La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/2023 | FRANCE | N°22NT02265

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 23 juin 2023, 22NT02265


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Edcla a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 30 août 2021 par laquelle le maire de Caen a rejeté sa demande tendant au retrait du permis de construire initial du 9 mars 2017, d'un permis de construire modificatif tacite né le 31 janvier 2018 et des permis de construire modificatifs du 25 septembre 2019 et du 10 mars 2020 qu'il a accordés à la société Bouygues Immobilier en vue de la construction, après démolition des bâtiments existant

s, de deux bâtiments collectifs d'habitation sur un terrain situé 75, bouleva...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Edcla a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 30 août 2021 par laquelle le maire de Caen a rejeté sa demande tendant au retrait du permis de construire initial du 9 mars 2017, d'un permis de construire modificatif tacite né le 31 janvier 2018 et des permis de construire modificatifs du 25 septembre 2019 et du 10 mars 2020 qu'il a accordés à la société Bouygues Immobilier en vue de la construction, après démolition des bâtiments existants, de deux bâtiments collectifs d'habitation sur un terrain situé 75, boulevard Yves Guillou à Caen.

Par une ordonnance n° 2102405 du 19 mai 2022, le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 15 juillet 2022, le 16 septembre 2022, le 13 décembre 2022 et le 30 janvier 2023, la société Edcla, représentée par Me Gorand, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 19 mai 2022 du président du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 30 août 2021 du maire de Caen ;

3°) d'enjoindre au maire de Caen de retirer les permis de construire qu'il a accordés à la société Bouygues Immobilier, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte, passé ce délai, de 300 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa demande de retrait, dans les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Caen la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le président du tribunal administratif ne pouvait pas valablement lui opposer l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt n° 18NT02434 du 2 avril 2020 de la cour, une demande tendant au retrait, pour fraude, d'autorisations d'urbanisme n'ayant pas le même objet qu'une demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, d'autorisations d'urbanisme ;

- elle dispose d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre le refus opposé à sa demande de retrait pour fraude des permis accordés à la société Bouygues Immobilier ;

- sa demande de première instance n'était pas tardive, la décision contestée n'étant pas confirmative des décisions du maire de Caen ayant rejeté les recours gracieux qu'elle avait précédemment formés contre les permis de construire accordés à la société Bouygues Immobilier ;

- la décision contestée est entachée d'illégalité dès lors que les permis de construire accordés à la société Bouygues Immobilier ont été obtenus par fraude : la société pétitionnaire a volontairement inclus, sans le faire apparaître clairement, une partie du domaine public dans l'emprise de son projet en vue d'assurer la conformité de celui-ci aux dispositions de l'article UB 6 et des points 12.3 et 12.5 de l'article UB 12 du règlement du plan local d'urbanisme, mais aussi de réaliser une plus-value financière d'un montant de 330 000 euros ;

- la demande de la commune de Caen tendant à ce que la SCI Edcla soit condamnée à verser une amende pour recours abusif d'un montant de 10 000 euros est irrecevable.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 novembre 2022 et le 13 janvier 2023, la société Bouygues Immobilier, représentée par Me Marais, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SCI Edcla au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le président du tribunal administratif a pu valablement opposer l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt n° 18NT02434 du 2 avril 2020 de la cour à la demande de la SCI Edcla, l'objet et la cause de celle-ci étant, en réalité, identiques à celle ayant donné lieu à l'instance close par cet arrêt de la cour ;

- la demande de première instance était entachée d'irrecevabilité pour défaut d'intérêt à agir de la SCI Edcla, cette demande n'étant pas motivée par des considérations urbanistiques ;

- si le plan de masse du projet produit à l'appui de la demande du permis de construire initial était inexact quant à la limite de propriété, celle-ci ne correspondant pas à la limite cadastrale, cette inexactitude ne saurait, en tout état de cause, caractériser une fraude.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 janvier 2023 et le 10 février 2023, le second n'ayant pas été communiqué, la commune de Caen, représentée par Me Bouthors-Neveu, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SCI Edcla au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) à la condamnation de la SCI Edcla au versement d'une amende pour recours abusif d'un montant de 10 000 euros.

