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07/03/2023 | FRANCE | N°22NT00438

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 07 mars 2023, 22NT00438


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... et M. F... E... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté n° PA 35288 19 A0010 du 5 mars 2020 par lequel le maire de Saint-Malo a accordé à la SAS Groupe Raulic Investissements un permis d'aménager des canalisations souterraines avec prise et rejet d'eau de mer au droit d'une construction à édifier sur la parcelle cadastrée H 101 située 47 avenue du Président John Kennedy, ainsi que la décision du 17 septembre 2020 rejetant le recours gracieux formé contre cet arr

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Par un jugement n° 2005068 du 13 décembre 2021, le tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... et M. F... E... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté n° PA 35288 19 A0010 du 5 mars 2020 par lequel le maire de Saint-Malo a accordé à la SAS Groupe Raulic Investissements un permis d'aménager des canalisations souterraines avec prise et rejet d'eau de mer au droit d'une construction à édifier sur la parcelle cadastrée H 101 située 47 avenue du Président John Kennedy, ainsi que la décision du 17 septembre 2020 rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté.

Par un jugement n° 2005068 du 13 décembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 février et 3 août 2022, M. A... B... et M. F... E..., représentés par Mes Collet et Le Guen, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 décembre 2021 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 mars 2020 du maire de Saint-Malo ainsi que la décision du 17 septembre 2020 rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Malo, le versement de la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'est pas établi qu'il comporterait l'ensemble des signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le jugement est irrégulier, en ce que leur demande n'était pas irrecevable en raison d'un défaut d'intérêt à agir ; en leur qualité de voisins du projet, et d'usagers de la plage, ils ont intérêt à agir à l'encontre des décisions contestées ;

- la décision contestée du 5 mars 2020 a été prise en méconnaissance de l'article R. 121-6 du code de l'urbanisme, en ce qu'elle ne vise pas l'arrêté par lequel l'autorité compétente aurait défini les modalités d'organisation de la procédure de mise à disposition du public ;

- la décision contestée du 5 mars 2020 méconnaît les dispositions des articles L. 121-24 et R. 121-5 du code de l'urbanisme ;

- la décision contestée du 5 mars 2020 ne pouvait être légalement accordée préalablement à une instruction complémentaire ;

- la décision contestée du 5 mars 2020 méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- la décision contestée du 5 mars 2020 méconnaît les dispositions de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme ;

- les conclusions de la société Raulic, tendant au prononcé d'une amende sur le fondement d'un recours abusif ne sont pas fondées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2022, la commune de Saint-Malo, représentée par Me Coudray, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... et M. E... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2022, la SAS Groupe Raulic Investissements, représentée par Me Le Derf-Daniel, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... et M. E... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce que M. B... et M. E... soient condamnés au paiement d'une amende de 20 000 euros au titre des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés ;

