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17/03/2023 | FRANCE | N°21NT01102

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 17 mars 2023, 21NT01102


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la délibération du 20 septembre 2019 par laquelle le conseil municipal de Bernières-sur-Mer a retiré la délibération du 23 mai 2019 approuvant la révision du plan local d'urbanisme et approuvé une nouvelle version du plan local d'urbanisme révisé, ainsi que la décision du 10 octobre 2019 de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1902390 du 19 février 2021, le tribunal administratif de Caen a annulé la délibéra

tion du 20 septembre 2019 en tant qu'elle classe trois secteurs du camping en zone Na...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la délibération du 20 septembre 2019 par laquelle le conseil municipal de Bernières-sur-Mer a retiré la délibération du 23 mai 2019 approuvant la révision du plan local d'urbanisme et approuvé une nouvelle version du plan local d'urbanisme révisé, ainsi que la décision du 10 octobre 2019 de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1902390 du 19 février 2021, le tribunal administratif de Caen a annulé la délibération du 20 septembre 2019 en tant qu'elle classe trois secteurs du camping en zone Na et en tant qu'elle prévoit en zone Nl la possibilité d'implanter des habitations légères de loisir, et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 16 avril 2021 et le 16 juillet 2021, la commune de Bernières-sur-Mer, représentée par Me Le Coustumer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 février 2021 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il a annulé la délibération du 20 septembre 2019 du conseil municipal de Bernières-sur-Mer en ce qu'elle classe trois secteurs du camping en zone Na et en ce qu'elle prévoit en zone Nl la possibilité d'implanter des habitations légères de loisir ;

2°) de rejeter, dans cette mesure, la demande présentée par les époux A... devant le tribunal administratif de Caen ;

3°) de mettre à la charge des époux A... la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif, tiré de ce que l'article N 2 du règlement du projet de plan local d'urbanisme révisé ne pouvait pas être modifié sans que soit organisée au préalable une nouvelle enquête publique, n'est pas fondé : d'une part, la modification apportée à l'article N 2 du règlement du plan local d'urbanisme révisé après l'enquête publique est purement formelle ; d'autre part, et en tout état de cause, elle doit être regardée comme procédant de l'enquête publique ;

- le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif, tiré de l'incompatibilité des dispositions de l'article N 2 du règlement du plan local d'urbanisme autorisant l'implantation d'habitations légères de loisirs en zone Nl avec les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme et les dispositions du schéma de cohérence territoriale relatives aux modalités d'application de la loi Littoral, n'est pas fondé : d'une part, le territoire de la commune étant couvert par un schéma de cohérence territoriale mettant en œuvre les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, le tribunal administratif ne pouvait pas, sans méconnaître l'article L. 131-1 du code de l'urbanisme, retenir le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-8 du même code, ce moyen étant inopérant ; d'autre part, et en tout état de cause, la partie du camping classée en zone Nl du plan local d'urbanisme révisé se situe dans un espace urbanisé ou, à tout le moins, en continuité d'un tel espace et n'est donc pas incompatible avec les dispositions du schéma de cohérence territoriale relatives aux modalités d'application de la loi Littoral, ni avec les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 juin 2021 et le 27 juillet 2021, M. et Mme A..., représentés par Me Cassaz, demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête de la commune de Bernières-sur-Mer ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du 19 février 2021 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il a rejeté les conclusions de leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 20 septembre 2019 du conseil municipal de Bernières-sur-Mer en ce que, d'une part, elle procède au retrait de la délibération du 23 mai 2019 en tant que celle-ci classait la majeure partie du camping du Havre en zone N et en ce que, d'autre part, la nouvelle version du plan local d'urbanisme qu'elle approuve classe une majeure partie du camping du Havre en zone Nl et modifie les dispositions de l'article N 2 du règlement du plan applicables dans cette zone ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bernières-sur-Mer la somme globale de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif, et tiré de ce que l'article N 2 du règlement du projet de plan local d'urbanisme révisé ne pouvait pas être modifié sans que soit organisée au préalable une nouvelle enquête publique, est fondé ;

- le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif, et tiré de l'incompatibilité des dispositions de l'article N 2 du règlement du plan local d'urbanisme autorisant l'implantation d'habitations légères de loisirs en zone Nl avec les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme et les dispositions du schéma de cohérence territoriale de Caen Métropole relatives aux modalités d'application de la loi Littoral, est fondé ;

- les conseillers municipaux n'ont pas été rendus destinataires avant la séance du 20 septembre 2019 du projet de délibération, ni d'aucun autre document leur permettant de connaître les différences entre la seconde version et la première version du projet de plan local d'urbanisme révisé ;

- la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers n'a pas été consultée, pour avis, sur la nouvelle version du projet de plan local d'urbanisme révisé, et notamment le nouveau zonage de la majeure partie du camping en zone Nl, en méconnaissance de l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme ;

