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23/06/2023 | FRANCE | N°21NT03255

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 23 juin 2023, 21NT03255


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 novembre 2018 par laquelle le ministre chargé des naturalisations a rejeté sa demande de naturalisation.

Par un jugement no 1900133 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 novembre 2021 et 10 mars 2022, M. A... B..., représenté par la SELARL 333, demande à la cour :

1°) d'annu

ler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 5 novembre 2018 du ministre chargé des naturalisatio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 novembre 2018 par laquelle le ministre chargé des naturalisations a rejeté sa demande de naturalisation.

Par un jugement no 1900133 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 novembre 2021 et 10 mars 2022, M. A... B..., représenté par la SELARL 333, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 5 novembre 2018 du ministre chargé des naturalisations ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au profit de Me Barrière en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision est entachée d'une discrimination dès lors que son handicap le place dans l'impossibilité d'acquérir la nationalité française.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bréchot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 12 avril 2018, le sous-préfet de Saint-Denis a, sur le fondement de l'article 21-24 du code civil, déclaré irrecevable la demande de naturalisation formée par M. B.... Par une décision du 5 novembre 2018, le ministre chargé des naturalisations a rejeté le recours préalable formé contre cette décision et a substitué à la décision d'irrecevabilité du préfet une décision de rejet de la demande. M. B... relève appel du jugement du 15 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de cette décision du ministre de l'intérieur.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " (...) / Lorsque les conditions requises par la loi sont remplies, le ministre chargé des naturalisations propose, s'il y a lieu, la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française. Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, il déclare la demande irrecevable. / Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. (...). "

3. Aux termes de l'article 21-24 du code civil : " Nul ne peut être naturalisé s'il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue, de l'histoire, de la culture et de la société françaises, dont le niveau et les modalités d'évaluation sont fixés par décret en Conseil d'État, et des droits et devoirs conférés par la nationalité française ainsi que par l'adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République. (...) ". Aux termes de l'article 37 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour l'application de l'article 21-24 du code civil : / (...) / 2° Le demandeur doit justifier d'un niveau de connaissance de l'histoire, de la culture et de la société françaises correspondant aux éléments fondamentaux relatifs : / a) Aux grands repères de l'histoire de France : il est attendu que le postulant ait une connaissance élémentaire de la construction historique de la France qui lui permette de connaître et de situer les principaux événements ou personnages auxquels il est fait référence dans la vie sociale ; / b) Aux principes, symboles et institutions de la République : il est attendu du postulant qu'il connaisse les règles de vie en société, notamment en ce qui concerne le respect des lois, des libertés fondamentales, de l'égalité, notamment entre les hommes et les femmes, de la laïcité, ainsi que les principaux éléments de l'organisation politique et administrative de la France au niveau national et territorial ; / c) À l'exercice de la citoyenneté française : il est attendu du postulant qu'il connaisse les principaux droits et devoirs qui lui incomberaient en cas d'acquisition de la nationalité, tels qu'ils sont mentionnés dans la charte des droits et devoirs du citoyen français ; / d) À la place de la France dans l'Europe et dans le monde : il est attendu du postulant une connaissance élémentaire des caractéristiques de la France, la situant dans un environnement mondial, et des principes fondamentaux de l'Union européenne. / Les domaines et le niveau des connaissances attendues sont illustrés dans un livret du citoyen dont le contenu est approuvé par arrêté du ministre chargé des naturalisations. Il est élaboré par référence aux compétences correspondantes du socle commun de connaissances, de compétences et de culture mentionné au premier alinéa de l'article L. 121-1-1 du code de l'éducation. Le livret du citoyen est remis à toute personne ayant déposé une demande et disponible en ligne. " Enfin, en vertu de l'article 41 du même décret, le postulant se présente en personne devant un agent désigné nominativement par le préfet ou l'autorité consulaire afin de permettre à cet agent, lors d'un entretien individuel, de vérifier que le demandeur possède les connaissances attendues de lui, selon sa condition, sur l'histoire, la culture et la société françaises, telles qu'elles sont définies au 2° de l'article 37.

4. L'autorité administrative dispose, en matière de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, d'un large pouvoir d'appréciation. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, elle peut légalement fonder son appréciation sur le degré de connaissance par le postulant de l'histoire, de la culture et de la société françaises et des droits et devoirs conférés par la nationalité française.

5. Pour rejeter la demande de M. B..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur le motif tiré de ce que les réponses qu'il a apportées lors de son entretien mené en préfecture en vue d'évaluer son niveau de connaissance de la langue, de l'histoire, de la culture et de la société françaises, des droits et devoirs conférés par la nationalité française et de son adhésion aux principes et valeurs essentiels de la République, témoignent d'une connaissance insuffisante des éléments fondamentaux relatifs aux grands repères de l'histoire de la France et aux règles de vie en société tenant aux principes, aux symboles et aux institutions de la République.

6. Il ressort du compte-rendu d'entretien d'assimilation, établi par les services de la sous-préfecture de Saint-Denis le 16 mars 2017, que M. B..., interrogé par les services préfectoraux, est notamment parvenu à citer la date de la fête nationale, le drapeau français et la devise de la République, à nommer le premier ministre et le président de la République, à mentionner plusieurs monuments et un écrivain français ainsi que des pays de l'Union européenne. S'il est vrai qu'il n'a pas été en mesure d'indiquer précisément les dates des deux guerres mondiales, il a pu citer la date de 1914 pour la première et celle de " 1949 " pour la seconde. Par ailleurs, s'il a éprouvé des difficultés à définir les concepts de démocratie, de laïcité et de fraternité, il a indiqué que la démocratie consistait à " être libre de tout " et précisé que le président de la République était " élu tous les 5 ans par le peuple ", et mentionné, au titre de la fraternité, les droits aux soins, au logement, à la sécurité sociale, aux allocations familiales ainsi que le devoir de payer ses impôts. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, le ministre de l'intérieur a, en rejetant la demande de naturalisation de M. B... pour le motif cité au point 5, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Antoine Barrière de la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 décembre 2020 et la décision du 5 novembre 2018 du ministre de l'intérieur sont annulés.

Article 2 : L'État versera à Me Antoine Barrière la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Antoine Barrière et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juin 2023.

Le rapporteur,

F.-X. BréchotLa présidente,

C. Buffet

La greffière,

A. Lemée

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT03255002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03255
Date de la décision : 23/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : BARRIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-06-23;21nt03255 ?
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