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10/01/2023 | FRANCE | N°21NT00892

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 10 janvier 2023, 21NT00892


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir le certificat d'urbanisme négatif du 27 octobre 2018 délivré par le maire de Liffré (Ille-et-Vilaine) ainsi que la décision du 14 février 2019 de ce maire rejetant le recours gracieux formé contre ce certificat.

Par un jugement n° 1901572 du 1er février 2021, le tribunal administratif de Rennes a annulé le certificat d'urbanisme négatif du 27 octobre 2018 ainsi que la décision du 14 février 2019.
>Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 mars 2021 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir le certificat d'urbanisme négatif du 27 octobre 2018 délivré par le maire de Liffré (Ille-et-Vilaine) ainsi que la décision du 14 février 2019 de ce maire rejetant le recours gracieux formé contre ce certificat.

Par un jugement n° 1901572 du 1er février 2021, le tribunal administratif de Rennes a annulé le certificat d'urbanisme négatif du 27 octobre 2018 ainsi que la décision du 14 février 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 mars 2021 et 14 janvier 2022, la commune de Liffré, représentée par Me Le Derf-Daniel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er février 2021 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de rejeter la demande de première instance présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était irrecevable en ce qu'elle ne remplissait pas les conditions fixées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; la demande ne contenait ni l'énoncé de conclusions ni l'exposé de moyens à l'encontre de l'arrêté du 27 octobre 2018 ;

- la décision contestée n'est pas entachée d'inexacte application de l'article A.1.2 du plan local d'urbanisme ; les travaux envisagés ne peuvent être qualifiés de réhabilitation susceptible de conserver les caractéristiques architecturales du bâtiment existant ;

- la décision contestée était légale, en ce qu'elle pouvait être fondée sur les motifs tirés de ce que l'opération envisagée serait de nature à conforter un édifice en ruine n'ayant pas obtenu les autorisations administratives requises et de ce que la demande de certificat d'urbanisme est entachée de fraude.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Lahalle, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la commune de Liffré le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;

- la demande de substitution de motifs présentée par la commune ne pourra être accueillie.

Par une ordonnance du 24 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 22 avril 2022, à 12h00.

Un mémoire présenté pour M. B..., représenté par Me Aubin, a été enregistré le 5 décembre 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me Le Derf-Daniel, représentant la commune de Liffré.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est propriétaire d'une parcelle cadastrée à la section B sous le n° 277 située sur le territoire de la commune de Liffré (Ille-et-Vilaine), sur laquelle est implantée une maison d'habitation qualifiée de " bungalow " dans un acte de vente du 26 août 1988. Il a déposé, le 30 août 2018, une demande tendant à l'obtention d'un certificat d'urbanisme opérationnel pour la réhabilitation de cette maison. Un certificat d'urbanisme négatif lui a été délivré le 27 octobre 2018. Par une décision du 14 février 2019, le maire de Liffré a rejeté le recours gracieux formé contre cette décision. Par un jugement du 1er février 2021, le tribunal administratif de Rennes a annulé le certificat d'urbanisme négatif du 27 octobre 2018 ainsi que la décision du 14 février 2019. La commune de Liffré relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : (...) / b) Indique (...) lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. (...) ". Ces dispositions ont pour effet de garantir à la personne à laquelle a été délivré un certificat d'urbanisme, quel que soit son contenu, un droit à voir sa demande de permis de construire, déposée durant les dix-huit mois qui suivent, examinée au regard des dispositions d'urbanisme applicables à la date de ce certificat, à la seule exception de celles qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique.

3. Aux termes de l'article A.1.1 du règlement de la zone A du plan local d'urbanisme de la commune de Liffré, approuvé le 6 juillet 2017 : " Sont autorisées sur les zones A et Ae, sous réserve (...) d'être compatibles avec le caractère agricole de la zone, les destinations et sous-destinations suivantes : (...) les habitations, (...). ". Aux termes de l'article A.1.2 du même règlement : " I - Sont interdits sur la totalité de la zone A : les destinations et sous-destinations non mentionnées à l'article A 1.1 (...) II - Sont admis en dehors du secteur Anc, sous réserve d'être compatible avec le caractère agricole de la zone et de ne pas préjudicier à l'environnement : (...) L'extension des habitations existantes dans la limite de 50 m² d'emprise au sol (...), les dispositifs d'assainissement non collectifs, (...). ". Aux termes du lexique annexé au même règlement : " Réhabilitation : La réhabilitation correspond aux travaux visant à remettre aux normes actuelles une construction ancienne ou à changer de destination, en conservant ses caractéristiques architecturales. ".

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que pour délivrer le certificat d'urbanisme négatif litigieux, et décider que le terrain de M. B... ne peut pas être utilisé pour la réalisation de l'opération projetée de réhabilitation d'une maison existante, le maire de Liffré s'est fondé sur le motif tiré de ce que les travaux envisagés ne permettraient pas de conserver les caractéristiques architecturales du bâtiment existant.