- le classement de la majeure partie du camping en zone Nl du plan local d'urbanisme révisé est incompatible avec la préservation de la " coupure d'urbanisation " identifiée dans le schéma de cohérence territoriale ;

- le classement de la majeure partie du camping en zone Nl du plan local d'urbanisme révisé est incohérente avec les orientations du projet d'aménagement et de développement durables et l'orientation d'aménagement et de programmation du plan local d'urbanisme révisé tendant, d'une part, à la limitation de l'urbanisation dans ce secteur et, d'autre part, à la préservation et à la mise en valeur du patrimoine bâti et non-bâti dans ce secteur ;

- le classement de la majeure partie du camping en zone Nl du plan local d'urbanisme révisé est incompatible avec l'orientation du schéma de cohérence territoriale tendant à la préservation des " espaces sensibles " identifiés par la directive territoriale d'aménagement ;

- le classement de la majeure partie du camping en zone Nl du plan local d'urbanisme révisé méconnaît l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme, en ce qu'il constitue une extension non-limitée de l'urbanisation dans les espaces proches du rivages ;

- le conseil municipal ne pouvait pas, sans méconnaître l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration, retirer la révision du plan local d'urbanisme, celle-ci n'étant pas entachée d'illégalité : le classement de la majeure partie du camping en zone N du plan local d'urbanisme révisé n'était pas, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, un tel classement interdisant seulement l'implantation dans le camping d'habitations légères de loisirs, mais non l'accueil des voyageurs avec leurs propres équipements ;

- le conseil municipal ne pouvait pas, compte tenu de l'illégalité du retrait opéré par la délibération contestée, approuver, par la même délibération, une nouvelle version du plan local d'urbanisme révisé, sans organiser au préalable une nouvelle enquête publique, conformément à l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en intervention, enregistrés le 15 juin 2021, le 16 juillet 2021 et le 6 août 2021, ce troisième mémoire n'ayant pas été communiqué, la société Le Donjon de Lars, représentée par Me Bousquet, demande à la cour de faire droit aux conclusions de la commune de Bernières-sur-Mer.

Elle soutient que :

- son intervention volontaire est recevable, quand bien même elle n'était pas intervenue en première instance ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, le classement des secteurs bâtis du camping en zone Na du plan local d'urbanisme révisé et les dispositions de l'article N 2 du règlement du plan révisé autorisant l'implantation d'habitations légères de loisirs en zone Nl ne sont pas incompatibles avec l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme dès lors que le camping se situe en continuité de l'urbanisation existante ;

- aucun des moyens soulevés par les époux A... n'est fondé.

Par une ordonnance du 20 juillet 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 août 2021, à 12 heures.

Des mémoires en intervention présentés pour la société Le Donjon de Lars ont été enregistrés le 9 août 2021 et le 5 février 2023, soit postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du tourisme ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2006-834 du 10 juillet 2006 portant approbation de la directive territoriale d'aménagement de l'estuaire de la Seine ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme C...,

- et les observations de Me Le Coustumer, représentant la commune de Bernières-sur-Mer, les observations de Me Bousquet, représentant la société Le Donjon Le Lars, et les observations de Mme A....

Des notes en délibéré, présentées pour la société Le Donjon de Lars, ont été enregistrées les 8 et 15 février 2023.

Des notes en délibéré, présentées pour la commune de Bernières-sur-Mer, ont été enregistrées les 10 et 15 février 2023.

Des notes en délibéré, présentées pour M. et Mme A..., ont été enregistrées les 10 et 20 février 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 23 mai 2019, le conseil municipal de Bernières-sur-Mer a approuvé la révision de son plan local d'urbanisme. Par un courrier du 25 septembre 2019, la société Le Donjon de Lars, qui exploite le camping du Havre de Bernières-sur-Mer, a formé un recours gracieux contre cette délibération, en tant que la révision du plan qu'elle approuve classe en zone N la majeure partie du camping, à l'exception des bâtiments et équipements en dur existants, et leurs alentours immédiats, classés en zone Na. Par une délibération du 20 septembre 2019, le conseil municipal de Bernières-sur-Mer a retiré la délibération du 23 mai 2019 et approuvé une nouvelle version du plan local d'urbanisme, qui classe en zone Nl la majeure partie du camping du Havre précédemment classée en zone N et qui modifie en conséquence les dispositions de l'article N 2 du règlement. La commune de Bernières-sur-Mer relève appel du jugement du 19 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Caen a, à la demande des époux A..., annulé la délibération du 20 septembre 2019 en tant qu'elle classe trois secteurs du camping en zone Na et en tant qu'elle prévoit en zone Nl la possibilité d'implanter des habitations légères de loisir. Par la voie de l'appel incident, les époux A... demandent l'annulation de ce même jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions de leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 20 septembre 2019 en ce que, d'une part, elle procède au retrait de la délibération du 23 mai 2019 en tant qu'elle classait la majeure partie du camping du Havre en zone N et en ce que, d'autre part, la nouvelle version du plan local d'urbanisme qu'elle approuve, classe une majeure partie du camping du Havre en zone Nl et modifie les dispositions de l'article N 2 du règlement du plan applicables dans cette zone.