Elle fait valoir que :

- le président du tribunal administratif a pu valablement opposer l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt n° 18NT02434 du 2 avril 2020 de la cour à la demande de la SCI Edcla, l'objet de celle-ci étant, en réalité, identique à celle ayant donné lieu à l'instance close par cet arrêt de la cour ;

- la demande de première instance était également entachée d'irrecevabilité en raison de sa tardiveté, la décision du 30 août 2021 du maire de Caen rejetant la demande de retrait, pour fraude, des permis accordés à la société Bouygues Immobilier étant, en réalité, purement confirmative des décisions, devenues définitives, par lesquelles il avait auparavant rejeté les recours gracieux formés par la SCI Edcla contre ces permis ;

- la demande de première instance était entachée d'irrecevabilité pour défaut d'intérêt à agir de la SCI Edcla, cette demande n'étant pas motivée par des considérations urbanistiques ;

- les permis de construire n'ont pas été obtenus par fraude ;

- la décision contestée n'est, en tout état de cause, pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la demande de la SCI Edcla présente un caractère abusif dès lors qu'elle n'a pour objet que de retarder encore la réalisation d'un projet immobilier.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le président du tribunal administratif ne pouvait pas rejeter par ordonnance prise sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, la demande présentée par la SCI Edcla pour le motif tiré du non-respect de l'autorité de la chose jugée, un tel motif se rattachant, non pas à la recevabilité de la demande de première instance, mais à son bien-fondé.

Une note en délibéré, présentée par la société Edcla, a été enregistrée le 18 avril 2023.

Une note en délibéré, présentée par la société Bouygues Immobilier, a été enregistrée le 22 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bréchot,

- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gorand, représentant la SCI Edcla, et les observations de Me Marais, représentant la société Bouygues Immobilier.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 9 mars 2017, le maire de Caen a délivré à la société Bouygues Immobilier un permis de construire en vue de la construction, après démolition des bâtiments existants, de deux bâtiments collectifs d'habitation sur un terrain situé 75, boulevard Yves Guillou à Caen. La société civile immobilière (SCI) Edcla a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler cet arrêté. Par un jugement n° 1701484 du 3 mai 2018, le tribunal a rejeté sa demande. Entre-temps, le maire de Caen avait tacitement délivré à la société Bouygues Immobilier, le 31 janvier 2018, un permis modificatif portant sur divers aspects du projet. La SCI Edcla a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler ce permis modificatif. Par une ordonnance du 18 mars 2019, le président de ce tribunal a transmis cette demande à la cour administrative d'appel de Nantes, en application de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme, dès lors que la SCI Edcla avait relevé appel du jugement rendu le 3 mai 2018 par le même tribunal ayant rejeté ses conclusions d'annulation du permis de construire initial du 9 mars 2017. Par un arrêté du 25 septembre 2019, le maire de Caen a délivré à la société Bouygues Immobilier un deuxième permis modificatif portant sur les clôtures et l'emplacement des balcons du projet de construction. La SCI Edcla a demandé l'annulation de cet arrêté dans le cadre de l'instance d'appel alors pendante contre le jugement du 3 mai 2018 du tribunal administratif de Caen. Par un arrêt no 18NT02434 du 2 avril 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'ensemble des conclusions à fin d'annulation présentées par la SCI Edcla. Par une décision no 443242 du 7 juillet 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, n'a pas admis le pourvoi en cassation formé contre cet arrêt. Par un courrier du 8 juillet 2021, la SCI Edcla a demandé au maire de Caen de retirer, pour fraude, le permis de construire initial du 9 mars 2017 et les trois permis modificatifs accordés, les 31 janvier 2018, 25 septembre 2019 et 10 mars 2020, à la société Bouygues Immobilier en vue de la réalisation de son projet de construction sur le terrain situé 75, boulevard Yves Guillou à Caen. Cette demande a été rejetée par une décision du 30 août 2021 du maire de Caen. La SCI Edcla relève appel de l'ordonnance du 19 mai 2022 par laquelle le président du tribunal administratif de Caen a rejeté, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à l'annulation de cette décision de refus de retrait.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : / (...) / 4º Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; / (...). "

3. Pour rejeter par ordonnance, sur le fondement de ces dispositions, la demande de la SCI Edcla tendant à l'annulation de la décision du 30 août 2021 par laquelle le maire de Caen a refusé de retirer, pour fraude, les permis de construire accordés à la société Bouygues Immobilier, le président du tribunal administratif de Caen a relevé que la nouvelle demande de la SCI Edcla avait le même objet que celles ayant donné lieu à l'arrêt no 18NT02434 du 2 avril 2020 de la cour administrative d'appel de Nantes, s'appuyait sur le même moyen, tiré de l'existence d'une prétendue fraude, qui avait déjà été expressément écarté par la cour dans cet arrêt, et, enfin, mettait en cause les mêmes parties. Il en a déduit que l'autorité de la chose jugée qui s'attachait à cet arrêt du 2 avril 2020 de la cour, devenu définitif, entachait la demande de la SCI Edcla d'irrecevabilité manifeste. Toutefois, l'exception de chose jugée ne relève pas de la recevabilité de la requête soumise à la juridiction administrative mais de son bien-fondé. Dès lors, le président du tribunal administratif de Caen ne pouvait pas se fonder sur l'exception de chose jugée pour rejeter comme étant manifestement irrecevable, par une ordonnance prise sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, la demande présentée par la SCI Edcla devant ce tribunal.