5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du formulaire Cerfa renseigné par M. B... comportant la notice descriptive des travaux, que le projet se situe en zone A au plan local d'urbanisme et consiste, d'une part, en la pose sur le bâtiment existant de fenêtres en double vitrage, de portes, d'une isolation extérieure, de nouvelles huisseries et d'un dispositif d'assainissement, d'autre part, en un ravalement de la façade avec possibilité d'une extension de 20 m2. Contrairement à ce que soutient la commune, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des photographies produites, que le bâtiment existant serait dans un état de délabrement tel que les travaux nécessaires à sa réhabilitation nécessiteraient une reconstruction de l'ensemble et porterait atteinte à ses caractéristiques architecturales. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir qu'en délivrant le certificat d'urbanisme négatif litigieux, le maire de Liffré a fait une inexacte application des dispositions du plan local d'urbanisme citées au point 3.

6. L'administration peut toutefois, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

7. Pour établir que les décisions contestées, étaient légales, la commune de Liffré invoque, dans sa requête d'appel dont M. B... a accusé réception, d'autres motifs tirés de ce que la construction projetée serait de nature à conforter un édifice en ruine n'ayant pas obtenu les autorisations administratives requises et de ce que la demande de certificat d'urbanisme est entachée de fraude.

8. Lorsqu'une construction a été édifiée sans autorisation en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble du bâtiment. De même, lorsqu'une construction a été édifiée sans respecter la déclaration préalable déposée ou le permis de construire obtenu ou a fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé. Il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l'édifice réalisée sans autorisation. Dans l'hypothèse où l'autorité administrative est saisie d'une demande qui ne satisfait pas à cette exigence, elle doit inviter son auteur à présenter une demande portant sur l'ensemble des éléments devant être soumis à son autorisation. Cette invitation, qui a pour seul objet d'informer le pétitionnaire de la procédure à suivre s'il entend poursuivre son projet, n'a pas à précéder le refus que l'administration doit opposer à une demande portant sur les seuls nouveaux travaux envisagés.

9. Aux termes de l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou la décision d'opposition à déclaration préalable ne peut être fondé sur l'irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l'urbanisme. / Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables : (...) 5° Lorsque la construction a été réalisée sans permis de construire (...). ". Il résulte de ces dispositions que peuvent bénéficier de la prescription administrative ainsi définie les travaux réalisés, depuis plus de dix ans, lors de la construction primitive ou à l'occasion des modifications apportées à celle-ci, sous réserve qu'ils n'aient pas été réalisés sans permis de construire en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables. A la différence des travaux réalisés depuis plus de dix ans sans permis de construire, alors que ce dernier était requis, peuvent bénéficier de cette prescription ceux réalisés sans déclaration préalable.

10. En l'espèce, si M. B... soutient que la construction de sa maison d'habitation, d'une surface de 120 m2, a été réalisée sur le fondement d'un permis de construire délivré le 6 novembre 1971, il ressort des pièces du dossier, et notamment du registre municipal des autorisations d'urbanisme délivrées par la commune de Liffré, que ce permis a concerné la construction d'un " garage pour caravane " d'une surface d'environ 24 m2. La conformité des travaux avec cette autorisation a au demeurant été refusée par la commune le 10 juin 1976. M. B... n'établit pas ni même n'allègue que la construction de la maison d'habitation existante aurait fait l'objet d'une autre autorisation d'urbanisme ou serait antérieure à la loi d'urbanisme n° 324 du 15 juin 1943 relative au permis de construire. Dans ces conditions, le bâtiment ne peut être regardé comme ayant été régulièrement édifié. Dès lors, les dispositions précitées du 1er alinéa de l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme ne lui seront pas applicables pour la délivrance d'un permis de construire. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble des éléments devant être soumis à son autorisation ne permettra pas la régularisation des travaux compte tenu de la situation du terrain en zone agricole alors qu'il n'est pas soutenu que l'habitation alors autorisée serait compatible avec le caractère agricole de la zone. Par suite, le maire de Liffré pouvait légalement délivrer un certificat d'urbanisme négatif en opposant à M. B... le fait que son terrain ne peut pas être utilisé pour la réalisation de l'opération projetée, visant à la réhabilitation partielle de la maison existante. Il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur le seul motif tiré de ce que la construction projetée serait de nature à conforter un édifice n'ayant pas obtenu les autorisations administratives requises. Dans ces conditions, il y a lieu de procéder à la substitution de motif demandée par la commune de Liffré, qui ne prive le requérant d'aucune garantie.

11. Aucun autre moyen, dont la cour se trouverait saisie par l'effet dévolutif de l'appel, n'a été invoqué par M. B... devant le tribunal administratif ou devant la cour, permettant de confirmer l'annulation prononcée.

12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance, que la commune de Liffré est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé le certificat d'urbanisme négatif du 27 octobre 2018 du maire de Liffré ainsi que la décision du 14 février 2019 de ce maire rejetant le recours gracieux formé contre ce certificat.

Sur les frais liés au litige :

13. D'une part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement à la commune de Liffré d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais liés à l'instance.

14. D'autre part, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Liffré, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1901572 du 1er février 2021 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : M. B... versera à la commune de Liffré la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de M. B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la commune de Liffré.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Rivas, président de la formation de jugement,

- M. Frank, premier conseiller,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 janvier 2023.

Le rapporteur,

A. A...Le président de la formation

de jugement,

C. RIVAS

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 21NT00892


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00892
Date de la décision : 10/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. RIVAS
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SCP ARES GARNIER DOHOLLOU SOUET ARION ARDISSON GREARD COLLET LEDERF-DANIEL LEBLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-01-10;21nt00892 ?
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