- la requête présente un caractère abusif.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me Le Guen, représentant MM. B... et E..., de Me Rouxel, représentant la commune de Saint-Malo, et de Me Hipeau, représentant la société Groupe Raulic Investissements.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Saint-Malo est propriétaire, sur son territoire, de deux parcelles contigües, cadastrées à la section H sous les numéros 101 et 799, d'une superficie totale d'environ 14 000 m2. A la suite de la fermeture du camping municipal exploité sur ce terrain, la commune a lancé une procédure " d'appels à idées " en vue de recueillir des propositions d'aménagement de ces parcelles, notamment pour " redonner une identité au site des Nielles (...), préserver l'environnement et la qualité du site, développer une activité qui participe à la vie économique ainsi qu'au rayonnement et à l'attractivité de la ville de Saint-Malo et faire de ce site ouvert sur la mer un élément fort du développement ". Par une délibération du 31 mars 2016, le conseil municipal de Saint-Malo a retenu la proposition de la société Groupe Raulic Investissements, consistant en la réalisation d'un hôtel cinq étoiles accueillant un centre de thalassothérapie et spa, des salles de séminaires et de formation aux métiers du bien-être, un restaurant gastronomique et un bar, d'un hôtel quatre étoiles intégrant un restaurant, d'une résidence de tourisme avec piscine couverte et comprenant une dizaine de logements pour le personnel, 208 places de stationnement dont la majorité sera située en sous-sol, de toilettes et d'un belvédère publics. Pour permettre la réalisation de ce projet, la commune de Saint-Malo a prescrit, par une délibération du conseil municipal du 21 septembre 2017, l'engagement d'une procédure de déclaration de projet emportant mise en compatibilité de son plan local d'urbanisme. La déclaration de projet a été soumise à enquête publique, laquelle s'est déroulée entre le 16 août 2019 et le 17 septembre 2019, et a été approuvée par une délibération du 6 février 2020. La SAS Groupe Raulic Investissements a déposé le 5 novembre 2019 une demande de permis d'aménager des canalisations souterraines avec prise et rejet d'eau de mer au droit d'une construction à édifier sur la parcelle cadastrée H 101 située 47, avenue du Président John Kennedy à Saint-Malo. Par un arrêté du 5 mars 2020, le maire de Saint-Malo a délivré le permis d'aménager sollicité. M. A... B... et M. F... E... relèvent appel du jugement du 13 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté comme irrecevable leur demande d'annulation de cet arrêté du 5 novembre 2019 et de la décision du 17 septembre 2020 du maire de Saint-Malo portant rejet de leur recours gracieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. B... et M. E... sont propriétaires de terrains bâtis respectivement situés 73 rue du Révérend Père D... et 57 avenue du Président John Kennedy, à Saint-Malo. Toutefois, les aménagements contestés seront implantés au droit du projet de complexe hôtelier de la société Groupe Raulic Investissements, sur la parcelle cadastrée H 101 et sur le domaine public maritime, et seront ainsi séparés des parcelles des requérants par plusieurs propriétés bâties. Par suite, M. B... et M. E..., dont les propriétés ne jouxteront pas les terrains d'assiette des aménagements envisagés, ne peuvent être regardés comme les voisins immédiats du projet.

5. D'autre part, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet d'autoriser la réalisation du complexe hôtelier projeté par la commune de Saint-Malo et la société Groupe Raulic Investissements, et ne consiste qu'à approuver les travaux de canalisations souterraines avec prise et rejet d'eau de mer, au droit des futures constructions, qui devront au demeurant faire l'objet d'une autorisation distincte. Si M. B... et M. E... font valoir que ces aménagements sont susceptibles d'altérer la qualité des eaux situées à proximité de la plage du Minihic qu'ils fréquentent quotidiennement, ils n'établissent pas, par les seules pièces versées au dossier, la réalité de leurs allégations, lesquelles sont insuffisamment étayées. En tout état de cause, les requérants ne justifient pas que les nuisances dont ils se prévalent, relatives à la seule qualité des eaux, seraient susceptibles d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leurs biens.

6. Il résulte de ce qui précède que M. B... et M. E..., qui ne justifient pas d'un intérêt pour agir à l'encontre des décisions contestées, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté, comme irrecevable, leur demande.

Sur les conclusions de la société Groupe Raulic Investissements tendant à l'application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative :

7. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros. ".

8. La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions présentées par le Groupe Raulic Investissements tendant à ce que M. B... et M. E... soient condamnés à une telle amende sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Malo, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. B... et M. E... de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

10. D'autre part, il y a lieu de mettre à la charge solidaire de M. B... et M. E... le versement à la commune de Saint-Malo d'une somme globale de 800 euros et à la société Groupe Raulic Investissement, d'une somme globale de 800 euros, au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... et de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la SAS Groupe Raulic Investissements sur le fondement des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : M. B... et M. E... verseront solidairement une somme globale de 800 euros à la commune de Saint-Malo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : M. B... et M. E... verseront solidairement une somme globale de 800 euros à la SAS Groupe Raulic Investissements au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à M. F... E..., à la commune de Saint-Malo et à la SAS Groupe Raulic Investissements.

Délibéré après l'audience du 10 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mars 2023.

Le rapporteur,

A. C...Le président,

J. FRANCFORT

La greffière,

H. EL HAMIANI

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 22NT00438


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00438
Date de la décision : 07/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SCP ARES GARNIER DOHOLLOU SOUET ARION ARDISSON GREARD COLLET LEDERF-DANIEL LEBLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-03-07;22nt00438 ?
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