'arrêté du même jour par lequel il l'a assigné à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2207084 du 13 juin 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la co

ur :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 et 25 août 2022, M. A..., représenté pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 25 mai 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités bulgares et l'arrêté du même jour par lequel il l'a assigné à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2207084 du 13 juin 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 et 25 août 2022, M. A..., représenté par Me Clamens, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 juin 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de transfert en Bulgarie ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 mai 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert en Bulgarie ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quarante-huit heures à compter de l'arrêt à intervenir et de lui remettre une attestation de demande d'asile, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de transfert est insuffisamment motivée ;

- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et l'article 13 du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 en ne lui remettant les brochures d'information Dublin qu'après la prise de ses empreintes et faute d'établir lui avoir remis la totalité de l'information prévue à cet article 4 ;

- le préfet de Maine-et-Loire n'établit pas qu'il a bénéficié d'un entretien dans les conditions prévues à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a inversé la charge de la preuve sur ce point ;

- les autorités françaises ne pouvaient déduire de l'absence de réponse des autorités bulgares une acceptation de prise en charge alors que l'article 25 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 devait être neutralisé du fait des circonstances exceptionnelles dans lesquelles se trouvait la Bulgarie ;

- le préfet de Maine-et-Loire a commis une erreur de fait sur son état de santé ;

- le préfet de Maine-et-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu l'article 3§2 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, y compris en ce qui concerne les risques auxquels il est exposé dans son pays d'origine ;

- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet de Maine-et-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté contesté sur sa vie personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 2016/679 du 27 avril 2016 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant afghan né le 22 mars 1995, est entré en France le 26 février 2022 selon ses déclarations et a sollicité l'asile, le 4 mars 2022. Par un arrêté du 25 mai 2022 le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert en Bulgarie de M. A.... Celui-ci relève appel du jugement du 13 juin 2022 du tribunal administratif de Nantes en tant que ce jugement a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté prononçant son transfert en Bulgarie.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des visas de l'arrêté du 25 mai 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert en Bulgarie de M. A... que cette décision a été prise sur le fondement du 2 de l'article 7 et de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride et au motif que l'intéressé avait déjà déposé une demande d'asile en Bulgarie. En outre, il est spécifiquement motivé sur la question de l'éventuelle vulnérabilité de M. A..., en faisant état de ce que celui-ci n'avait pas déclaré avoir de problème de santé. Il en résulte que l'arrêté du 25 mai 2022 comporte les éléments de droit et de fait qui le fondent, sans que M. A... puisse utilement faire valoir qu'il ne comporte pas la mention de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relative au droit d'avertir son consulat, qui ne concerne que les conditions de sa notification. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

5. D'une part, à la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 13 du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Il s'ensuit que la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français remet un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande.

6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre, le 4 mars 2022 le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, dont il a signé les pages de garde, qui contiennent les informations prescrites par les dispositions précitées, en langue dari, qu'il ne conteste pas comprendre. Si M. A... prétend que la totalité de ces documents ne lui aurait pas été remise, de telles allégations, imprécises et non circonstanciées, ne sont pas corroborées par les pièces du dossier, notamment le compte-rendu de son entretien du 4 mars 2022, conduit avec l'assistance d'un interprète en langue dari et dont il a confirmé avoir compris tous les termes, dans lequel il ne s'est pas plaint d'une telle communication incomplète de ces brochures et a déclaré que " l'information sur les documents communautaires m'a été remise " et qu'il avait " compris la procédure engagée à son encontre ". Il ressort du compte-rendu de l'entretien du 4 mars 2022, se finissant pas la mention " l'administré n'a rien de plus à déclarer ", que M. A... a eu le temps de s'exprimer sur sa situation.

7. Enfin, dès lors que l'information prescrite à l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 a été remise à M. A... lors de l'introduction du dépôt de sa demande d'asile et au plus tard lors de l'entretien qui a été conduit à cette occasion, il n'est pas fondé à soutenir que cette information ne lui aurait pas été donnée en temps utile.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".

9. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. A... qu'il a bénéficié le 4 mars 2022, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013 et qu'il a été mis à même, notamment compte tenu de l'assistance d'un interprète en langue dari, de faire état des conditions de son départ de son pays d'origine, de son parcours jusqu'en France et de manière générale de toute information utile relative à sa situation personnelle, notamment son état de santé. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national du seul fait que l'agent qui a procédé à cet entretien, identifié par la seule mention " Préfecture de police, 12ème bureau ", n'a pas signé le compte-rendu de cet entretien, qu'il ne se serait ni présenté, ni n'aurait décliné sa qualité. Il n'est pas davantage établi que cet entretien n'aurait pas été mené en toute confidentialité. En tout état de cause, les conditions de conduite de cet entretien n'ont pas privé l'intéressé de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien individuel. Dès lors, les moyens tirés de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 et de la prétendue inversion de la charge de la preuve par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes ne sont pas fondés et doivent être écartés.

10. En quatrième lieu, il ressort du compte-rendu de l'entretien du 4 mars 2022 que M. A... a été mis à même de faire état de problèmes de santé éventuels, ce qu'il n'a pas fait. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Maine-et-Loire aurait commis une erreur de fait en se fondant sur la circonstance qu'il n'avait pas déclaré avoir de problème de santé pour considérer qu'il ne présentait pas une vulnérabilité particulière.

11. En cinquième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire.

13. M. A... fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile faisant l'objet de mesures de transfert auprès des autorités bulgares, mais les documents qu'il produit à l'appui de ces affirmations ne permettent pas de tenir pour établi que sa propre situation serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités bulgares dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, quand bien même elles n'auraient accepté la demande de reprise en charge du requérant que de manière implicite, alors que la Bulgarie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les autres éléments présentés relatifs à son parcours migratoire et à son état de santé, en particulier la fiche de liaison établie par le SAMU social le 4 avril 2022, ne suffisent pas à eux seul pour établir qu'il se trouvait à la date de l'arrêté contesté dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire sa demande d'asile en France, alors notamment qu'il n'avait fait aucune déclaration à cet égard lors de son entretien et que l'attestation du 25 novembre 2022 d'un psychiatre qu'il produit ne permet pas d'établir la gravité exceptionnelle de son état de santé à cette date. Par ailleurs, alors que la décision de transfert litigieuse n'emporte pas éloignement vers l'Afghanistan, M. A... ne peut utilement soutenir que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes aurait dû prendre en compte les risques auxquels il serait exposé en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les autorités françaises auraient dû neutraliser l'application de l'article 25 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en ne tenant pas compte de l'absence de réponse explicite des autorités bulgares.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

15. Eu égard à la courte durée et aux conditions de son séjour en France, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

16. En septième et dernier lieu, il ressort de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté contesté sur la vie personnelle de M. A... doit également être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

18. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé aux fins d'injonction, sous astreinte, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. C... A..., à Me Clamens et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2022.

Le rapporteur,

S. B...

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02627


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02627
Date de la décision : 13/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : CLAMENS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-12-13;22nt02627 ?
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