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02/06/2023 | FRANCE | N°23NT00049

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 02 juin 2023, 23NT00049


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 5 décembre 2022 par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé de le transférer aux autorités espagnoles et de l'assigner à résidence.

Par un jugement n° 2206122 du 12 décembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé ces arrêtés et a enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer la situation de M. A... dans un délai d'un mois à compter de la no

tification de ce jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 5 décembre 2022 par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé de le transférer aux autorités espagnoles et de l'assigner à résidence.

Par un jugement n° 2206122 du 12 décembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé ces arrêtés et a enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer la situation de M. A... dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 janvier 2023, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 décembre 2022 ;

2°) de rejeter les conclusions de première instance de M. A....

Il soutient que les brochures contenant les informations exigées par le règlement Dublin III ont effectivement été remises à M. A..., quand bien même une erreur de plume a pu faire croire le contraire, et qu'en tout état de cause une telle remise largement antérieure à la décision refusant d'enregistrer sa demande en procédure normale et ordonnant son transfert vers les autorités compétentes lui a laissé le temps de présenter les informations utiles le cas échéant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2023, M. A..., représenté par Me Berthet-Le Floch conclut au rejet de la requête du préfet d'Ille-et-Vilaine et demande à la cour d'enjoindre au préfet d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de l'admettre au séjour à ce titre et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que le préfet d'Ille-et-Vilaine a méconnu les articles 4 et 12 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Derlange a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant mauritanien, entré en France le 15 mai 2022, a déposé une demande d'asile le 20 juin 2022. Par un arrêté du 5 décembre 2022, le préfet d'Ille-et-Vilaine a ordonné le transfert de M. A... en Espagne. Par un second arrêté du même jour, il l'a assigné à résidence. Le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel du jugement du 12 décembre 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé ces arrêtés et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A..., dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'État membre responsable (...); /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert;/e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ". Enfin selon les dispositions de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

4. Compte tenu de la date du 20 juin 2022 mentionnée dans le résumé de l'entretien individuel contradictoire de l'intéressé, de même que dans l'arrêté du 5 décembre 2022 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé de le transférer aux autorités espagnoles, alors que c'est celle du 21 juin 2022 qui est portée manuscritement auprès de la signature de M. A... pour la remise à celui-ci de ce résumé et des brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, il n'est pas établi que l'intéressé s'est vu remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 de ce règlement. A supposer même que M. A... disposait de suffisamment de temps pour faire valoir toutes observations utiles auprès du préfet avant l'édiction de l'arrêté du 5 décembre 2022 prescrivant son transfert en Espagne, il a été effectivement privé de la garantie que constitue la remise de cette information au plus tard lors de l'entretien individuel. Par conséquent, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé les arrêtés contestés du 5 décembre 2022 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A..., au motif de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Le présent arrêt implique seulement qu'il soit procédé au réexamen de la situation de M. A.... Une injonction en ce sens a déjà été prononcée par le tribunal administratif de Rennes. Les conclusions de M. A... devant la cour tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de l'admettre au séjour à ce titre ne peuvent ainsi qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Berthet-Le Floch, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat de la somme de 1 000 euros.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet d'Ille-et-Vilaine est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Berthet-Le Floch la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié M. B... A..., à Me Berthet-Le Floch et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2023.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00049


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00049
Date de la décision : 02/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : BERTHET-LE FLOCH

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-06-02;23nt00049 ?
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