Sur l'intervention de la société Le Donjon de Lars :

2. La société Le Donjon de Lars justifie, en sa qualité de propriétaire et d'exploitante du camping du Havre de Bernières-sur-Mer, d'un intérêt à intervenir au soutien des conclusions présentées par la commune de Bernières-sur-Mer tendant à l'annulation du jugement attaqué, dès lors que celui-ci annule le classement de trois secteurs du camping en zone Na ainsi que les dispositions de l'article N 2 du règlement autorisant l'implantation d'habitations légères de loisirs en zone Nl. La circonstance que la société Donjon de Lars ne soit pas intervenue en première instance ne lui interdit pas d'intervenir en appel. Par suite, son intervention est recevable.

Sur l'appel principal de la commune de Bernières-sur-Mer :

3. En premier lieu, d'une part, l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme prévoit que les plans locaux d'urbanisme doivent être compatibles avec les schémas de cohérence territoriale. En l'absence de schéma de cohérence territoriale, ils doivent être compatibles, s'il y a lieu, en vertu de l'article L. 131-7, dans sa rédaction alors applicable, avec les dispositions particulières au littoral prévues au chapitre I du titre II ou les modalités d'application de ces dispositions particulières lorsqu'elles ont été précisées pour le territoire concerné par une directive territoriale d'aménagement prévue par l'article L. 172-1. L'article L. 131-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable, prévoit, par ailleurs, que les schémas de cohérence territoriale doivent également être compatibles, s'il y a lieu, avec ces mêmes dispositions.

4. S'il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, il résulte des dispositions des articles L. 131-4 et L. 131-7 du code de l'urbanisme, que, s'agissant d'un plan local d'urbanisme, il appartient à ses auteurs de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de sa compatibilité avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral. Dans le cas où le territoire concerné est couvert par un schéma de cohérence territoriale, cette compatibilité s'apprécie en tenant compte des dispositions de ce document relatives à l'application des dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, sans pouvoir en exclure certaines au motif qu'elles seraient insuffisamment précises, sous la seule réserve de leur propre compatibilité avec ces dernières.

5. D'autre part, l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme, alors en vigueur, rend applicables les dispositions du chapitre relatif à l'aménagement et à la protection du littoral, comprenant notamment les dispositions de l'article L. 121-8, " à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, installations et travaux divers (...) l'ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes (...) ". Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur, telle qu'issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants./ Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. / L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages ". Le III de l'article 42 de la même loi prévoit que : " Jusqu'au 31 décembre 2021, des constructions et installations qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti, peuvent être autorisées avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, dans les secteurs mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la présente loi, mais non identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme en l'absence de modification ou de révision de ces documents initiée postérieurement à la publication de la présente loi ". Le V du même article précise que les mots " en continuité avec les agglomérations et villages existants " - qui remplacent les mots : " soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement " s'appliquent " sans préjudice des autorisations d'urbanisme délivrées avant la publication de la présente loi ". Cette modification de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ne s'applique pas " aux demandes d'autorisation d'urbanisme déposées avant le 31 décembre 2021 ni aux révisions, mises en compatibilité ou modifications de documents d'urbanisme approuvées avant cette date ".

6. Il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable en l'espèce, que l'extension de l'urbanisation doit se réaliser, dans les communes littorales, soit en continuité avec les agglomérations et les villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. Constituent des agglomérations ou des villages où l'extension de l'urbanisation est possible, au sens et pour l'application de ces dispositions, les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions.

7. Par ailleurs, le deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, ouvre la possibilité, dans les autres secteurs urbanisés qui sont identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, à seule fin de permettre l'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et l'implantation de services publics, de densifier l'urbanisation, à l'exclusion de toute extension du périmètre bâti et sous réserve que ce dernier ne soit pas significativement modifié. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les espaces d'urbanisation diffuse éloignés de ces agglomérations et villages. Il ressort des dispositions de ce deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme que les secteurs déjà urbanisés qu'elles mentionnent se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs.

8. Enfin, aux termes de l'article L. 121-9 du code de l'urbanisme : " L'aménagement et l'ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes en dehors des espaces urbanisés sont en outre subordonnés à la délimitation de secteurs prévus à cet effet par le plan local d'urbanisme. ".

9. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 121-3, L. 121-8 et L. 121-9, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral dont elles sont issues, que l'aménagement et l'ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes en dehors des espaces urbanisés sont soumis aux règles relatives à l'extension de l'urbanisation énoncées à l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.