4. Par ailleurs, d'une part, la SCI Edcla, voisine immédiate du projet, justifiait, eu égard à la nature des constructions en cause consistant en deux bâtiments collectifs d'habitation dont l'édification est de nature à porter atteinte à ses conditions d'occupation et de jouissance de son bien, d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre le refus de retirer les autorisations d'urbanisme accordées à la société Bouygues Immobilier. D'autre part, la décision contestée, rejetant la demande de la SCI Edcla tendant au retrait du permis de construire initial du 9 mars 2017 et des permis de construire modificatifs accordés à la société Bouygues Immobilier pour le motif qu'ils auraient été obtenu par fraude, n'est pas confirmative des précédentes décisions de rejet des recours gracieux formés par la SCI Edcla contre ces permis. Le recours dirigé contre la décision contestée du 30 août 2021 du maire de Caen n'est donc pas entaché de tardiveté.

5. Par suite, la requête de la SCI Edcla n'étant entachée d'aucune irrecevabilité manifeste, elle ne pouvait faire l'objet d'un rejet par ordonnance sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. L'ordonnance attaquée est, par suite, entachée d'incompétence et doit, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen d'irrégularité invoqué par la société requérante, être annulée.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SCI Edcla devant le tribunal administratif de Caen.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 30 août 2021 du maire de Caen :

7. D'une part, un tiers justifiant d'un intérêt à agir est recevable à demander, dans le délai du recours contentieux, l'annulation de la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé de faire usage de son pouvoir d'abroger ou de retirer un acte administratif obtenu par fraude, quelle que soit la date à laquelle il l'a saisie d'une demande à cette fin. Dans un tel cas, il incombe au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, d'une part, de vérifier la réalité de la fraude alléguée et, d'autre part, de contrôler que l'appréciation de l'administration sur l'opportunité de procéder ou non à l'abrogation ou au retrait n'est pas entachée d'erreur manifeste, compte tenu notamment de la gravité de la fraude et des atteintes aux divers intérêts publics ou privés en présence susceptibles de résulter soit du maintien de l'acte litigieux soit de son abrogation ou de son retrait.

8. D'autre part, l'autorité administrative saisie d'une demande de permis de construire peut relever les inexactitudes entachant les éléments du dossier de demande relatifs au terrain d'assiette du projet, notamment sa surface ou l'emplacement de ses limites séparatives, et, de façon plus générale, relatifs à l'environnement du projet de construction, pour apprécier si ce dernier respecte les règles d'urbanisme qui s'imposent à lui. En revanche, le permis de construire n'ayant d'autre objet que d'autoriser la construction conforme aux plans et indications fournis par le pétitionnaire, elle n'a à vérifier ni l'exactitude des déclarations du demandeur relatives à la consistance du projet à moins qu'elles ne soient contredites par les autres éléments du dossier joint à la demande tels que limitativement définis par les articles R. 431-4 et suivants du code de l'urbanisme, ni l'intention du demandeur de les respecter, sauf en présence d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date à laquelle l'administration se prononce sur la demande d'autorisation.

