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31/03/2023 | FRANCE | N°21NT03396

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 31 mars 2023, 21NT03396


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A..., agissant tant en son nom personnel qu'en tant que représentant légal des jeunes F... A... et E... A..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 27 janvier 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 5 octobre 2020 du consul général de France à Abidjan (Côte d'Ivoire) refusant de délivrer à chacun des enfants F... A... et E... A... un visa d'entrée et de

long séjour en France en qualité d'enfants de ressortissants français.

Par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A..., agissant tant en son nom personnel qu'en tant que représentant légal des jeunes F... A... et E... A..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 27 janvier 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 5 octobre 2020 du consul général de France à Abidjan (Côte d'Ivoire) refusant de délivrer à chacun des enfants F... A... et E... A... un visa d'entrée et de long séjour en France en qualité d'enfants de ressortissants français.

Par un jugement n° 2103488 et n° 2103489 du 4 octobre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 5 décembre 2021 et le 9 février 2023, M. C... A..., agissant tant en son nom personnel qu'en tant que représentant légal du jeune F... A..., et Mme E... A..., devenue entre-temps majeure, représentés par Me Lekeufack, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 octobre 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 28 janvier 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et la décision du 5 octobre 2020 du consul général de France à Abidjan ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer au jeune F... A... et Mme E... A... les visas sollicités dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte, passé ce délai, de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer les demandes de visa dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte, passé ce délai, de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en ce qu'il s'appuie sur des éléments contenus dans le mémoire du ministre de l'intérieur produit après la clôture de l'instruction, et qui n'ont donc pas été soumis au principe du contradictoire ;

- la décision du consul général de France est entachée d'une erreur d'appréciation quant à la force probante des actes de naissance produits à l'appui des demandes de visa et quant à l'objet et aux conditions d'accueil en France des intéressés ;

- la décision de la commission de recours est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation quant à la force probante des actes de naissance produits à l'appui des demandes de visa ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la situation personnelle et familiale des demandeurs de visa.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Les parties ont été informées le 17 février 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité du moyen critiquant la régularité du jugement attaqué pour méconnaissance du caractère contradictoire de l'instruction, ce moyen, qui n'est pas d'ordre public et repose sur une cause juridique distincte, ayant été soulevé pour la première fois après l'expiration du délai d'appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant français né en 1959, a sollicité auprès du consul général de France à Abidjan (Côte d'Ivoire), pour le compte des jeunes F... A... et E... A..., ressortissants ivoiriens nés respectivement en 2007 et 2004, la délivrance pour chacun d'eux d'un visa d'entrée et de long séjour en France en qualité d'enfants de ressortissants français. Par des décisions du 5 octobre 2020, le consul général de France a refusé de leur délivrer les visas sollicités. L'intéressé a alors saisi la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Par une décision du 27 janvier 2021, la commission de recours a confirmé les refus de visa. M. C... A..., agissant tant en son nom personnel qu'en tant que représentant légal du jeune F... A..., et Mme E... A..., devenue entre-temps majeure, relèvent appel du jugement du 4 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 27 janvier 2021 de la commission de recours.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Dans la requête introductive d'instance enregistrée le 5 décembre 2021 au greffe de la cour, M. et Mme A... ont invoqué des moyens contestant le bien-fondé du jugement attaqué. Ce n'est que dans leur mémoire complémentaire, enregistré au greffe le 9 février 2023, soit après l'expiration du délai d'appel, qu'ils ont soulevé le moyen, qui n'est pas d'ordre public, critiquant la régularité du jugement attaqué en raison, selon eux, de la méconnaissance par le tribunal administratif du caractère contradictoire de l'instruction. Ce moyen, qui repose sur une cause juridique distincte de celles des moyens présentés dans la requête introductive d'instance, constitue une demande nouvelle et n'est donc pas recevable.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article D. 211-5 et de l'article D. 211-9, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France se substitue à celle qui a été prise initialement par les autorités diplomatiques ou consulaires. Il en résulte, d'une part, que les conclusions de la demande de M. et Mme A... doivent être regardées comme exclusivement dirigées contre la décision du 27 janvier 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, et, d'autre part, que les moyens tirés des vices propres dont serait entachée la décision du 5 octobre 2020 du consul général de France à Abidjan sont inopérants.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 8° rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ". L'article L. 211-5 du même code prévoit que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

5. La décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France vise les articles L. 211-1, R. 211-2 et L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que les actes de naissance des jeunes F... A... et E... A... ne sont pas conformes à la législation locale (article 44 de la loi ivoirienne relative à l'état civil) et ne permettent pas, dès lors, d'établir leur identité et le lien de filiation les unissant à M. A..., dont la conjointe n'est pas leur mère. Cette décision comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est, par suite, suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". L'article 47 du code civil, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

7. Il ressort des pièces du dossier que, pour justifier de l'identité des jeunes F... A... et E... A... et du lien de filiation les unissant à lui, M. C... A... a produit, à l'appui de leurs demandes de visa, une copie intégrale, et légalisée, de leur acte de naissance respectif. Si ces documents mentionnent que les actes de naissance des demandeurs de visa ont été, tous deux, dressés " sur la déclaration du père ", identifié à chaque fois comme étant M. C... A..., né le 1er janvier 1959 à Alépé, de nationalité ivoirienne, ils précisent, toutefois, que l'officier d'état civil a signé " seul " ces actes, alors qu'aux termes de l'article 44 de la loi ivoirienne du 7 octobre 1964 relative à l'état civil : " L'acte de naissance, rédigé immédiatement, est signé du déclarant et de l'officier ou de l'agent de l'état civil ". Par ailleurs, ces documents comportent, en marge, la mention selon laquelle les " signatures sont illisibles ", alors que celle de l'officier d'état civil est revêtue d'un tampon précisant sa qualité et son identité. Ces différentes anomalies, qui ne sont nullement expliquées par M. C... A..., sont de nature à remettre en cause la force probante de ces deux documents. Par suite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en estimant que les actes de naissance des intéressés ne permettaient pas d'établir leur identité et le lien de filiation les unissant à M. C... A... et en refusant, pour ce motif, de leur délivrer les visas sollicités.

8. En quatrième et dernier lieu, en l'absence d'établissement du lien de filiation unissant M. C... A... à Mme E... A... et au jeune F... A..., les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés. Il y a lieu, pour le même motif, d'écarter le moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. et Mme A..., n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, leurs conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. et Mme A... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Mme E... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Buffet, présidente de chambre,

Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

M. Le Brun, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mars 2023.

Le rapporteur,

Y. B...

La présidente,

C. BUFFET

La greffière,

A. LEMEE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT03396


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03396
Date de la décision : 31/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Yann LE BRUN
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : LEKEUFACK

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-03-31;21nt03396 ?
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