10. Tout d'abord, il est constant que la commune de Bernières-sur-Mer est une commune littorale au sens du 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement et qu'elle est soumise, à ce titre, aux dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral. Il est également constant que son territoire était couvert, à la date de la délibération contestée, par le schéma de cohérence territoriale de Caen Métropole dans sa version issue de la modification simplifiée n° 1, approuvée le 16 décembre 2016, document qui rappelle, dans sa partie consacrée aux spécificités des espaces littoraux, l'exigence tenant à ce que les constructions soient réalisées, dans les communes littorales, en continuité avec les agglomérations et villages existants.

11. Ensuite, il ressort des pièces du dossier que le plan local d'urbanisme révisé de Bernières-sur-Mer, dans va version approuvée par la délibération du 20 septembre 2019, qui se substitue à celle approuvée par la délibération du 23 mai 2019, classe l'emprise des bâtiments et équipements en dur existants du camping du Havre, et leurs alentours proches, en zone Na (" Secteur spécifique au camping autorisant certaines constructions "), et le reste du terrain de camping, qui correspond aux emplacements dédiés à l'accueil des campeurs, et restés à l'état naturel, en zone Nl (" zone naturelle spécifique au camping "). Selon l'article N 2 du règlement du plan révisé, dans sa version approuvée par la délibération du 20 septembre 2019, sont autorisés, en zone Na, " Toutes constructions et installations liées ou nécessaires à l'accueil des campeurs " et, en zones Na et Nl, " Les aménagements liés ou nécessaires au camping ", " Les aménagements liés ou nécessaires aux parcs résidentiels de loisirs ", " L'implantation des habitations légères de loisirs " ainsi que " L'installation des résidences mobiles de loisirs et des caravanes ".

12. Il ressort, en outre, des pièces du dossier que le camping du Havre se situe dans un secteur périphérique de la commune de Bernières-sur-Mer compris entre de vastes espaces naturels, au nord, à l'ouest et au sud, dont il est séparé par la route de Courseulles, et le bourg, plus à l'est, dont il est séparé, sur une distance de plus de cent-cinquante mètres, par une zone d'urbanisation diffuse, composée de plusieurs courts de tennis et du domaine de Quintefeuille, vaste domaine arboré, classé site pittoresque et dont les espaces boisés sont classés au titre de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme. Ce secteur périphérique fait, au surplus, partie de la " coupure d'urbanisation " qui a été identifiée par la directive territoriale d'aménagement de l'estuaire de la Seine, et reprise par le schéma de cohérence territoriale de Caen Métropole, entres les communes de Bernières-sur-Mer et de Courseulles-sur-Mer. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le camping du Havre comprendrait, en plus des six constructions en dur existantes, et qui sont au demeurant éloignées les unes des autres, d'autres constructions soumises à autorisation au titre du code de l'urbanisme. Ce camping doit, dès lors, être regardé, non pas comme étant situé en continuité d'une agglomération ou d'un village existants au sens des dispositions du premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ou comme étant inclus dans un secteur déjà urbanisé au sens des dispositions du deuxième alinéa du même article, mais comme faisant partie d'une zone d'urbanisation diffuse. Il s'ensuit, d'une part, que le classement, par la délibération du 20 septembre 2019 approuvant le plan local d'urbanisme, de trois secteurs du camping du Havre en zone Na, dans laquelle les dispositions de l'article N 2 du règlement autorisent " Toutes constructions et installations liées ou nécessaires à l'accueil des campeurs ", d'autre part, que les dispositions de l'article N 2 du règlement de ce plan qui autorisent en zone Nl " L'implantation des habitations légères de loisirs " sont incompatibles avec les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dont les exigences sont rappelées par le document d'orientations générales du schéma de cohérence territoriale de Caen Métropole.

13. En second lieu, aux termes de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme : " A l'issue de l'enquête, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par : / (...) / 2° Le conseil municipal dans le cas prévu au 2° de l'article L. 153-8. ". Aux termes de l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut retirer un acte réglementaire ou un acte non réglementaire non créateur de droits que s'il est illégal et si le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant son édiction. ". Il résulte de ces dispositions que le conseil municipal d'une commune couverte par un schéma de cohérence territoriale peut légalement retirer la délibération par laquelle il a adopté ou révisé le plan local d'urbanisme si elle est illégale, alors même qu'elle est devenue exécutoire en application de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, tant que n'est pas expiré le délai de quatre mois dont il dispose pour ce faire. Après avoir procédé à un tel retrait, il peut légalement approuver le nouveau plan local d'urbanisme destiné à remédier aux illégalités constatées, sans engager la procédure adéquate d'évolution du plan local d'urbanisme, ni même procéder à une nouvelle enquête publique, dès lors que les rectifications visant à assurer sa légalité ne remettent pas en cause l'économie générale du projet de plan et procèdent de l'enquête publique à laquelle celui-ci a été soumis ou tiennent compte des avis joints au dossier d'enquête.

14. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du recours gracieux exercé par la société Le Donjon de Lars contre le classement du camping du Havre en zone N du plan local d'urbanisme révisé, le maire de Bernières-sur-Mer a, au cours de la séance du 20 septembre 2019, proposé aux membres du conseil municipal d'y faire droit et, pour cela, de retirer la délibération du 23 mai 2019 approuvant la révision du plan local d'urbanisme et d'approuver une nouvelle version du plan local d'urbanisme révisé. Le nouveau projet de plan révisé modifie, notamment, les dispositions de l'article N 2 du règlement en vue d'autoriser dans les secteurs classés en zone Na (renommée " Secteur spécifique au camping autorisant certaines constructions ") " Toutes constructions et installations liées ou nécessaires à l'accueil des campeurs ", " Les aménagements liés ou nécessaires au camping ", " Les aménagements liés ou nécessaires aux parcs résidentiels de loisirs ", " L'implantation des habitations légères de loisirs " ainsi que " L'installation des résidences mobiles de loisirs et des caravanes ", alors que ces dispositions, dans leur rédaction issue de la révision du plan approuvée par la délibération du 23 mai 2019, autorisaient seulement, dans ces secteurs, " Les constructions et installations liées et nécessaires à l'accueil des campeurs " ainsi que " Les caravanes et habitations légères de loisirs ". Cette modification apportée aux dispositions de l'article N 2 du règlement du plan révisé, qui a pour effet d'accroître significativement les possibilités de construction en zone Na et n'est donc pas de pure forme, ne peut pas être regardée comme procédant, même indirectement, de l'avis défavorable émis sur l'ancien zonage Na du camping par la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, cet avis invitant, au contraire, la commune à " circonscrire " la surface de ce zonage. Elles ne procèdent pas davantage des observations du public, ni du rapport du commissaire-enquêteur, ni des avis émis par les autorités, collectivités et instances consultées et joints au dossier de l'enquête. Dès lors, le conseil municipal de Bernières-sur-Mer ne pouvait pas, après avoir procédé au retrait de la révision du plan local d'urbanisme approuvée par la délibération du 23 mai 2019, approuver, sans que soit organisée au préalable une nouvelle enquête publique, le nouveau projet de plan révisé, intégrant cette modification.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bernières-sur-Mer n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé la délibération du 20 septembre 2019 en tant qu'elle classe trois secteurs du camping en zone Na et en tant qu'elle prévoit en zone Nl la possibilité d'implanter des habitations légères de loisir.

Sur l'appel incident des époux A... :

16. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable au litige : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est adressée par écrit, au domicile des conseillers municipaux ou, s'ils en font la demande, envoyée à une autre adresse ou transmise de manière dématérialisée. ". L'article L. 2121-13 du même code prévoit également que : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. ". Il résulte de ces dispositions que les membres du conseil municipal appelés à délibérer de la révision du plan local d'urbanisme doivent disposer, avant la séance, de l'ensemble du projet de plan révisé que la délibération a pour objet d'approuver.

17. Il ressort des pièces du dossier que la convocation à la séance du 20 septembre 2019 adressée par le maire de Bernières-sur-Mer aux conseillers municipaux indiquait parmi les points inscrits à l'ordre du jour le retrait de la délibération du 23 mai 2019 approuvant la révision du plan local d'urbanisme et l'approbation d'une nouvelle version du projet de plan révisé. Il est cependant constant que cette convocation n'était accompagnée d'aucun document exposant, d'une part, les raisons pour lesquelles il était proposé aux membres du conseil municipal de retirer la révision du plan local d'urbanisme précédemment approuvée et présentant, d'autre part, les modifications apportées au projet de plan révisé, ainsi que leur justification. Si le maire de Bernières-sur-Mer a, au cours de la séance du 20 septembre 2019, avant de procéder au vote, présenté aux conseillers municipaux les " corrections " qu'il proposait d'apporter au projet de plan révisé, en vue de faire droit au recours gracieux de la société Le Donjon de Lars et de prendre en compte les observations formulées par le préfet du Calvados, cette présentation tardive n'a pas permis aux conseillers municipaux de se prononcer utilement sur ces " corrections ", celles-ci ne pouvant pas être regardées comme de pure forme ou mineures, compte tenu de leurs implications. Ainsi, le défaut de transmission aux conseillers municipaux, au moins trois jours avant la séance du 20 septembre 2019, de l'ensemble du nouveau projet de plan révisé ou, à tout le moins, d'un document synthétique exposant, d'une part, les raisons du retrait de la révision du plan local d'urbanisme précédemment approuvée et présentant, d'autre part, les modifications apportées au projet de plan révisé, les a privés de la garantie tenant à ce qu'ils disposent, avant la séance, de l'ensemble du projet de plan révisé que la délibération a pour objet d'approuver ou, à tout le moins, d'une information leur permettant d'exercer utilement leur mandat.