9. La SCI Edcla soutient que la société pétitionnaire a volontairement inclus dans l'assiette foncière du projet, telle que figurant sur le plan de masse du dossier de permis de construire initial, une bande de terrain, d'une superficie de quinze mètres carrés, qui se situe à l'extérieur des limites cadastrales de la parcelle cadastrée section NS n° 106 et qui appartiendrait, selon elle, au domaine public, en vue d'induire en erreur le service instructeur sur la conformité du projet aux dispositions de l'article UB 6 du règlement du plan local d'urbanisme de Caen, relatif au respect d'une marge de recul de 3 mètres par rapport à l'alignement, et aux dispositions des points 12.3 et 12.5 de l'article UB 12 du même règlement, relatifs respectivement à la surface minimale exigée pour les locaux destinés au stationnement des deux roues et à la possibilité de réaliser au sein de la marge de recul une seule place de stationnement des véhicules motorisés à condition d'être " située sur l'accès automobile du terrain ". Cependant, à supposer même que la délimitation de l'assiette foncière soit, à l'endroit litigieux, en totalité ou en partie inexacte, une telle inexactitude n'aurait pas été, en l'espèce, de nature à fausser l'appréciation portée par l'administration sur la conformité du projet à la marge de recul minimale de trois mètres identifiée par le document graphique du plan local d'urbanisme, dont le respect est imposé par l'article UB 6 du règlement du plan, dès lors que la délimitation de cette marge de recul est fixée au regard de l'alignement figurant sur le document graphique et non au regard de l'emplacement exact de la limite de propriété. L'inexactitude alléguée est également restée sans incidence sur le respect des dispositions des points 12.3 et 12.5 de l'article UB 12 du règlement du plan local d'urbanisme, dès lors qu'elle n'a, en tout état de cause, pas eu pour effet d'inclure dans la marge de recul une quelconque surface du local destiné au stationnement des deux roues ou des places de stationnement. En outre, et contrairement à ce qui est soutenu par la SCI Edcla, l'éventuelle inclusion, à tort, de la bande de terrain en cause dans l'assiette foncière du projet n'a pas eu pour effet d'en transférer la propriété à la société pétitionnaire et, partant, de permettre à celle-ci de réaliser une plus-value financière indue, les autorisations d'urbanisme étant délivrées sous réserve du droit des tiers. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'erreur alléguée relative à la délimitation de l'assiette foncière aurait été commise sciemment. Ainsi, eu égard à l'absence d'incidences des inexactitudes alléguées et d'intention frauduleuse, le moyen tiré de ce que les permis de construire accordés à la société Bouygues Immobilier auraient été obtenus par fraude ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que la SCI Edcla n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 30 août 2021 du maire de Caen.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la SCI Edcla, n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur l'amende pour recours abusif :

12. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros. ".

13. La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de la commune de Caen tendant à ce que la société requérante soit condamnée à une telle amende ne sont pas recevables.

14. En l'espèce, la demande présentée par la SCI Edcla devant le tribunal administratif de Caen présente un caractère abusif. Il y a lieu, par suite, de la condamner à payer une amende de 3 000 euros.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Caen, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la SCI Edcla au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

16. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Edcla le versement d'une somme de 1 500 euros à la commune de Caen et d'une somme de 1 500 euros à la société Bouygues Immobilier au titre des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du 19 mai 2022 du président du tribunal administratif de Caen est annulée.

Article 2 : La demande présentée par la SCI Edcla devant le tribunal administratif de Caen est rejetée.

Article 3 : La SCI Edcla est condamnée à payer une amende de 3 000 euros.

Article 4 : La SCI Edcla versera une somme de 1 500 euros à la commune de Caen et une somme de 1 500 euros à la société Bouygues Immobilier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Edcla, à la commune de Caen, à la société Bouygues Immobilier et au directeur départemental des finances publiques du Calvados.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juin 2023.

Le rapporteur,

F.-X. BRÉCHOT

La présidente,

C. BUFFET

La greffière,

A. LEMEE

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22NT02265


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02265
Date de la décision : 23/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROCÉDURE - JUGEMENTS - CHOSE JUGÉE - CHOSE JUGÉE PAR LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - EFFETS - MÉCONNAISSANCE DE L'AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE - CAUSE D'IRRECEVABILITÉ D'UNE REQUÊTE - ABSENCE ([RJ1]).

54-06-06-01-03 L'exception de chose jugée ne relève pas de la recevabilité de la requête soumise à la juridiction administrative mais de son bien-fondé.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - SUBSTITUTION DES MOTIFS RETENUS PAR LES JUGES DE PREMIER RESSORT - JUGEMENT AYANT OPPOSÉ À TORT UNE IRRECEVABILITÉ - IRRÉGULARITÉ - EXISTENCE - CONDITION - ÉCARTER PRÉALABLEMENT LES FINS DE NON-RECEVOIR OPPOSÉE À LA DEMANDE ([RJ2]).

54-08-01-05 En présence d'une décision du juge de première instance ayant opposé à tort une irrecevabilité à une demande, le juge d'appel ne peut annuler cette décision comme irrégulière qu'après avoir écarté les fins de non-recevoir opposées à la même demande, dès lors que si l'une de celles-ci était fondée, la régularité de cette décision devrait être confirmée par substitution de motifs (sol. impl.).


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Sect., 6 décembre 1957, Malet, Rec. p. 659......

[RJ2]

Cf. sol. contr. CAA Lyon, 25 février 1991, Derriano, n°89LY01959, T., p. 1158.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : BOUTHORS-NEVEU;BOUTHORS-NEVEU;BOUTHORS-NEVEU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-06-23;22nt02265 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award