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02/06/2023 | FRANCE | N°22NT04094

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 02 juin 2023, 22NT04094


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler notamment la décision du 21 avril 2022 du préfet du Finistère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n°s 2100179, 2103840, 2203271 du 14 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Josselin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal a

dministratif de Rennes du 14 novembre 2022 ;

2°) d'annuler cette décision du 21 avril 2022 ;

3°) d'e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler notamment la décision du 21 avril 2022 du préfet du Finistère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n°s 2100179, 2103840, 2203271 du 14 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Josselin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 14 novembre 2022 ;

2°) d'annuler cette décision du 21 avril 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard et en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet ne pouvait légalement se fonder sur l'existence d'une menace à l'ordre public pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision contestée lui refusant la délivrance d'un titre de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il reprend en cause d'appel les moyens invoqués dans ses écritures de première instance, qu'il produit à l'appui de sa requête.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 janvier 2023, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brisson,

- et les observations de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né le 26 mai 1989, est entré irrégulièrement en France en 2004, selon ses déclarations et a fait l'objet de deux mesures d'éloignement, le 1er mars 2011 et le 7 janvier 2016. Par décisions des 2 octobre 2019, 23 juillet 2020 et 8 juin 2021, le préfet du Finistère a rejeté les demandes successives de délivrance de titre de séjour sollicitées par l'intéressé en qualité de parent d'enfant français. M. B... a présenté une nouvelle demande de titre de séjour le 3 février 2022. Par une décision du 21 avril 2022, le préfet du Finistère a rejeté sa demande. M. B... relève appel du jugement du 14 novembre 2022 du tribunal administratif de Rennes en tant seulement qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision après avoir jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les requêtes enregistrées sous les n° 2100179 et 2103840.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire (...) ". Aux termes de l'article L. 432-1 de ce code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'un étranger remplissant les conditions prévues à l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a droit à la délivrance d'une carte de séjour temporaire, sous la seule réserve que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Lorsque l'administration lui oppose ce motif pour refuser de faire droit à sa demande, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.

4. Pour refuser à M. B... la délivrance du titre de séjour demandé par l'intéressé en qualité de parent d'enfant français, le préfet du Finistère s'est fondé sur le motif tiré de ce que la présence de l'intéressé représentait une menace pour l'ordre public. Il ressort en effet des pièces du dossier et notamment du bulletin n° 2 de son casier judiciaire que l'intéressé s'est rendu coupable de faits d'usage illicite de stupéfiants commis en 2016 et a été condamné à ce titre le 1er mars 2016 par le tribunal correctionnel de Bobigny à une amende de 400 euros qui n'a été payée qu'en 2020. M. B... a, de nouveau, été condamné le 22 décembre 2017 par un jugement du tribunal correctionnel de Melun à une peine de dix mois d'emprisonnement pour des faits de vol aggravé par deux circonstances (récidive de tentative) commis le 20 décembre précédent. Le requérant ne conteste pas son implication dans des faits de dénonciation calomnieuse en juillet 2021 et de menace de crime ou de délit contre les personnes ou les biens à l'encontre d'un dépositaire de l'autorité publique, ces derniers faits, commis en août 2021 à la suite de son interpellation par les services de gendarmerie, ayant donné lieu à sa condamnation à une peine d'amende de 300 euros par un jugement du tribunal correctionnel de Quimper du 9 mai 2022. Si l'intéressé soutient qu'il n'a pas été condamné pour certains des faits pour lesquels il a été mis en cause entre 2013 et 2018 dans différentes affaires de vol, de stupéfiants et de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit, il ne conteste pas sérieusement la matérialité de ces faits. Dans ces conditions, eu égard à la nature, la gravité de certains des faits commis par M. B..., ainsi qu'à la persistance jusqu'à une période récente de son comportement délictueux, en dépit des précédents refus de titre de séjour qui lui ont été opposés pour ce motif, et alors que l'intéressé ne produit aucun élément de nature à justifier de sa contribution effective à l'entretien et à l'éducation de son enfant de nationalité française née le 16 juillet 2019, le préfet du Finistère a pu légalement, sans faire une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce, estimer que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public et qu'il n'y avait pas lieu, pour cette raison, de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions citées au point 2 doit être écarté.

5. Si M. B... soutient qu'il n'est pas l'auteur du refus par le conducteur d'un véhicule d'obtempérer à une sommation de s'arrêter mentionnée par le préfet du Finistère dans sa décision portant refus de titre de séjour, il ressort des pièces du dossier et de ce qui a été dit au point 4 que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait pas retenu cet élément. Il en est de même de la circonstance qu'aucune poursuite n'a été engagée à son encontre pour des faits de dénonciation calomnieuse. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'erreur de fait doit être écarté.

6. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. B... sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi qu'au titre d'une activité salariée, le préfet du Finistère n'a méconnu ni les dispositions précitées ni les stipulations de l'accord franco-marocain applicables à l'intéressé pour la délivrance d'un titre de séjour au titre d'une activité salariée.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. M. B... se prévaut de l'ancienneté de sa présence sur le territoire français où il serait entré en 2004, à l'âge de quinze ans, ainsi que de sa qualité de père d'un enfant de nationalité française, né en 2019 de son union avec une ressortissante française qu'il a épousée le 19 décembre 2020 et qui était enceinte d'un second enfant à la date de la décision contestée, ainsi que d'une proposition d'embauche. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le mariage de l'intéressé présente un caractère relativement récent et que ce dernier ne justifie pas de l'intensité des liens qu'il entretient avec son enfant, ainsi qu'il a été dit au point 4. Le requérant qui a fait l'objet de deux mesures d'éloignement et de plusieurs refus de titre de séjour, ne justifie pas davantage d'une particulière intégration. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, de la menace pour l'ordre public que constitue la présence en France de M. B... et en dépit de la durée supposée de sa présence sur le territoire français, la décision contestée lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, eu égard à son objet et à ses effets, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet du Finistère n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2023.

La rapporteure,

C. Brisson Le président,

D. Salvi

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22NT040942


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT04094
Date de la décision : 02/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SELARL VALADOU JOSSELIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-06-02;22nt04094 ?
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