18. En deuxième lieu, d'une part, ainsi qu'il a été dit au point 13, il résulte des dispositions de l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration que le conseil municipal d'une commune couverte par un schéma de cohérence territoriale peut légalement retirer la délibération par laquelle il a adopté ou révisé le plan local d'urbanisme si elle est illégale, alors même qu'elle est devenue exécutoire en application de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, tant que n'est pas expiré le délai de quatre mois dont il dispose pour ce faire.

19. D'autre part, aux termes de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées. ". L'article R. 151-24 du même code dispose que : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; / 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; / 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues. ". L'article R. 151-25 de ce code prévoit que : " Peuvent être autorisées en zone N : / 1° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole et forestière, ou au stockage et à l'entretien de matériel agricole par les coopératives d'utilisation de matériel agricole agréées au titre de l'article L. 525-1 du code rural et de la pêche maritime ; / 2° Les constructions, installations, extensions ou annexes aux bâtiments d'habitation, changements de destination et aménagements prévus par les articles L. 151-11, L. 151-12 et L. 151-13, dans les conditions fixées par ceux-ci. ". Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils peuvent être amenés, à cet effet, à modifier le zonage et à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés à l'article R. 151-24 précité, un secteur qu'ils entendent soustraire pour l'avenir à l'urbanisation, sous réserve que l'appréciation à laquelle ils se livrent ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et ne soit pas entachée d'erreur manifeste.

20. Enfin, aux termes de l'article R. 331-1 du code du tourisme : " Le camping est librement pratiqué avec l'accord de celui qui a la jouissance du sol, sous réserve, le cas échéant, de l'opposition du propriétaire. / Il peut être pratiqué sur des terrains aménagés, dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre. ". L'article D. 331-1-1 du même code dispose que : " Les terrains aménagés de camping et de caravanage sont destinés à l'accueil de tentes, de caravanes, de résidences mobiles de loisirs et d'habitations légères de loisirs. Ils sont constitués d'emplacements nus ou équipés de l'une de ces installations ainsi que d'équipements communs. / (...) ". Aux termes de l'article R. 111-32 du code de l'urbanisme : " Le camping est librement pratiqué, hors de l'emprise des routes et voies publiques, dans les conditions fixées par la présente sous-section, avec l'accord de celui qui a la jouissance du sol, sous réserve, le cas échéant, de l'opposition du propriétaire. ". L'article R. 111-33 du même code dispose que : " Le camping pratiqué isolément ainsi que la création de terrains de camping sont interdits : / 1° Sauf dérogation accordée, après avis de l'architecte des Bâtiments de France et de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, par l'autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3, sur les rivages de la mer et dans les sites inscrits en application de l'article L. 341-1 du code de l'environnement ; / 2° Sauf dérogation accordée par l'autorité administrative après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, dans les sites classés ou en instance de classement en application de l'article L. 341-2 du code de l'environnement ; / 3° Sauf dérogation accordée dans les mêmes conditions que celles définies au 1°, dans le périmètre des sites patrimoniaux remarquables classés en application de l'article L. 631-1 du code du patrimoine, et dans les abords des monuments historiques définis à l'article L. 621-30 du code du patrimoine ; / 4° Sauf dérogation accordée, après avis favorable du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques, par l'autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3, dans un rayon de 200 mètres autour des points d'eau captée pour la consommation, sans préjudice des dispositions relatives aux périmètres de protection délimités en application de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique. ". L'article R. 111-34 de ce code prévoit que : " La pratique du camping en dehors des terrains aménagés à cet effet peut en outre être interdite dans certaines zones par le plan local d'urbanisme ou le document d'urbanisme en tenant lieu. Lorsque cette pratique est de nature à porter atteinte à la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité publiques, aux paysages naturels ou urbains, à la conservation des perspectives monumentales, à la conservation des milieux naturels ou à l'exercice des activités agricoles et forestières, l'interdiction peut également être prononcée par arrêté du maire. / Ces interdictions ne sont opposables que si elles ont été portées à la connaissance du public par affichage en mairie et par apposition de panneaux aux points d'accès habituels aux zones visées par ces interdictions. Un arrêté conjoint des ministres chargés de l'urbanisme et du tourisme fixe les conditions dans lesquelles est établie cette signalisation. ". Si les auteurs d'un plan local d'urbanisme peuvent, en vertu de l'article R. 111-34 du code de l'urbanisme, interdire dans certains secteurs de la commune la pratique isolée du camping, ils ne sauraient, en revanche, dans les terrains aménagés à cet effet, et régulièrement créés, y interdire l'installation de tentes de camping, sans porter atteinte au principe de liberté du camping énoncé aux articles R. 331-1 du code du tourisme et R. 111-32 du code de l'urbanisme.

