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17/02/2023 | FRANCE | N°22NT01571

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 17 février 2023, 22NT01571


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 3 mars 2022 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités allemandes et l'a assigné à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2203405 du 24 mars 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, e

nregistrée le 20 mai 2022, M. B..., représenté par Me Dahani, demande à la cour :

1°) d'annuler le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 3 mars 2022 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités allemandes et l'a assigné à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2203405 du 24 mars 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mai 2022, M. B..., représenté par Me Dahani, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 mars 2022 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 3 mars 2022 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 mars 2022 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités allemandes ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure au regard de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors qu'il n'a pas reçu une information complète en temps utile ;

- il est entaché d'une erreur de fait qui révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- la décision contestée méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait les dispositions de l'article 16 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 de ce règlement ;

- il n'a pas bénéficié de l'entretien de vulnérabilité prévu à l'article L. 571-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange, président assesseur,

- et les observations de Me Dahani, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 19 juin 1990, est entré irrégulièrement en France le 5 janvier 2022, selon ses déclarations. Le 2 février 2022, il a déposé une demande d'asile. Par un arrêté du 3 mars 2022, le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités allemandes, responsables de sa demande d'asile. M. B... relève appel du jugement du 24 mars 2022 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision portant transfert auprès des autorités allemandes.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu remettre, le 2 février 2022, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées, dans une langue qu'il a déclaré et ne conteste pas comprendre. En outre, il ressort du compte-rendu de son entretien individuel qu'il a reconnu avoir compris la procédure engagée à son encontre et qu'il a apposé sa signature sous la mention " je reconnais que les informations contenues dans le guide du demandeur d'asile ainsi que dans les brochures A et B m'ont été communiquées oralement et je reconnais les avoir comprises ". Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

5. En deuxième lieu, si M. B... soutient que le préfet de Maine-et-Loire n'a pas tenu compte de son état de santé, en particulier du certificat médical confidentiel qui a été transmis au médecin coordonnateur de zone ouest pour établir sa vulnérabilité en raison de douleurs au côlon, il ressort des pièces du dossier, en particulier des termes très précis à cet égard de l'arrêté contesté que le préfet a tenu compte des éléments transmis par l'intéressé et de ses déclarations au sujet de son état de santé lors de l'entretien individuel tenu le 2 février 2022 mais a considéré qu'ils ne révélaient pas une vulnérabilité particulière de l'intéressé. Eu égard au fait que les documents médicaux produits par M. B... ne permettent pas d'établir que son état de santé ferait obstacle à son transfert en Allemagne, il n'est pas fondé à soutenir que sa vulnérabilité n'aurait pas été prise en compte.

6. En troisième lieu, s'il n'est pas contesté que le préfet de Maine-et-Loire a considéré à tort, sur la base de ses déclarations lors de l'entretien individuel du 2 février 2022, que M. B... ne disposait pas d'attaches familiales en France alors qu'y vivent sa mère, sa sœur et une tante, il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait pas commis cette erreur de fait alors que le requérant n'établit pas que la présence auprès de lui de ces personnes serait indispensable et ferait obstacle à son transfert en Allemagne. En outre, il ressort notamment des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet a examiné précisément la situation personnelle de M. B..., contrairement à ce que celui-ci soutient.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est célibataire, sans charges de famille, et qu'il ne réside en France que depuis janvier 2022. S'il fait valoir vivre chez sa mère et que celle-ci pourvoit à ses besoins, ces circonstances ne font pas obstacle à son transfert en Allemagne alors qu'il n'allègue pas qu'il ne sera pas pris en charge par les autorités de ce pays. Dans ces conditions, en prenant l'arrêté contesté, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas porté d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant et celui-ci n'est pas fondé à soutenir que la décision de transfert aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En cinquième lieu, aux termes du 1 de l'article 16 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsque, du fait d'une grossesse, d'un enfant nouveau-né, d'une maladie grave, d'un handicap grave ou de la vieillesse, le demandeur est dépendant de l'assistance de son enfant, de ses frères ou sœurs, ou de son père ou de sa mère résidant légalement dans un des États membres, ou lorsque son enfant, son frère ou sa sœur, ou son père ou sa mère, qui réside légalement dans un État membre est dépendant de l'assistance du demandeur, les États membres laissent généralement ensemble ou rapprochent le demandeur et cet enfant, ce frère ou cette sœur, ou ce père ou cette mère, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d'origine, que l'enfant, le frère ou la sœur, ou le père ou la mère ou le demandeur soit capable de prendre soin de la personne à charge et que les personnes concernées en aient exprimé le souhait par écrit.".

10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... souffre d'une maladie grave au sens des dispositions de l'article 16 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par ailleurs, ces dispositions ne permettent pas de favoriser l'unité des liens familiaux qu'elles protègent du seul fait que le demandeur d'asile est dépendant de l'assistance d'un membre de sa famille. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Maine-et-Loire aurait méconnu ces dispositions au motif qu'il serait dépendant de sa famille en France.

11. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...) ".

12. D'une part, la présence en France de sa mère, de sa sœur et de sa tante et le fait que ceux-ci lui portent assistance alors qu'il est célibataire et arrivé en France récemment ne suffisent pas à caractériser une situation de vulnérabilité exceptionnelle. D'autre part, ainsi qu'il a été dit précédemment les documents produits ne permettent pas de démontrer que l'état de santé de l'intéressé le placerait dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché la décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement précité.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 3 mars 2022. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Dahani et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 février 2023.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01571


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01571
Date de la décision : 17/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : DAHANI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-02-17;22nt01571 ?
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