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17/03/2023 | FRANCE | N°22NT02762

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 17 mars 2023, 22NT02762


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 30 juin 2020 du préfet de la Loire-Atlantique portant refus de renouvellement de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination.

Par un jugement n° 2012754 du 16 février 2022 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 août 2022 Mme A..., représent

ée par Me Chaumette, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 30 juin 2020 du préfet de la Loire-Atlantique portant refus de renouvellement de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination.

Par un jugement n° 2012754 du 16 février 2022 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 août 2022 Mme A..., représentée par Me Chaumette, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 juin 2020 du préfet de la Loire-Atlantique ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, le tout dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée de vices de procédure : l'avis du collège des médecins de l'OFII est incomplet ; le caractère collégial de l'avis du collège de médecins consulté n'est pas établi ; il n'existe aucune garantie sur l'identité des signataires de l'avis ;

- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de l'impossibilité d'une prise en charge médicale adaptée en cas de retour au Cameroun ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 novembre 2022 le préfet de la

Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante camerounaise née le 28 août 1986 à Douala (Cameroun), est entrée régulièrement en France le 17 septembre 2017 sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles. Elle a obtenu, le 8 juillet 2019, la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable jusqu'au 7 avril 2020. Mme A... a ensuite sollicité du préfet de la Loire-Atlantique le renouvellement de ce titre sur le même fondement. Par un arrêté du 30 juin 2020, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé le renouvellement de ce titre, a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai. Par un jugement du 16 février 2022, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / (...) ". Selon l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...). Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ".

3. Dans le respect des dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, l'avis du collège de médecins de l'OFFI émis le 27 mars 2020 en réponse à la saisine du préfet de la Loire-Atlantique sur la demande de Mme A... mentionne qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé camerounais elle pourra bénéficier effectivement du traitement approprié à son état. Dans ces conditions, ce collège n'était pas tenu de se prononcer sur la durée prévisible du traitement. Par ailleurs, il n'est pas établi que l'avis devait comporter des éléments supplémentaires à ceux dont il est fait état, notamment sur les conditions de prise en charge des pathologies dont souffre l'intéressée. Par suite, Mme A... ne peut utilement soutenir que l'avis du 27 mars 2020 serait irrégulier en l'absence de ces indications.

4. Par ailleurs, l'avis des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a été rendu le 27 mars 2020 par le collège constitué des docteurs Delprat-Chatton, Bisbal et Ahmed. La mention " après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant " est de nature à faire présumer que cet avis a été émis au terme d'une délibération collégiale et la requérante n'apporte aucun élément propre à renverser cette présomption. Par suite, en l'absence de commencement de preuve contraire, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée de la garantie liée au débat collégial du collège de médecins de l'OFII qui résulte des dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Enfin l'avis comporte la signature lisible des trois médecins qui ont délibéré. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté en ses diverses branches.

6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la

Loire-Atlantique se serait cru à tort en situation de compétence liée du fait du sens de l'avis du collège des médecins de l'OFII.

7. En troisième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

8. Pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à Mme A..., le préfet de la

Loire-Atlantique s'est fondé sur l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII le 27 mars 2020 qui a estimé que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, et peut, à ce titre, voyager sans risque vers son pays d'origine.

9. Il ressort des pièces du dossier que la requérante souffre de plusieurs pathologies. Elle est atteinte d'une paralysie faciale droite sévère lui causant des migraines chroniques et nécessitant une rééducation de la déglutition, conserve également des séquelles pulmonaires d'une tuberculose, pour laquelle elle a suivi un traitement du 26 mars au 30 décembre 2019 et a bénéficié d'examens d'imagerie à résonnance magnétique (IRM) et de scanners thoraciques et présente un asthme qualifié " d'assez léger " dans un compte-rendu de consultation du 15 juillet 2020 au service de pneumologie du CHU de Nantes, entraînant des crises dyspnéiques pour le traitement duquel les spécialités Symbicort 400/6, Turbuhader 1 et Ventoline lui ont été prescrites. Enfin, elle présente un fibrome utérin avec une formation kystique au niveau de l'ovaire gauche, en cours de surveillance par des examens, et pour lequel une opération chirurgicale pourrait s'avérer nécessaire.

10. Si l'intéressée produit, pour contester la position retenue par le collège de médecins de l'OFII, plusieurs certificats médicaux et ordonnances témoignant du suivi régulier dont elle fait l'objet, ces documents ne se prononcent pas pour l'essentiel sur l'impossibilité de bénéficier d'un tel suivi au Cameroun. Le seul certificat médical établi le 7 août 2020 par le docteur B..., neurologue installé au Cameroun, faisant état de ce que la prise en charge de l'intéressée poserait des problèmes de suivi majeur qui mettraient en cause son pronostic vital et du coût d'un IRM ou d'un scanner est insuffisant pour remettre en cause la position du collège des médecins de l'OFII sur la possibilité de disposer effectivement de traitements adaptés au Cameroun. Il en va de même des documents généraux relatifs à la situation du système de santé au Cameroun composés d'un manifeste du 22 avril 2016, produit par l'organisation des médecins du Cameroun, ainsi que d'un rapport de l'alliance mondiale pour les personnes de santé, présentant notamment les défaillances du système de santé camerounais, un rapport de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés en date du 15 février 2019 présentant le système de santé camerounais, un rapport du centre de liaisons européennes et internationales de sécurité sociale de 2018 exposant le régime camerounais de sécurité sociale, et d'un article publié sur le site de l'hôpital protestant de Bangwa le 31 juillet 2021 exposant l'état général de l'assurance maladie au Cameroun. Par ailleurs, le préfet produit en défense un extrait du site internet du centre hospitalier de Yaoundé qui établit que le suivi neurologique et de physio-kinésithérapie de la paralysie faciale de la requérante serait assuré ainsi que la liste des médicaments disponibles au Cameroun dont ceux permettant le traitement des troubles asthmatiques. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

11. Enfin il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

12. La décision portant refus de renouvellement de titre de séjour n'étant pas annulée, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence ne peut qu'être écarté.

13. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

14. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant à Mme A... obligation de quitter le territoire français.

15. Il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, le moyen tiré de ce que les décisions contestées méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

16. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2023.

Le rapporteur

A. C...La présidente

I. Perrot

La greffière

S. Pierodé

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22NT027622

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02762
Date de la décision : 17/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : CHAUMETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-03-17;22nt02762 ?
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