21. Il ressort des pièces du dossier que le projet de plan local d'urbanisme révisé, tel qu'initialement arrêté et soumis à l'enquête publique, classait, en intégralité, le terrain de camping du Havre en zone Na (" secteur naturel à vocation touristique "), dans lequel étaient autorisées " Les constructions et installations liés et nécessaires à l'accueil des campeurs " ainsi que " Les caravanes et habitations légères de loisirs ". Puis, après l'enquête publique, le maire de Bernières-sur-Mer a décidé, pour tenir compte de l'avis défavorable émis sur ce zonage par la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, de modifier le projet de règlement graphique du plan révisé, en limitant, d'une part, le zonage Na aux bâtiments et équipements en dur existants, et leurs alentours proches, et en classant, d'autre part, le reste du terrain, c'est-à-dire les emplacements du camping restés à l'état naturel, ainsi que la végétation existante, en zone N. Le projet de plan révisé, modifié sur ces points, a été approuvé par la délibération du 23 mai 2019 du conseil municipal de Bernières-sur-Mer. Si les dispositions de l'article N 2 du règlement du plan approuvé par cette délibération autorisaient en zone Na, mais non en zone N, " Les constructions et installations liées et nécessaires à l'accueil de campeurs " et " L'installation de caravanes ainsi que l'implantation d'habitations légères ", ces dispositions n'avaient, en tout état de cause, pas pour effet d'interdire en zone N l'installation de tentes et, dans certaines conditions, de caravanes, et de résidences mobiles de loisirs, sur les emplacements du camping, créé et spécialement aménagé à cet effet. Ainsi, et contrairement à ce qu'a indiqué le maire de Bernières-sur-Mer au cours de la séance du 20 septembre 2019 pour justifier le retrait du plan révisé précédemment approuvé, le classement en zone N du camping du Havre ne faisait pas obstacle à la poursuite de son exploitation. Ce classement était, au demeurant, et ainsi qu'il a déjà été dit, cohérent avec la " coupure d'urbanisation " identifiée par la directive territoriale d'aménagement de l'estuaire de la Seine, et reprise par le schéma de cohérence territoriale de Caen Métropole, ainsi qu'avec l'objectif poursuivi par l'aire de mise en valeur du patrimoine architectural tendant à la conservation du couvert végétal dans ce secteur. Ainsi, le classement, par la délibération du 23 mai 2019, des emplacements du camping et de la végétation existante en zone N n'était pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme. Il tenait également compte de l'avis défavorable émis sur l'ancien zonage Na intégral du camping par la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers et ne remettait pas en cause l'économie générale du projet de plan révisé, tel qu'initialement arrêté. Il en résulte que le conseil municipal de Bernières-sur-Mer ne pouvait pas, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration, décider de retirer la délibération du 23 mai 2019 approuvant la révision du plan local d'urbanisme pour le motif tiré de l'illégalité du classement du camping du Havre en zone N.

22. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut, à titre exceptionnel, délimiter dans les zones naturelles, agricoles ou forestières des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées dans lesquels peuvent être autorisés : / 1° Des constructions ; / (...) / Il précise les conditions de hauteur, d'implantation et de densité des constructions, permettant d'assurer leur insertion dans l'environnement et leur compatibilité avec le maintien du caractère naturel, agricole ou forestier de la zone. / Il fixe les conditions relatives aux raccordements aux réseaux publics, ainsi que les conditions relatives à l'hygiène et à la sécurité auxquelles les constructions, les résidences démontables ou les résidences mobiles doivent satisfaire. Ces secteurs sont délimités après avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. Leur caractère exceptionnel s'apprécie, entre autres critères, en fonction des caractéristiques du territoire, du type d'urbanisation du secteur, de la distance entre les constructions ou de la desserte par les réseaux ou par les équipements collectifs. ".

23. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le projet de plan approuvé par la délibération du 20 septembre 2019 classe en zone Nl (" zone naturelle spécifique au camping ") la partie du camping anciennement classée en zone N et modifie les dispositions de l'article N 2 du règlement en vue d'autoriser, ainsi qu'il a été dit, en zone Na (renommée " Secteur spécifique au camping autorisant certaines constructions "), " Toutes constructions et installations liées ou nécessaires à l'accueil des campeurs " mais également, en zones Na et Nl, " Les aménagements liés ou nécessaires au camping ", " Les aménagements liés ou nécessaires aux parcs résidentiels de loisirs ", " L'implantation des habitations légères de loisirs " ainsi que " L'installation des résidences mobiles de loisirs et des caravanes ", alors que ces dispositions, dans leur rédaction issue de la révision du plan approuvée par la délibération du 23 mai 2019, autorisaient seulement en zone Na " Les constructions et installations liées et nécessaires à l'accueil des campeurs " ainsi que " Les caravanes et habitations légères de loisirs ". Ces différentes modifications apportées au projet de plan révisé, qui ont pour effet d'accroître significativement les possibilités de construction à l'intérieur du terrain de camping du Havre et ne sont donc pas de pure forme, ne peuvent pas être regardées comme procédant, même indirectement, de l'avis défavorable émis sur l'ancien zonage Na du camping par la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, cet avis invitant, au contraire, la commune à " circonscrire " la surface de ce zonage. Elles ne procèdent pas davantage des observations du public, ni du rapport du commissaire-enquêteur, ni des avis émis par les autorités, collectivités et instances consultées et joints au dossier de l'enquête. En outre, ainsi qu'il a déjà été dit, ces différentes modifications ne remédient à aucune illégalité, le classement en zone N des emplacements et de la végétation existante du camping du Havre n'étant pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et les dispositions de l'article N 2 applicables à la zone N n'ayant pas pour effet d'y interdire l'installation de tentes de camping, et dans certaines conditions, de caravanes et de résidences mobiles de loisirs. Dès lors, le conseil municipal de Bernières-sur-Mer ne pouvait pas, sans méconnaître tant les dispositions précitées de l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration que celles de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme, retirer la révision du plan local d'urbanisme approuvée par la délibération du 23 mai 2019 et approuver, sans que soit organisée au préalable une nouvelle enquête publique, le nouveau projet de plan révisé, intégrant ces différentes modifications.

24. D'autre part, il est constant que la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers n'a pas été consulté, pour avis, avant ou même d'ailleurs après la délibération du 20 septembre 2019 approuvant le nouveau projet de plan révisé, sur le classement des emplacements et de la végétation existante du camping du Havre en zone Nl, alors que ce classement est constitutif, compte tenu des règles qui lui sont applicables, et rappelées au point précédent, d'un secteur de taille et de capacité d'accueil limitées au sens de l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme, et qu'il ne peut pas être regardé, ainsi qu'il a été dit au point précédent, comme procédant, même indirectement, de l'avis défavorable émis par la même commission sur le zonage Na du camping dans le projet de plan révisé, tel qu'initialement arrêté. Ce défaut de consultation de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers a été, dans les circonstances de l'espèce, susceptible d'exercer une influence sur le sens de la délibération contestée, le nouveau classement du camping en zone Nl visant à rétablir, sous une forme nouvelle, pour l'intégralité du camping, l'ancien zonage Na retenu, alors que celui-ci avait été supprimé après l'enquête publique afin de tenir compte de l'avis défavorable émis par la commission.

25. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens soulevés n'est susceptible, en l'état du dossier, d'entraîner l'annulation de la délibération contestée.

26. Il résulte de tout ce qui précède que les époux A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté les conclusions de leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 20 septembre 2019 du conseil municipal de Bernières-sur-Mer en tant, d'une part, qu'elle procède au retrait de la délibération du 23 mai 2019 en ce que celle-ci classait la majeure partie du camping du Havre en zone N et en tant, d'autre part, que la nouvelle version du plan local d'urbanisme qu'elle approuve, classe la majeure partie du camping du Havre en zone Nl et modifie les dispositions de l'article N 2 du règlement du plan applicables à la zone Nl.

Sur les frais liés au litige :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des époux A..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Bernières-sur-Mer demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bernières-sur-Mer une somme globale de 1 500 euros, à verser à M. et Mme A..., au titre des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : L'intervention de la société Le Donjon de Lars est admise.

Article 2 : La requête de la commune de Bernières-sur-Mer est rejetée.

Article 3 : La délibération du 20 septembre 2019 du conseil municipal de Bernières-sur-Mer est annulée, d'une part, en tant qu'elle procède au retrait de la délibération du 23 mai 2019 en ce que celle-ci classait la majeure partie du camping du Havre en zone N et, d'autre part, en tant que la nouvelle version du plan local d'urbanisme qu'elle approuve, classe la majeure partie du camping du Havre en zone Nl et modifie les dispositions de l'article N 2 du règlement du plan applicables à la zone Nl.

Article 4 : Le jugement du 19 février 2021 du tribunal administratif de Caen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : La commune de Bernières-sur-Mer versera à M. et Mme A... une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bernières-sur-Mer, à M. et Mme A... et à la société Le Donjon de Lars.

Délibéré après l'audience du 7 février 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Le Brun, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2023.

Le rapporteur,

Y. B...

La présidente,

C. BUFFET

La greffière,

A. LEMEE

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01102


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01102
Date de la décision : 17/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Yann LE BRUN
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : BOUSQUET;BOUSQUET;SELARL JURIS VOXA;SELARL CHRISTOPHE LAUNAY;SELARL AUGER VIELPEAU LE COUSTUMER - MEDEAS;BOUSQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-03-17;21nt01102 ?
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